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27 avril 2024

La déception de l’Algérie


BRICS : la déception de l’Algérie
Publié par Gilles Munier sur 19 Septembre 2023, 07:49am

Catégories : #BRICS, #Algérie

Par Gilles Munier (revue de presse: Eurasia rivista- septembre 2023)*

La Chine, dont l’influence est prédominante au sein des BRICS, a imposé le choix de deux pays arabes comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, situés sur les futures « Routes de la Soie ». L’intégration de l’Algérie aurait pu constituer un contrepoids à l’entrée de ces deux pays, connus pour leurs relations avec les États-Unis et Israël. Il faut espérer que l’année prochaine, le sommet des BRICS à Kazan décidera d’un équilibre plus consensuel au sein de l’organisation.

Si la création des BRICS a soulevé des espoirs justifiés dans les pays du Sud et au-delà, elle a aussi déconcerté nombre de militants attachés à la défense de causes et d’idéologies, certes louables, mais fragilisées par l’usure du pouvoir et du temps.

La tenue du 16ème sommet en Afrique du Sud, du 22 au 24 août dernier, a été marquée par l’influence prédominante et pragmatique de la Chine et de la Russie. Le consensus qui régit le fonctionnement décisionnel de l’organisation a rejeté la demande d’adhésion réclamée comme un droit par l’Algérie – au nom de sa lutte victorieuse contre le colonialisme et de ses engagements anti-impérialistes – pour coopter l’entrée de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et des Emirats Arabes Unis dont les relations avec les États-Unis sont anciennes et étroites.

« Nouvelles routes de la soie »

Ce n’est évidemment pas un hasard si ces pays disposent de fort potentiel économique et financier, ou ont des positions stratégiques sur les « nouvelles routes de la soie » (Belt and Road Initiative, ou BRI), projet ambitieux lancé par la Chine en octobre 2013 pour créer des voies de communication maritimes et ferroviaires transcontinentales permettant d’écouler ses produits !

L’Égypte, avec son Canal de Suez, est perçue à Pékin comme une porte d’entrée dans le monde arabo-musulman.

Aussi, dès décembre 2014, un « partenariat stratégique intégral » a été signé avec Abdel Fatah al-Sissi, suivi par une visite de Xi Jinping au Caire en janvier 2016.

Dans sa quête d’horizons et de marchés nouveaux, le président chinois a rencontré les alliés traditionnels de la Grande-Bretagne et des États-Unis au Moyen-Orient.

En février 2022 à Abou Dhabi, il a convaincu Mohammed bin Zayed Al-Nahyan – alors prince héritier des Émirats – d’accélérer la politique de coopération avec Pékin,

En décembre 2022, Xi Jinping a été ensuite reçu en grande pompe à Ryad par Mohamed ben Salman, prince héritier d’Arabie saoudite. La diplomatie chinoise a poursuivie sur la lancée en rabibochant l’Arabie saoudite avec l’Iran, futur membre des BRICS.

A noter que ces trois pays arabes ne portent pas le régime d’Alger dans leur cœur, soutiennent ouvertement ou objectivement le Maroc dans le conflit du Sahara occidental, et entretiennent des relations assumées ou ambiguës avec Israël…

Monde du partage, ou partage du monde…

La nouvelle que l’Algérie avait été recalée par les BRICS et n’était même pas repêchée avec un statut d’observateur a plongé le pays dans l’incompréhension. Pour les Algériens, le président Abdelmadjid Tebboune était allé plaider avec succès, en Russie et en Chine, l’intégration du pays aux BRICS.

L’adhésion à l’organisation avait été présentée par lui comme la condition du développement du pays dans tous les domaines. Il avait même proposé de verser 1,5 milliard de dollars à la Nouvelle Banque de Développement (NBD) des BRICS. Que s’était-il passé à Johannesburg ? Selon une rumeur, l’Inde aurait mis son « véto » suite aux graves déboires financiers du géant mondial de la sidérurgie Arcelor Mittal en Algérie.

L’énoncé par Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, des critères ayant prévalu lors de l’admission des six nouveaux membres n’a pas convaincu l’opinion publique algérienne :

« Le poids, l’autorité et la position du pays candidat sur la scène internationale, ceux qui partagent la même vision, qui croient en la multipolarité, en la nécessité de relations internationales plus démocratiques et plus équitables, qui insistent sur la croissance du rôle du Sud global dans les mécanismes de gouvernance mondiale ».

C’était sous-entendre que l’Algérie n’avait pas – ou n’avait plus – le poids, l’autorité et la position que ses dirigeants prétendent disposer sur la scène internationale, car pour le reste les choix idéologiques étaient bien ceux qui guident la politique du pays.

C’était aussi saper les ambitions du président Tebboune dont le bilan présidentiel est squelettique, mais qui envisage de se présenter pour un second mandat en décembre 2024.

Le polytechnicien Chems Eddine Chitour, ancien ministre algérien de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, s’est demandé à juste titre si finalement les BRICS ne sont pas un groupe de « pays comme les autres. Ni meilleurs ni pires que les pays occidentaux qui défendent leurs intérêts à la façon des États-Unis avec son plan Marshall. C’est un fait, ce n’est pas un monde du partage, mais un partage du monde… » (1).

Le prochain sommet des BRICS se tiendra en octobre 2024 à Kazan, capitale du Tatarstan, principal centre religieux musulman de Russie. On saura si les critères d’admission ont évolué.

Pour les pays arabes dont les demandes sont en suspens – Algérie, Bahreïn, Koweït, Palestine et Tunisie – ce n’est donc que partie remise.

Pour l’Algérie de Tebboune, elle n’est pas gagnée d’avance, car les nouveaux participants arabes auront leur mot à dire.

(1) « L’énigme des BRICS: Monde du Partage ou Partage du Monde? », par Chems Eddine Chitour (Mondialisation.ca – 31 août 2023)

*Source : Eurasia rivista di studi geopolitici

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