Par Mourad Sellami (revue de presse : El Watan – 2/4/17)*
Le communiqué final du sommet arabe de Amman a salué l’initiative des pays voisins de la Libye (Tunisie, Algérie, Maroc). Tout le monde étant convaincu que les pays voisins sont les mieux placés pour rapprocher les belligérants en Libye.
Mais cela ne veut nullement dire que les choses avancent en matière de rapprochement des Libyens entre eux ; le maréchal Khalifa Haftar n’ayant pas encore intégré le cœur du processus de réconciliation, en l’absence d’un compromis sur l’épineuse problématique de l’autorité de tutelle sur l’armée. Plusieurs observateurs et politologues sont allés chercher du côté des anciennes positions de la Tunisie dans la crise libyenne, pour expliquer les réticences du maréchal Haftar à faire le déplacement de Tunis, afin de rencontrer le président Béji Caïd Essebsi. Mais il semble que c’est loin d’être le cas. «En politique, toutes les positions sont mobiles, seuls les intérêts comptent», rappelle le politicologue libyen, Abdelaziz Rouayef.
A ce titre, explique Rouayef, le principal objectif du maréchal, c’est de garder sa mainmise sur l’Armée nationale libyenne (ANL) et le Croissant pétrolier. Or, l’initiative tripartite, orchestrée par la Tunisie, ne comporte pas une telle vision et prône de mettre une autorité civile au-dessus du commandement général des armées, idée catégoriquement rejetée par le vieux maréchal. Donc, le déplacement de Tunis n’est pas encore à l’ordre du jour, pense le politologue.
Renforcement
Le maréchal Haftar a renforcé dernièrement ses positions sur l’échiquier politique libyen, en reprenant d’un tour de main, le 15 mars, l’emprise sur le Croissant pétrolier, dont il avait perdu le contrôle, deux semaines plus tôt. Haftar a montré qu’il est le plus fort à l’Est et qu’il domine sans partage la région.
En plus, une délégation du Parlement britannique vient de le rencontrer et de rédiger un rapport dans lequel elle demande au gouvernement de sa Majesté de lâcher le gouvernement d’El Sarraj, qui n’a aucun pouvoir sur le terrain, et de soutenir le maréchal Haftar, qui dispose d’un noyau d’armée régulière et lutte contre le terrorisme.
Il ne faut pas, non plus, oublier la manifestation qui est descendue, le 17 mars à Tripoli, pour soutenir Haftar et demander la sortie des milices de la capitale libyenne.
Par ailleurs, la position de l’Egypte conforte davantage le maréchal Haftar dans sa position. Dans l’entretien téléphonique, tenu jeudi dernier, entre le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Chokri, et son homologue français, Jean-Marc Ayrault, l’Egyptien a insisté sur le fait que l’unique autorité en charge de la sécurité en Libye, c’est bien l’ANL et, à sa tête, le maréchal Haftar.
Cette position vient en réponse à des appels du gouvernement d’El Sarraj à la communauté internationale pour mettre sous son autorité la sécurité des ports pétroliers.
Trop tôt
Les paramètres du tableau de bord de la situation libyenne, présentés plus haut, indiquent que la phase politique de la réconciliation entre les belligérants libyens est encore loin. Ils continuent à renforcer leurs positions respectives sur le terrain. Pour être plus précis, ajoute le politologue Rouayef, c’est le maréchal qui continue à renforcer ses positions et c’est Fayez El Sarraj qui cherche encore une place sur l’échiquier, autre que celle obtenue grâce à la communauté internationale.
L’initiative tripartite ne saurait survenir, selon le politologue, qu’une fois la situation devenue plus claire sur cet échiquier complexe. Khalifa Haftar pourrait alors venir à Tunis, avec des positions précises concernant le sort de son autorité militaire et l’identification de ses vis-à-vis de l’Ouest libyen.
Haftar ayant, jusque-là, refusé de reconnaître l’autorité d’El Sarraj, parce que le maréchal continue à croire qu’El Sarraj ne dispose d’aucune autorité sur le terrain. En attendant, les Libyens peinent à joindre les deux bouts.
Source : El Watan