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7 octobre 2024

Guerres de Libye & de Syrie : Les Points communs & les différences


Valentin Vasilescu 03/04/2017 Monde 352 Vues

Autre texte de Valentin Vasilescu. Un survol indispensable pour comprendre la nature véritable des engagements des uns & des autres.

Bien que l’Occident parle de guerres civiles pour désigner ce qui s’est passé en Libye et qui est en cours en Syrie, il s’agit en fait d’invasions militaires de mercenaires islamistes armés et soutenus par les États-Unis, leurs alliés de l’OTAN et les monarchies du Golfe. En Libye tout a commencé le 2 février 2011, prorogeant l’action militaire le 15 Février à presque tout le pays. Les adversaires de Kadhafi se sont révélés pour la plupart des mercenaires étrangers, beaucoup d’entre eux affiliés à Al-Qaïda (Séoudiens, Égyptiens, Tunisiens, Tchadiens, Kenyans, Soudanais, Nigérians, etc.). Du côté des assaillants, il y avait plusieurs centaines de superviseurs militaires du Qatar, de l’Arabie Séoudite, des Émirats Arabes Unis et plusieurs centaines de formateurs militaires des forces spéciales de certains pays européens membres de l’OTAN. Fait intéressant, ce sont les mêmes pays impliqués dans l’élimination de Kadhafi, qui ont sélectionné, financé, armé et infiltré des mercenaires islamistes en Syrie. Certains de ces mercenaires ont directement été transférés à partir de la Libye (Brigade Suqour al-Sham) pour renverser le gouvernement de Bachar el-Assad1.

En Libye, la gestion et la planification des actions des mercenaires par des soldats d’élite des forces spéciales de plusieurs pays de l’OTAN et du Moyen-Orient ont conduit à l’évolution rapide du rapport de forces et à la dégradation des forces combatives de l’armée libyenne, par la destruction ou la capture de matériel de combat et de dépôts de munitions, et par des défections massives dans l’armée libyenne. Plus précisément, il s’est produit un afflux de centaines de généraux libyens et d’officiers supérieurs, passés dans le camp anti-Kadhafi avec les unités militaires qu’ils commandaient. C’est également ce qui est arrivé à l’armée arabe syrienne, mais à une échelle bien moindre. Suite à l’adoption de la Résolution 1973 par le Conseil de sécurité des Nations-unies le 17 mars 2011, l’opération imposant une « zone d’exclusion aérienne » sur le territoire libyen est déclenchée sous le commandement de l’OTAN. La mise en œuvre de cette mesure, qui a été suivie par 15 pays, signifiait le bombardement aérien non-stop des forces terrestres de l’armée libyenne, des bâtiments administratifs et des quartiers habités avoisinant.

Contrairement à la Libye, les États-Unis et leurs alliés n’ont jamais réussi à imposer un « zone d’exclusion aérienne » en 2013 en Syrie, malgré toute la construction concernant l’utilisation de gaz toxique imputée à l’armée arabe syrienne. Les rôles se sont inversés le 30 septembre 2015, quand la Russie a imposé une zone d’exclusion aérienne en Syrie visant les islamistes dans tout le pays.

La Belgique, la Norvège, la Turquie et la Jordanie ont participé à l’expulsion du pouvoir du président Mouammar Kadhafi, chacun avec six F-16, le Danemark avec 7 avions (F-16, C-130J Hercules), les Pays-Bas avec 7 avions (F -16, KDC-10), le Qatar avec 8 avions (Mirage 2000, C-17), la Suède avec 10 avions (JAS 39 Gripen, Saab 340 AEW & C, C-130 Hercules), l’Espagne avec 10 avions (F-18, Boeing 707-KC, CN-235 MPA), une frégate et un sous-marin, les Émirats Arabes Unis avec 12 avions (F-16, Mirage 2000), le Canada avec 13 avions (CF-18, CC-17, CC-130J Hercules, CP -140 Aurora) et deux frégates. L’Italie a participé avec 27 avions (AV-8B, Eurofighter, Tornado, F-16, AMX, KC-130J, KC-767, UAV Reaper), le porte-avions Giuseppe Garibaldi, un destroyer et deux frégates.

L’Angleterre a participé avec 30 avions (Tornado, Eurofighter, Nimrod R1, Sentinel, E-3 AWACS, VC10), quatre hélicoptères AH-64 Apache, un destroyer, deux frégates, deux sous-marins lanceurs de missiles de croisière. La France a participé avec 52 avions (Mirage 2000, Rafale, Mirage F1, Super Etendard, E-2 Hawkeye, C-2 Greyhound), 19 hélicoptères (Tigre, Gazelle), un destroyer, trois frégates, un sous-marin nucléaire d’attaque, le porte-avions Charles-de-Gaulle et un porte-hélicoptères. Les États-Unis ont participé avec 97 avions (A-10, AV-8, F-15, F-16, EA-18G, B-1B,B-2, AC-130U, MV-22 Osprey, E-3 AWACS, RC-135V, U-2, Global Hawk, UAV Predator, UAV Reaper), 30 hélicoptères (AH-1 Cobra, UH-60), trois sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière, deux destroyers lanceurs de missiles de croisière et trois navires amphibies d’assaut.

Après quatre mois de bombardements aériens non-stop de l’OTAN, les mercenaires anti-Kadhafi ont pu assiéger la capitale Tripoli, le 20 Août 2011. Deux mois plus tard, le 20 octobre 2011, Syrte, la ville natale de Kadhafi, a été prise et le président libyen capturé et puis assassiné. Au total, le bombardement de la Libye, la No-fly-zone ont nécessité plus de 350 avions militaires et 60 navires de guerre. 200-300 missiles de croisière Tomahawk ont été lancés à partir des navires de surface et des sous-marins américains et britanniques.

La différence entre la Libye et la Syrie est que dans ce dernier cas, les patrons des mercenaires savaient que l’armée syrienne avait une expérience de combat et un moral supérieurs à celle de la Libye et, pour mettre en place un obstacle supplémentaire, ils ont prévu une étape de plus. Dans les territoires qu’ils avaient occupés, ils ont fait venir des spécialistes et des outils de forage souterrains pour creuser un labyrinthe de centaines de kilomètres de galeries, de tunnels, d’abris et de bunkers, impossible à suivre et à détruire à partir de la surface par l’armée arabe syrienne. Les tunnels ont permis aux islamistes armés de missiles antichars américains BGM-71 TOW de surgir par surprise derrière les véhicules blindés de l’armée syriens et de les neutraliser.

Dans les abris souterrains, les islamistes ont créé de nombreux entrepôts de nourriture, de carburant, de munitions et même des lignes de production de munitions avec l’équipement alimenté par le courant fourni par des groupes électrogènes. Il y avait également, dans ces abris souterrains, des armes lourdes ainsi que des blindés et des pièces d’artillerie.

Les djihâdistes blessés au combat sont traités dans des points de triage pour les premiers soins et des hôpitaux par un personnel médical qualifié avec un équipement occidental moderne disposés dans les galeries souterraines. Contrairement à la Libye, où la coalition dirigée par l’OTAN a mené un blocus total, les frontière syriennes avec la Turquie, Israël et la Jordanie sont libres pour les islamistes qui, bien qu’ils ne les contrôlent pas, se servent opportunément des tunnels .

Les combattants kurdes en Syrie ont découvert que l’État islamique et d’autres groupes terroristes avaient construit des réseaux de tunnels sous 5-6 passages frontaliers entre la Turquie et le nord de la Syrie, où ils ont été régulièrement approvisionnés en armes et munitions pendant les cinq ans de guerre. L’exemple le plus frappant est représenté par les tunnels de l’État islamique de la ville syrienne de Tel-Abyad, à la ville turque de Akçakale.

Alors qu’en Libye les objectifs de l’aviation de la coalition dirigée par l’OTAN ont été facilement trouvés et documentés (casernes, colonnes militaires en cours de concentration ou en marche, etc.) en Syrie, la découverte des sous-sols a été, pendant de nombreuses années, un problème insoluble pour l’armée arabe syrienne. Ce n’est qu’en 2015 que les capteurs radar multi-spectraux de haute résolution, par satellites militaires et sur les avions de reconnaissance russes, ont découvert une partie des réseaux de tunnels et de galeries qui entourent les grandes villes de Damas, Déraa, Hama, Homs, Idlib , Alep, Deir Ez-Zor, Raqqa et d’autres, ainsi que les frontières de la Syrie avec tous ses voisins. C’est quand les Forces aérospatiales russes ont découvert des parties de ce labyrinthe, de tunnels et de grottes, que les militaires syriens ont commencé à précéder au nettoyage par des robots armés russes de type Platform-M et Argo2.

Les armes les plus efficaces pour détruire les galeries et les bunkers camouflés par la végétation se sont avérées être les missiles Kh-25, guidés par faisceau laser, et les bombes KAB- 500, KAB-1500, guidées par réseau satellite Glonass (GPS russe). Les media occidentaux ont ridiculisé les frappes de l’aviation russe en Syrie, affirmant que les bombes guidées par GPS tomberaient dans des plantations d’arbres fruitiers à la périphérie des villes. Sans savoir que, dans ces plantations, les islamistes avaient creusé des tunnels et des galeries utilisées comme dépôts de munitions et des districts de concentration pour attaquer l’Armée arabe syrienne (AAS).

L’Armée arabe syrienne a combattu héroïquement, résistant sans presque aucune aide jusqu’en 2015, année à laquelle elle est entrée dans un programme accéléré de modernisation de son matériel militaire, grâce à l’appui de la Russie et de l’Iran3. Le groupe tactique de l’aviation russe opérant depuis cinq mois en Syrie comprend environ 40 avions de combat, auxquels il faut ajouter un nombre indéterminé d’hélicoptères et d’avions de reconnaissance (Tu-214 R, Il-20 M1 et drones). Des bombardiers russes à grand rayon d’action Tu-160, Tu-22M3, Tu-95MS ont participé de manière sporadique aux frappes contre les islamistes, lançant 30 missiles de croisière Kh-101. Deux sous-marins et quatre navires porteurs de missiles de croisière ont également lancé 44 missiles Kaliber NK, à partir de la Mer Caspienne et de la Méditerranée.

Le dispositif de combat aérien et naval russe, fait en Syrie exactement la même chose que ce qui a été fait en Libye par les avions et les navires de la coalition anti-Kadhafi dirigée par l’OTAN. Cependant, les moyens utilisés par les Russes ne représentent que 15-18% de ceux utilisés par la coalition dirigée par l’OTAN pour attaquer la Libye, les Russes préférant lancer principalement des munitions guidées « intelligentes »4. Environ 40 bombardiers russes sont capables de voler tous les jours, attaquant environ 80-140 cibles sur le territoire syrien, alors que la coalition anti État islamique, dirigé par les États-Unis, qui compte 180 avions de combat, a une moyenne quotidienne 20 cibles attaquées.

La Russie ne se précipite pas pour conclure la campagne en Syrie, comme l’a fait en Libye la coalition dirigée par l’OTAN. L’objectif des États-Unis et de ses alliés en Irak, en Libye et en Syrie était de remplacer un régime stable et nationaliste par des marionnettes terroristes, seules capables de créer et de maintenir des années de chaos total, alors que la Russie cherche à stabiliser la Syrie, située si près de ses frontières, en éliminant le danger représenté par les mercenaires islamistes dirigés par les États-Unis et ses alliés du Golfe. Plus important que le déroulement actuel de la guerre en Syrie, est la vision à moyen terme de la Russie, qui ne repose pas sur Bachar el-Assad, mais sur une armée arabe syrienne moderne et puissante comme pilier de la stabilité au Moyen-Orient. Ainsi, dans l’arsenal des méthodes utilisées par les Russes, il y a aussi l’organisation, dans les territoires occupés par l’État islamique, de « révolutions de couleur » du peuple syrien, auxquelles se sont joints un nombre croissant de déserteurs et de membres de tribus locales. Les quartiers de Al-Dar’ayah, Al-Rameelah, Al-Fardouss, Al-‘Ajayli et Al-Bakr à Raqqa (capitale de l’État islamique) ont été libérés par les forces de résistance civile, organisées, armées et dirigées par les forces des opérations spéciales syriennes et les Spetsnaz russes infiltrés depuis quelques mois dans le principal fief de l’État islamique5.

Notes

1 Comment la Turquie soutient les djihâdistes.
2 La Situation militaire actuelle en Syrie .
3 L’état actuel de l’Armée arabe syrienne (AAS) .
Munitions «intelligentes» utilisées par la Russie en Syrie .
5 L’État Islamique contre «les petits hommes verts» des Spetsnaz .

© Ziarul de Gardà.

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