
La terre se meurt, les lobbies de l’agrochimie ont eu sa peau
23 septembre 2016
BOULEVARD VOLTAIRE
Il n’y a rien à attendre des politiques. Leurs discours sur l’écologie ne sont que du pipeau pour récital électoral.

Il y a bien longtemps, dans une autre vie, on mettait les choux verts à tremper dans l’eau légèrement vinaigrée avant de les préparer. Quand on lavait les feuilles de salade, on trouvait tout pareil de la terre au fond de l’évier et quelques limaces en train de nager la brasse. La mâche crachait son sable, les carottes étaient terreuses et les poireaux, n’en parlons pas. Aujourd’hui, rien de tout cela. Les fruits comme les légumes sont rutilants et calibrés, bien proprets, sans une tache, sans un moucheron. D’ailleurs, c’est simple : les bestioles (ou ce qu’il en reste) ont déserté les cultures – sans compter que la plupart des légumes sont cultivés hors champ…
Bref, un enfant qui trouverait aujourd’hui une limace égarée dans son assiette à la cantine verrait débouler le SAMU, les caméras et la police. S’ensuivraient un procès et des années de thérapie pour guérir ce grave traumatisme.
Abus de nitrates, de pesticides, d’herbicides, de Roundup et autres saloperies, nos sols sont en train de mourir. La France et au-dessus d’elle l’Europe regardent ailleurs, prisonnières qu’elles sont des lobbies de l’agrochimie. Alors 350 associations rassemblées dans People4Soil, dont 32 françaises, ont décidé de prendre le taureau par les cornes, ou plutôt les lombrics par la queue. Elles lancent, ce jeudi, une pétition à travers les 28 pays de l’Union européenne pour obliger Bruxelles à voter enfin une directive de protection des sols.
Et comme le meilleur indicateur de la qualité de la terre, et le meilleur ouvrier pour lui redonner vie, est le ver de terre, une vaste opération est lancée auprès du public par l’OPVT (Observatoire participatif des vers de terre), relayée par Le Parisien : l’opération Moutarde. Rassurez-vous, ce n’est pas pour les gazer mais pour les recenser.
Vous trouverez ci-dessous comment y participer.Lydia Bourguignon, fondatrice avec son époux du Laboratoire d’analyse microbiologique des sols (LAMS) et déjà évoquée sur ce site, l’affirme : « Il y a plus qu’urgence à agir pour conserver les sols comme on protège l’eau ou l’air », et toute cette opération n’est pas une lubie d’écolos. Comme elle l’expliquait dans une interview au magazine Plantes & Bien-Être l’an passé : « Notre civilisation va au crash écologique ! Aujourd’hui, les sols meurent et les plantes sont malades. On croit faire de l’agriculture ; en réalité, nous faisons de la gestion de pathologie végétale, à savoir que nous essayons de maintenir en vie des plantes qui devraient mourir tellement elles sont malades. Ce n’est pas ça, l’agriculture ! » Les chiffres sont alarmants : « Aujourd’hui, on compte moins de 100 kg de vers de terre à l’hectare au lieu de 2 tonnes autrefois. C’est un effondrement complet car cette faune est très active, elle passe son temps à brasser les éléments et aérer le sol. » C’est la réaction en chaîne : quand la faune n’est plus là, l’humus se perd. Et « sans humus, l’eau ruisselle, lessive et érode les sols. Les polluants chimiques utilisés en surface descendent et infiltrent les nappes phréatiques, puis les rivières. Les sols s’acidifient, les argiles partent dans les rivières, ça donne les marées vertes en Bretagne et des rivières pleines de boues. »
Heureusement, dit un scientifique au Parisien, « rien n’est irréversible, mais parce que les lombriciens ne produisent au maximum qu’une génération par an, il faut des décennies avant d’obtenir des résultats ». Eh oui, les vers de terre ne sont pas des lapins…
Sur ce plan comme sur tant d’autres il n’y a rien à attendre des politiques. Leurs discours sur l’écologie ne sont que du pipeau pour récital électoral. Si nous voulons laisser une Terre habitable à nos enfants, c’est à nous de faire. Alors, au boulot ! Et comptons les asticots !
Pour tout savoir et pour participer : https://ecobiosoil.univ-rennes1.fr/OPVT_accueil.php