Paru sur oilprice.com, un article de Robert Berke, qui se décrit comme la « source n°1 d’informations sur le pétrole et l’énergie », illustre comment des groupes d’intérêt arrivent à leurs fins en influençant les choix politiques.

L’article de Berke révèle que les USA projettent de maintenir et d’étendre leur hégémonie en brisant l’alliance entre Russie, Iran et Chine, et grâce à la privatisation de l’exploitation des hydrocarbures, pour faire que ces pays perdent le contrôle de leur souveraineté au profit des compagnies pétrolières privées qui travaillent en étroite collaboration avec le gouvernement US. Comme Trump a castré sa présidence en acceptant sans raison la démission du général Flynn du poste de Conseiller à la Sécurité nationale, il est probable que pour de « meilleures relations » avec la Russie, l’approche de Trump se plie à cette combine.

Selon Berke, Henry Kissinger a embringué le Président Trump dans une intrigue utilisant l’abrogation des sanctions contre la Russie afin de détourner le Président Poutine de son alliance avec l’Iran et la Chine. Si Poutine devait tomber dans ce piège, ce serait une erreur stratégique fatale dont la Russie ne pourrait pas se relever. Néanmoins, Poutine sera incité à faire cette erreur.

La pression sur Poutine vient d’une part des Russes qui veulent intégrer l’Atlantisme ; ayant un intérêt matériel dans leurs liens avec l’Ouest, ils veulent que la Russie soit intégrée au monde occidental. La pression résulte d’autre part de l’affront que les sanctions représentent pour les Russes. Supprimer cette offense est devenu important pour les Russes, même si les sanctions ne leur causent aucun préjudice matériel.

Nous pensons, comme le Président Poutine, que les sanctions sont en réalité un avantage pour la Russie, puisqu’elles l’ont poussée vers l’autonomie et le développement de relations avec la Chine et l’Asie. De plus, avec ses impulsions hégémoniques, l’Ouest utilise les relations économiques à des fins de domination. Le commerce avec la Chine et l’Asie ne présente pas le même danger pour l’indépendance de la Russie.

Selon Berke, une partie de l’accord consiste à offrir à Poutine « tout ce dont la Russie a grand besoin et désire : agrandir l’accès à l’énorme marché énergétique européen, rétablir le crédit financier de l’Ouest, avoir accès à la technologie occidentale et un siège à la table de décision mondiale. » La reconnaissance officielle de « la Crimée en tant que partie de la Russie », est la dorure sur l’attrape-nigaud.

Il se peut que la Russie veuille tout cela, mais il est ridicule de penser qu’elle en a besoin.

La Crimée fait partie de la Russie, comme elle l’a été pendant 300 ans, et personne ne peut rien y faire. Quelle importance y aurait-il à ce que le Mexique ne reconnaisse pas que le Texas et la Californie font partie des USA ? Aucune.

L’Europe n’a que des alternatives insuffisantes à l’énergie russe.

La Russie n’a pas besoin de la technologie occidentale. À vrai dire, sa technologie militaire est supérieure à celle de l’Ouest.

Et la Russie n’a certainement pas besoin de prêts occidentaux. En effet, ce serait acte de folie de les accepter.

Le besoin de prêts étrangers de la Russie est un mythe intéressé de l’Ouest. Ce mythe est sanctuarisé dans l’économie néolibérale, qui est l’appareil occidental servant à exploiter et dominer les autres pays. Pour la Russie, les économistes néolibéraux russes sont la menace la plus dangereuse.

La banque centrale russe fait croire à son gouvernement qu’il serait inflationniste de financer ses projets de développement en émettant son propre crédit. Les prêts étrangers sont essentiels, prétend la banque centrale.

Avant que la Russie ne se transforme en nouveau vassal Occidental, quelqu’un doit enseigner les bases de l’économie à sa banque centrale. Voici la leçon : Quand le crédit de la banque centrale finance les projets de développement, la masse monétaire en roubles s’accroît en même temps que les créations de projets. De cette façon, marchandises et services augmentent avec la masse monétaire. Quand la Russie emprunte des devises à l’étranger, la masse monétaire augmente aussi, tout comme la dette extérieure. Les devises étrangères ne sont pas dépensées pour le projet, mais mises dans les réserves de change russes. La banque centrale doit émettre la même somme en roubles pour payer les factures du projet, comme si le prêt étranger n’existait pas. Tout ce à quoi sert le prêt étranger, c’est d’obliger la Russie à payer des intérêts à un créancier extérieur.

Le capital étranger est futile pour les pays comme la Russie et la Chine. Ces deux pays sont parfaitement capables de financer leur propre développement. En effet, la Chine est le plus grand pays créancier au monde. Les prêts extérieurs sont uniquement nécessaires aux pays sans ressources internes, qui, pour se développer, doivent acheter le savoir-faire, la technologie et les ressources à l’extérieur avec des devises étrangères, quand leurs exportations ne leur en fournissent pas assez.

Ce n’est pas le cas de la Russie, qui dispose d’important dons en ressources naturelles et d’un excédent commercial. Le développement de la Chine a été stimulé par les compagnies US qui ont déplacé là-bas leur production pour le marché US dans le but d’empocher la différence des coûts de main-d’œuvre et de réglementation.

Les néolibéraux soutiennent que la Russie doit privatiser pour couvrir son déficit budgétaire. La dette publique de la Russie ne représente que 17% du PIB russe. Selon les mesures officielles, la dette fédérale US se monte à 104% du PIB, soit 6,1 fois plus qu’en Russie. Si la dette fédérale US est évaluée dans les conditions réelles corrigées, elle se monte à 185 pour cent du PIB.

Il est évident que si l’énorme dette du gouvernement US n’est pas un problème, l’infime dette russe n’en est pas un non plus.

L’article de Berke s’inscrit dans le cadre de la démarche visant à arnaquer le gouvernement russe en lui faisant croire que la prospérité de la Russie dépend d’accords défavorables avec l’Ouest. Comme les économistes néolibéraux russes pensent cela, l’escroquerie a une chance de réussir.

Autre illusion affectant le gouvernement russe, la conviction que la privatisation rapporte du capital. Cette illusion a amené le gouvernement russe à transformer 20% de sa compagnie pétrolière en propriété étrangère. La seule chose que la Russie a gagné avec cette erreur stratégique, c’est de remettre 20 pour cent de ses profits pétroliers entre des mains étrangères. Pour une dépense exceptionnelle ponctuelle, la Russie a cédé à perpétuité 20 pour cent de ses bénéfices pétroliers.

Pour nous répéter, la plus grande menace pesant sur la Russie n’est pas les sanctions, mais l’incompétence de ses économistes néolibéraux qui ont été complètement manipulés pour servir les intérêts US.

Paul Craig Roberts et Michael Hudson

Original : www.paulcraigroberts.org/2017/02/14/western-interests-aim-flummox-russia/
Traduction Petrus Lombard