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20 avril 2024

TAFTA et CETA, des jumeaux « au bonheur » d’un libre échangisme destructeur


par Daniel MARTIN (son site)

lundi 17 octobre 2016

Faucon US

TAFTA, dont on a dénoncé l’opacité des négociations qui sont toujours en cours, ainsi que les conséquences désastreuses sur le plan économique, environnemental, juridique, social et sanitaire, avait relégué au second plan de l’hostilité que pouvait susciter dans l’opinion publique l’accord de libre échange avec le Canada (CETA).

Désormais, pour le CETA « la messe est dite » : l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada ne bougera plus d’une virgule. Alors que le texte de l’accord comptait 1598 pages, après une première renégociation, il s’est vu compléter par une » déclaration interprétative » de 5 pages pour répondre aux interrogations des sceptiques avant la signature prévue le 27 Octobre 2016. Rédigée pour convaincre les syndicats allemands et surtout les sociaux-démocrates du SPD pour qu’ils apportent leur soutien à cet accord, elle ne devrait être présentée officiellement que lors de la réunion des ministres du commerce européens le 18 octobre.

Exercice de communication pour détourner l’attention

A l’évidence, le rajout de cette »déclaration interprétative » ne change rien au contenu de l’accord. Que l’on soit ou non d’accord au CETA. « Cette déclaration n’est au mieux qu’un exercice de communication au pire l’expression de l’incroyable incapacité des socialistes européens et de la commission à comprendre les critiques adressées au CETA”, estime l’eurodéputé Yannick JADOT.

Il ne faut pas s’y tromper, le rajout d’une « déclaration interprétative » dans laquelle il n’est toujours pas fait mention du principe de précaution Européen ne change strictement rien. Il s’agit d’un accord économique global entre l’Union européenne et le Canada destiné à stimuler le libre échangisme commercial.

Des promesses encore et toujours

Présenté comme « l’accord modèle » qui permettra aux entreprises Européennes de gagner des marchés à l’étranger tout en préservant les services publics, l’agriculture, le droit à réguler et les appellations protégées garanties…Avec de la croissance (comme si elle était encore possible), des emplois, le tout sans aucun renoncement. Mais, voici plus de vingt ans que les promoteurs de l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique) ne tarissaient pas de promesses non plus. Le bilan aujourd’hui est accablant : pression à la baisse sur les salaires aux Etats-Unis et au Canada et déstructuration profonde de l’agriculture mexicaine qui a entraîné des migrations forcées et des émeutes de la faim.

Ainsi, pour le « vendre » aux populations Européennes, comme ils le font pour le TAFTA, les promoteurs du CETA prétextent que cela permettra de renforcer les relations économiques et créer des emplois… Pour y parvenir, ils prévoient la suppression de 99 % des droits de douane et de nombreux autres obstacles au commerce. Une fois appliqué, il est censé offrir aux entreprises de l’UE des débouchés commerciaux plus nombreux et de meilleure qualité au Canada et toujours, selon ses promoteurs il soutiendra la création d’emplois en Europe. Il supprimera les droits de douane, mettra fin aux restrictions en matière d’accès aux marchés publics, ouvrira le marché des services, offrira aux investisseurs un environnement prévisible et aidera à prévenir la copie illicite d’innovations ou de produits traditionnels de l’UE. Bref ! Que du bonheur pour les populations de l’UE…Sauf que la réalité serait bien différente…

Derrière les effets de communication, une réalité moins réjouissante

Loin des regards des peuples européens et canadiens, la Commission Européenne, au nom des 28 Etats membres de l’UE et le gouvernement canadien sont sur le point de sceller cet accord. Conformément aux vœux des lobbies des multinationales qui en sont à l’origine. Il vise surtout à démanteler toute forme de barrière au commerce et à l’investissement afin de fluidifier les échanges entre les deux rives de l’Atlantique.

Plus concrètement il s’agit de :

– Soi-disant, prévenir la copie illicite d’innovations ou de produits traditionnels de l’UE, alors que cela ne concernera qu’une liste de produits bien définis en nombre très restreint.

– Supprimer les derniers droits de douane entre les deux zones économiques, notamment dans l’agriculture. Bilan, comme pour le TAFTA : Dans les assiettes des consommateurs Européens, Bœuf aux hormones, porcs « soignés » à la ractopamine, un médicament utilisé pour gonfler la teneur en viande maigre chez les porcs et les bovins. Du fait de ses risques pour la santé des bêtes et des consommateurs, il est  banni dans cent soixante pays, parmi lesquels les Etats membres de l’Union, la Russie et la Chine.

– Harmoniser les réglementations des deux côtés de l’Atlantique, ce qui se traduit bien souvent par l’assouplissement maximal des lois et des normes qui protègent la santé publique, les travailleurs, les consommateurs ou encore l’environnement.

– Conférer des droits exceptionnels aux multinationales afin d’assurer la mise en œuvre effective, voire aller au-delà des deux objectifs précédents.

Comme les autres accords en cours de négociation, le CETA est un projet d’accord de libre-échange piloté par les lobbies industriels et financiers nord-américains et européens qui voient dans toute réglementation existante ou future un obstacle à leurs affaires. Ce sont nos modes de vie, nos choix démocratiques et la capacité des Etats et des collectivités territoriales à protéger notre santé, notre environnement et nos droits qui sont menacés par ce projet d’accord.

Contrairement aux perspectives des plus réjouissantes que nous annoncent leurs instigateurs, Il convient de souligner que ces deux accords TAFTA et CETA auraient incontestablement les même conséquences désastreuses, notamment, en matière agricole, ce qui aggraverait la crise que vivent de très nombreux agriculteurs en abaissant les barrières tarifaires. Sans compter les problèmes alimentaires et sanitaires… l’accord UE-Canada (CETA) s’inspire des mêmes principes et propose les mêmes mécanismes : « justice privée » pour les investissements, coopération réglementaire, libéralisation du commerce agricole, libéralisation des services publics. En outre 81 % des entreprises situées au Canada sont juridiquement liées d’une manière ou d’une autre à des entreprises des États-Unis, en tant que filiales ou branches : par leur intermédiaire, celles-ci pourraient dès lors bénéficier de toutes les dispositions du CETA, arbitrage d’investissement et coopération réglementaire compris.

Les promoteurs et partisans du CETA, au service de l’agrobusiness agro-alimentaires, banquier, financier et industriel, peuvent également dire merci aux Députés PS 

Aujourd’hui, cet accord semble à l’évidence soulever de plus en plus de réticence, dès lors que l’on se rapproche de sa signature, qui, lorsqu’après avoir été approuvé par le parlement Européen, devait l’être par les parlements Nationaux. Le processus de consultation des parlements Nationaux étant très long, il est d’usage que ce genre d’accord commercial entre en vigueur provisoirement dès qu’il est validé par le Parlement européen, et avant le vote des parlements nationaux. Cette possibilité facultative a déjà été utilisée, notamment pour les accords avec le Pérou ou la Colombie en 2013. Ce dispositif devrait être saisi par les ministres européens du commerce le 18 octobre, y compris le Français Matthias FEKL, qui est favorable à l’application provisoire pour que l’accord commence rapidement à produire ses effets…désastreux !… Toutefois un parlement National peut toujours voter une résolution pour s’opposer à cette mise en œuvre provisoire. Mais pour la France, grâce aux Députés PS, le CETA devrait pouvoir entrer provisoirement en vigueur avant même le vote du Parlement français. C’est la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale qui en a décidé ainsi mercredi 5 octobre, en rejetant une proposition de loi réclamant au gouvernement français qu’il s’oppose à la mise en oeuvre provisoire du CETA. (http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4071.asp)

Un tour « de passe-passe » peu conforme à l’éthique parlementaire

Pour aboutir à ce résultat, le groupe socialiste a procédé à un étonnant « tour de passe-passe, il a fait démissionner le matin même du vote 5 députés PS de la commission des affaires européennes qui ne pouvaient pas être présents, pour les remplacer par 5 autres députés membres d’autres commissions, qui ont redémissionné aussitôt après le vote pour laisser la place à leurs collègues absents… » C’était une façon d’assurer la majorité nécessaire au rejet de la résolution, conforme à la position du groupe PS », déclare Sandrine DOUCET, l’une des Députées démissionnaires qui a laissé sa place pour le vote, car occupée par une mission parlementaire au même moment.

Faire démissionner des députés qui seront absents d’une commission, pour les remplacer provisoirement par leurs collègues qui sont certains d’être présents semble être une pratique courante pour les votes importants, surtout dans les périodes budgétaires lors desquelles le calendrier parlementaire est chargé. Des manoeuvres similaires ont eu lieu lors du vote des lois sur le non-cumul des mandats ou sur la santé. Si elle est légale, on peut toutefois s’interroger sur l’éthique d’une telle pratique au sein des commissions parlementaires, dont les membres sont censés se spécialiser sur des sujets pour pouvoir travailler et voter des textes en connaissance de cause.

Incohérence des Députés Socialistes

Concernant la résolution demandant au Gouvernement qu’il s’oppose à la mise en œuvre provisoire du CETA, le groupe Socialiste à l’assemblée Nationale n’avait jamais vraiment tranché sa position sur le sujet. On peut observer que Le 21 septembre, 77 députés socialistes sur 101 Députés de Gauche ont même cosigné un courrier demandant à François Hollande de s’opposer à l’application provisoire du CETA (http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/0211315075083-la-gauche-demande-a-hollande-de-suspendre-le-traite-avec-le-canada-2029198.php). Ils dénonçaient « un mépris des démocraties nationales ». Bien plus qu’une manœuvre anecdotique destinée à pallier des absences de députés, les « démissions-renominations » s’apparentent donc bien à un petit coup de force destiné à éviter un vote hostile au gouvernement au sein d’un groupe socialiste particulièrement fébrile. Mais surtout incohérent…

On peut aussi s’interroger sur le vote du député de la Somme Jean-Claude BUSINE, l’un des « petits nouveaux » propulsé l’espace d’une journée dans la commission des affaires européennes, qui a ajouté sa voix pour rejeter la résolution… Alors même qu’il avait signé deux semaines plus tôt la lettre à François Hollande qui réclamait précisément la même chose. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que même si la résolution avait été votée mercredi, il aurait fallu qu’elle soit validée à la majorité par l’ensemble des députés en séance plénière pour acquérir une vraie valeur. La probabilité d’un vote positif aurait alors été plus faible, mais cela aurait pu remettre au jour les profondes divisions de la gauche sur le sujet. Ce que VALLS n’a évidemment pas souhaité…

Comment le Canada pourrait-il absorber les productions Agricoles, industrielles et des services de l’Union Européenne quand il y a un tel déséquilibre démographique et de superficie territoriale ?

La population des 28 pays de l’U.E. est de 511 millions d’habitants et sa superficie est de 4,5 millions de km2, dont 1,8 millions de km2 de terres agricoles.

La population du Canada est de 36 millions d’habitants et sa superficie de 10 millions de km2, dont 167 millions d’acres, soit 676 mille km2 de terres agricoles (1 acre = 4046,86 m2 et 1 km2 = 1 million de m2)

En 2015, la part des exportations des Biens et des services du Canada est de 31,54 % du PIB qui est de 1 887 milliards de dollars. Sa part d’importation est de 33,8 %.

La part des exportations des Biens et des services pour l’UE est de 45% du PIB qui est de 16 210 milliards de dollars. Sa part d’importation est de 42%.

La France arrive en dernière position pour les exportations des biens et des services avec 27% du PIB de l’UE. Le CETA ne pourra qu’accentuer cette situation.

A noter que le Canada arrive en troisième position derrière le Venézuela et l’Arabie Saoudite, et devant l’Iran pour la détention des réserves mondiales de pétrole.( http://www.planete-energies.com/fr/medias/chiffres/reserves-mondiales-de-petrole) Ce qui lui permet, ainsi qu’à ses multinationales de peser sur l’économie mondiale.

Le CETA (de même que son jumeau le TAFTA) ne sera pas une solution, mais un problème insoluble de plus pour l’UE.

Au vu de ces chiffres, comme pour le TAFTA et dans des proportions parfois bien supérieures d’un point de vue économique, le Canada ne peut être pour l’U.E.et ses entreprises un terrain privilégié pour leurs exportations de biens et de Services. Les déséquilibres de populations, leurs besoins et des contraintes écologiques qui ne sont d’ailleurs jamais évoquées par les négociateurs des deux camps, créait une situation peu favorable à l’U.E.par contre l’inverse parait plus évident. Ainsi l’argument de la croissance qui est désormais impossible et des emplois créés pour les Européens ne tient pas. D’autant que nous sommes en train de nous extraire de la 3eme révolution industrielle et nous entrons à pas forcés dans la 4eme révolution industrielle, pour laquelle il ne faut pas pas faire l’impasse sur certains effets, et pas des moindres…

Il faut rappeler qu’avec le développement de l’intelligence artificielle, « le big data », dont l’explosion quantitative des données numériques oblige les chercheurs à trouver de nouvelles manières de voir et d’analyser le monde pour lequel il s’agit de découvrir de nouveaux ordres de grandeur concernant la capture, la recherche, le partage, le stockage, l’analyse et la présentation des données. Mais aussi l’impression 3D, les biotechnologies, la robotique ou encore l’Internet des Objets, devraient transformer en profondeur l’économie d’ici une quinzaine années dans les plus importants pays développés et ceux dit »émergents ». Avec la 4eme révolution industrielle, c’est la mise en place des usines « intelligentes », où tout doit être réalisé en interaction entre les produits, les machines et les machines entre elles, liés dans un réseau lui-même relié à l’extérieur par communication instantanée et en continu. On se retrouve au coeur d’un système global interconnecté et toutes les entreprises sont aujourd’hui concernées. En Globalisant et coordonnant l’ensemble des tâches pour remplacer totalement l’intervention de l’homme dans les processus de la plupart des activités, cela va entraîner la suppression de plusieurs millions d’emplois. Ce n’est pas le TAFTA ou le CETA qui permettront d’y palier, mais d’aggraver la situation, car la recherche et l’innovation pour le toujours plus dans ce domaine est aujourd’hui essentiellement de l’autre coté de l’Atlantique.

 

 

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