mercredi 7 juin 2017 / 5h:05
Abdel Bari Atwan – La décision du président américain Donald Trump de reporter le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem occupée pour une période de six mois, sous prétexte de renforcer les chances d’un accord entre les Palestiniens et les Israéliens, ne manque pas de nous inquiéter.C’est parce que cette décision peut être utilisée comme un moyen de chantage afin d’obtenir d’autres concessions stratégiques tant des Arabes que des Palestiniens. Après tout, le businessman Trump n’aurait pas pris une telle décision sans avoir reçu un prix énorme en retour. Il intensifie et exagère ses menaces pour intimider ses victimes et les amener à se conformer à ses exigences, ce qui leur permet ensuite d’obtenir un prix encore plus élevé. Il a attaqué les gouvernements du Golfe au cours de sa campagne électorale en les dénonçant comme des machines à « faire du fric » qui ne survivraient pas un jour sans la protection des États-Unis, ajoutant que cette protection devra être payée avec les revenus pétroliers.
L’Arabie saoudite a payé le prix en espèces. Le premier versement a été de 460 milliards de dollars sous la forme d’accords sur les armes et d’investissements dans des projets d’infrastructure aux États-Unis. Dans le même temps, la plupart des autres États arabes du Golfe se sont mis dans la file pour attendre leur tour, prêts à signer leur chèques une fois que la somme aura été fixée.
Après avoir accepté de reporter le transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem occupée, Trump se tournera vers les Arabes et les Palestiniens et exigera d’être remboursé sous la forme d’une plus grande normalisation et de relations plus étroites entre les États arabes – en particulier les États du Golfe – et L’État d’occupation israélien. Par exemple, il exigera la création de réseaux téléphoniques et de communication, des vols aériens directs, des ouvertures d’ambassades ou de représentations commerciales, la levée de toutes les restrictions sur l’entrée des Israéliens (en particulier les hommes d’affaires) dans les capitales arabes, la signature d’accords d’armements, la conclusion d’accords de coopération en matière de sécurité et la tenue de manœuvres militaires conjointes.
Une longue liste de concessions sera également exigée des Palestiniens, surtout la reconnaissance d’Israël en tant qu’État juif, avec le retour aux négociations directes sans conditions préalables, mettant fin à toutes les formes d’incitation à la résistance à l’occupation, l’élargissement de la coordination répressive et la cessation des aides financières de l’Autorité palestinienne (AP) aux familles des prisonniers incarcérés dans les prisons de l’occupant.
Deux jours avant l’annonce que le transfert de l’ambassade des États-Unis sur Jérusalem occupée était reporté, le Premier ministre palestinien Rami al-Hamdallah a rencontré le ministre israélien des Finances Moshe Kahlon pour la première fois depuis l’année 2000. L’objectif était de parvenir à un accord sur l’élargissement des pouvoirs de l’AP dans les territoires de la Zone-C qui constituent 60% de la Cisjordanie. Les discussions ont porté sur les permis de construire, la fin des démolitions israéliennes de maisons palestiniennes et l’ouverture de la traversée de Karameh sur le fleuve Jourdain pendant 24 heures chaque jour pendant le mois de Ramadan, afin de faciliter la traversée des personnes.
En fait, nous pensons qu’il est très probable que la décision de Trump ait déjà été convenue lors des sommets de Riyad du 20 mai comme un prélude à la convocation d’une conférence de paix à Washington qui rassemblera les Arabes et les Israéliens et qui lancera la normalisation des relations dans divers domaines.
Tous les présidents des États-Unis ont promis de déplacer l’ambassade des États-Unis dans Jérusalem occupée. Mais aucun n’a tenu sa promesse. Cependant, la principale différence est que Trump a « poussé le bouchon plus loin » et envoyé un ambassadeur juif extrémiste à Tel-Aviv afin de faire monter les enchères. Et il semble qu’il obtiendra ce qu’il veut des Arabes et des Palestiniens en contrepartie de cette étape, et sans aucun frais cette fois-ci.
La paix que Trump veut encourager entre les Arabes et les Israéliens est une paix économique. C’est d’ailleurs une paix économique à sens unique venant des Arabes et au profit des Israéliens sous la forme de fonds, d’accords d’armements, d’investissements et d’échanges commerciaux qui relanceront les entreprises israéliennes. En ce qui concerne la solution à deux États, ou le retrait d’Israël des territoires palestiniens ou de la fin des activités de colonisation, ce sont des problèmes tabous que les Arabes devraient mieux oublier.
La récente rencontre entre l’ex-président Mahmoud Abbas et Trump à Bethléem était orageuse. Le président américain a violé tout protocole lorsqu’il a hurlé au visage de son hôte palestinien, l’accusant de le tromper et de persévérer avec « l’incitation [à la résistance] » contre Israël et de ne pas s’engager dans la culture de la paix. Mais « l’incitation » comme l’entend Trump et comme les Israéliens – qui lui ont fourni des documents à cet égard – la comprennent, est faite de données dans les programmes scolaires palestiniens qui appellent au droit au retour et présentent Israël comme un ennemi occupant, nomment les écoles et les rues d’après les noms martyrs et glorifient les prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes.
Bref, les Palestiniens, mais aussi les Arabes, devraient oublier toutes leurs rancœurs et embrasser les Israéliens comme des amis, des alliés, de doux agneaux… Toute autre chose est considérée comme une « incitation » et une barbarie. Car l’ennemi est désormais l’Iran, et quiconque émet un autre avis est un terroriste, un extrémiste, un Zoroastrien et un hérétique religieux.
La déception de Binyamin Netanyahu après l’ajournement de la décision de déplacer l’ambassade n’est qu’une comédie et la forme la plus basse de la désinformation. Netanyahu connaissait à l’avance la décision, avait donné son accord et déjà accepté à l’avance le prix et les bénéfices en retour.
Mais ce sont nous qui avons été trompés et trompés… Et il n’y a rien de nouveau à ce sujet.
* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai al-Yaoum. Il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan