OTAN s’en passer, certes, mais qui le fera et comment ? 

 

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Quand le président US Donald Trump a déclaré l’alliance de l’OTAN « obsolète », ce qu’il voulait dire n’est pas qu’il avait l’intention de sortir de ce pacte militaire, mais qu’il entendait se décharger de son financement sur les épaules de l’Europe.

Plusieurs fois au cours de sa campagne électorale, il avait évoqué dédaigneusement les 28 membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Ses commentaires sur son caractère « obsolète » ont fait naître en certains endroits l’espoir que le 45e président  allait restreindre la participation militaire américaine à l’OTAN, dans le cadre d’un programme élargi de réduction de la belligérance US.

Quand Trump a prononcé son discours d’investiture, le 20 janvier, la signification essentielle de son slogan « America First » a paru concerner une reconstruction de la société US et de son infrastructure, d’autre manière qu’en gaspillant des ressources à intervenir militairement partout dans le monde comme ce fut le cas sous les administrations précédentes.

Le désir maintes fois répété de Trump de restaurer des relations amicales avec la Russie paraissait aussi devoir être conforme à son peu d’enthousiasme apparent pour l’OTAN. L’expansion vers l’Est de l’alliance militaire depuis les années 1990 n’a rien été d’autre qu’une continuelle provocation envers Moscou. Si bien que, quand Trump a qualifié le pacte d’« obsolète », on a pu à bon droit y voir une volonté d’améliorer les relations US-Russie.

Malheureusement, les espoirs de voir naître une administration US plus pacifique, moins militariste, s’écroulent à vue d’œil.

Il y a quelques jours à peine, le président Trump a prononcé un discours chauvin particulièrement enflammé devant le Comité d’action politique du parti conservateur, à Washington DC, dans lequel il a déclaré vouloir superviser « le plus grand renforcement des capacités militaires de l’histoire américaine ».

« Personne ne va se foutre de nous » a martelé Trump sous les acclamations d’une assistance se battant la poitrine à la Tarzan, aux cris de « USA ! USA ! ».

La semaine dernière, Trump a également annoncé qu’il était prêt à lancer une nouvelle course aux armements nucléaires. Dans une interview accordée à l’agence Reuters, il a juré que les États-Unis resteraient toujours « tête de meute »  en matière de suprématie nucléaire.

« Nous n’allons jamais nous laisser distancer par aucun pays, même si c’est un pays ami. Nous ne nous laisserons jamais distancer en matière de puissance nucléaire » a dit le Président.

Ceci fait suite aux commentaires qu’on rapporte qu’il a faits au Président russe Vladimir Poutine, au cours d’une conversation téléphonique qu’ils ont eue au début du mois [de février, ndt], où il a désavoué le nouvel accord de réduction des armes nucléaires NEW START, qu’il a traité de « bad deal » (« mauvaise affaire ») pour les États-Unis, laissant entendre qu’il avait l’intention de se retirer unilatéralement des engagements pris.

Cette mesure rappelle celle de l’ex-président George W. Bush, se retirant unilatéralement du Traité de Réduction des Armes Stratégiques (START) en 2002, retrait qui n’en finit pas d’avoir des répercussions déstabilisantes sur les relations US-Russie.

Ce à quoi nous assistons, c’est, de la part de Trump, à beaucoup de rhétorique du genre « rendre sa grandeur à l’Amérique » et « ne pas imposer notre manière de vivre aux autres », entièrement contredite par la pratique endurcie du militarisme à l’américaine, comme pierre angulaire de la politique US.

La réalité des choses, c’est que l’économie US n’est pas, comme on le proclame, le paradigme rose du « capitalisme de libre échange ». C’est bien davantage une économie militaire centralisée et subventionnée par le gouvernement – une espèce d’État-Providence à l’usage des grandes sociétés – plutôt qu’une entreprise privée. Et il en est ainsi depuis au moins la fin de la IIe guerre mondiale.

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Les dépenses militaires annuelles de l’économie nationale US sont actuellement de 600 milliards de dollars, soit à peu près la moitié de toutes les dépenses gouvernementales.

Sans ces moyens de subsistance gargantuesques alloués par les contribuables au complexe militaro-industriel, l’économie US tout entière s’effondrerait.

Président depuis moins de deux mois, Trump prend conscience de cette réalité fondamentale de l’économie US, s’il ne l’avait pas déjà fait avant. À savoir qu’on est en présence d’un monstre militaire accro à l’argent public à hauteur de 600 milliards de dollars par an.

Trump se révèle de plus en plus militariste, à l’égal de tous ses prédécesseurs. À vrai dire, un président américain n’a aucune chance d’être d’autre dans les conditions actuelles du capitalisme d’entreprises.

Ceci aide à clairement comprendre ce que Trump voulait dire, lorsqu’il parlait dédaigneusement d’une OTAN « obsolète ».

La semaine dernière, nous avons assisté au spectacle peu édifiant de hauts fonctionnaires de l’administration Trump, signifiant aux membres européens de l’OTAN, d’avoir à « payer, sinon… ».

Parlant à Bruxelles, le secrétaire à la Défense James Mattis les a avertis que l’Amérique « ne protégerait plus les enfants des Européens » si leurs gouvernements ne respectaient pas l’engagement précédemment pris d’augmenter leur contribution financière à l’OTAN à hauteur du niveau exigé de 2% de leur PIB.

L’ultimatum a été confirmé par le Vice-Président Mike Pence à la Conférence sur la Sécurité de Munich qui a suivi, où il a annoncé aux membres européens de l’Otan qu’ils avaient « un an » pour trouver le moyen d’accroître leurs dépenses militaires.

Soit dit en passant, tant Mattis que Pence ont été catégoriques sur « l’indéfectible engagement envers l’OTAN » du président Trump, réduisant ainsi à néant toutes les spéculations sur son peu de confiance envers le pacte.

Il est significatif aussi que, qu’au moment même où Trump jouait les indifférents à l’égard de l’OTAN – allant jusqu’à dire que les USA pourraient ne pas défendre automatiquement certains alliés s’ils ne payaient pas davantage – dans la pratique, l’escalade en Europe de l’Est sous commandement US se poursuivait de plus belle. Ces dernières semaines, on a assisté à un véritable raz de marée de tanks et de troupes en Pologne et dans les états baltes de Lituanie, de Lettonie et d’Estonie.

Et cette semaine-ci, précisément, l’état balkanique du Monténégro a déclaré que le Congrès US était prêt à ratifier son accession à l’OTAN au titre de 29e membre, après avoir invoqué de loufoques actes subversifs russes à son égard. [Voir l’article d’Andre Vltchek.] 

Par conséquent, toute illusion quant aux déclarations de Trump sur la nature « obsolète » de l’OTAN, qui auraient pu signifier une volonté de réduction du militarisme US en Europe, doit être considérée comme téméraire.

Ce que Trump a voulu dire en réalité, c’est que c’est le financement post-IIe guerre mondiale de l’OTAN par l’Europe qui est obsolète. Depuis sa fondation en 1949, les USA ont été, par tradition, le pivot de l’OTAN, dont ils ont assumé à peu près 70% du budget total.

Comme Trump n’a pas manqué de le faire remarquer, il n’y a que cinq membres de l’OTAN – les USA, le Royaume Uni, La Pologne, l’Estonie et la Grèce – qui y contribuent à hauteur de 2% de leur PIB. La contribution moyenne des pays de l’Union européenne est de 1,5%, le budget de défense de l’Allemagne étant le plus bas avec 1,2%.

On estime que si les contributions des pays de l’U.E. atteignent en moyenne les 2% de PIB exigés par les Américains, cet accroissement des dépenses tournera autour des 100 milliards de dollars par an, ce qui ne serait encore qu’un sixième de ce que dépensent les USA. Il va de soi cependant que cet accroissement des dépenses européennes ira tout droit dans l’escarcelle du Pentagone, par le biais des commandes de fighter jets F16, de tanks Abrams et de prise en charge des troupes US sur le sol européen.

Bien sûr, Trump et les autres chauvins US diraient  qu’« il était temps ! » que l’Europe crache pour « bénéficier de la protection US ».

Mais c’est là une conception grossière et arrogante de la « bienveillance » américaine envers ses alliés. L’OTAN est et a toujours été le véhicule de l’interventionnisme US dans les affaires européennes, qui n’est rien d’autre que la volonté d’imposer l’hégémonie US sur l’Europe et particulièrement sur la Russie.

Quand l’Amérique parle de « protéger ses alliés », cela évoque sinistrement les « rackets de protection » des organisations mafieuses qui font trembler leur voisinage.

L’économie US est en si mauvais état chronique – 2 trillons [2 milliards de milliards = 2.000.000.000.000.000.000 $, ndt] de dette et ce n’est pas fini – que sa monstrueuse dépendance au militarisme n’est désormais plus viable pour les contribuables américains.

Ce à quoi le marchand de biens devenu président Donald Trump est occupé, c’est à faire payer aux autres cette toxicomanie militaire américaine. « L’OTAN est obsolète » n’a pas d’autre signification. Et cela n’est pas de bon augure pour la paix du monde, ni pour de meilleures relations avec la Russie.

Finian CUNNINGHAM  | 27 février 2017 | RT

 Finian Cunningham est un spécialiste reconnu des affaires internationales, dont les analyses sont publiées dans de nombreuses langues. Diplômé en chimie agricole, il a commencé sa carrière comme rédacteur scientifique pour la Société Royale de Chimie de Cambridge (R.U.), avant de se reconvertir dans le journalisme politique pour la presse écrite. Il collabore depuis plus de vingt ans à toutes sortes d’organes de presse importants, au premier rang desquels The Mirror, l’Irish Times et l’Independent. Son statut est aujourd’hui celui de journaliste indépendant résidant en Afrique du Sud. En ligne, ses articles paraissent régulièrement sur les sites de RT, Sputnik, Global Research, Strategic Culture Foundation, Press TV, nsnbc international, Veterans News Now, TlaxcalaDandelion Salad et d’autres.

Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades

Source: http://lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.skynetblogs.be/archive/2017/03/04/oraison-funebre-de-l-europe-8706320.html