Mohamed BouhamidiChroniqueur-Auteur
Bengana, le passé comme meilleur avenir
24 février 2017
Bengana, le passé comme meilleur avenir
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L’indignation unanime dans certains réseaux sociaux a jeté une lumière cruelle sur la promotion de Bengana, renégat, traître, criminel de guerre et criminel contre l’humanité, au cours des services rendus à la conquête de notre pays. Comment nous en sommes arrivés-là se demandent les algériens? Comment ne plus distinguer de frontières entre traîtres et criminels d’un côté et résistants et libérateurs ?
Il ne peut y avoir de génération spontanée de la perception historique. Cette forfaiture est le point culminant d’un processus d’abandon national.
En janvier 2015, Férial Furon, passe à la télévision algérienne. Elle a les faveurs d’un long entretien dans un journal dirigé par un ancien responsable du journal gouvernemental « El Moudjahid » (2). Autant dire d’un média para-officiel. Elle aura surtout accès à de multiples possibilités de débats sur cette construction d’un nouveau départ entre la France et l’Algérie. Aussi bien avec de très hauts responsables de l’Etat qu’avec des députés FLN.
Mme Furon est présidente de l’association des « Franco Algériens Républicains Rassemblés » qui affiche que ses membres sont « les plus à même d’effacer les cicatrices de nos aïeux et de porter un projet qui incarne l’espoir d’un nouveau départ entre la France et l’Algérie pour les jeunes générations. » Ambition géostratégique impossible sans les bons et compétents services des officines qui travaillent à partir des A.E françaises et surtout d’une ambassade de France à Alger dont les milieux de la presse murmurent l’influence hégémonique sur les secteurs de l’information et de la culture, aussi bien dans leurs structures privées que publiques.
Cela fait si longtemps que de manière grossière ou sibylline on mène campagne, plus sensiblement depuis 2008, contre l’ALN. Assimilée au nazisme par un Sansal relayé largement par la presse parisienne. Réduite à un acteur terroriste comme l’ont affirmé les soutiens de la caravane Camus dans un grand titre d’Alger en 2010. Cela fait si longtemps qu’on délégitime l’insurrection du 1er novembre 1954 par les résultats supposés nuls de l’indépendance.
Qu’on déforme les questions philosophiques, en mélangeant les registres, par l’affirmation que notre libération n’a pas abouti à la liberté. Que le colonialisme a créé une société fraternelle dans notre pays avec les Lledo et Khadra. Que nous avons vécu un colonialisme de rêve avec la possibilité d’amourette entre un indigène et une petite pied-noire. Pendant toutes ces années, sidérés les Algériens, conscients des enjeux sur la conscience nationale, observaient l’État algérien qui laissait faire.
L’État algérien n’a pas seulement laissé faire. Il a financé deux films qui défendront la même thèse d’une ALN issue du banditisme et vouée à y retourner (Hors-la-loi de Rachid Bouchareb et Al Wahrani de Lyes Salem). Ce long travail culturel devait faire passer la crise de légitimité du pouvoir en crise légitimité de l’État. C’est presque chose faite.
Cette crise est aussi le produit des intérêts conjugués des oligarques algériens impatients de terminer le pillage et le dépeçage de notre pays, de faire un travail « à la Eltsine ». Et pour cela ils ont besoin d’un État sans conscience ni morale, assis sur une admiration sans bornes pour la France comme les élites russes admiraient sans bornes l’Occident.
En 2014, aux commémorations du 60e anniversaire du 1er novembre – millésime symboliquement culminant – est présente dans la liste restreinte et privilégiée des trois cents invités de l’ambassade d’Algérie en France, la française Férial Furon, arrière-petite-fille de Bengana. Ça tombait bien. Car Bengana est aussi le nom d’une lignée qui a été chargée de tenir au profit des ottomans la régions sud des Aurès et de la région de Biskra. Lignée de féodaux au service des Turcs, ils proposèrent le même service aux Français dès que le sort des armes tourna en leur faveur.
Que peuvent faire des forces saines au sein du pouvoir pour redresser la barre ? Rien. Le désarmement culturel de l’État a été mené à terme par Khalida Toumi, aggravée par Nadia Labidi.
Désarmement industriel, agricole, commercial, l’État n’est plus. C’est un corps immense décérébré dont les membres obéissent au cerveau d’autres États.
Il devra vite cacher son rôle face à la colère, la colère populaire. Il devra même faire de la surenchère. Le red-chef qu’il a sélectionné pour sa connaissance ou son ignorance de l’histoire sera suspendu. Les ventes dédicaces seront interdites. Mais le livre sera vendu et Mme Férial Furon continuera à recevoir les honneurs de l’ambassade d’Algérie à Paris comme Française et participer aux débats discrets sur le futur de l’Algérie.
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