Le boycott d’Israël (BDS), un devoir moral (un dossier BACBI)
15 juin 2017
Herman De Ley
Ce qui a motivé en premier lieu la rédaction du texte qui suit a été la publication sur Internet du rapport de la CESAO (ONU) sur la façon dont l’État d’Israël traite le peuple palestinien.
Les deux rapporteurs, les professeurs Richard Falk et Virginia Tilley, en viennent à la conclusion que, depuis la Nakba, Israël a instauré un régime d’apartheid, tel que le droit international le définit comme deuxième crime en gravité contre l’humanité. Le rapport insiste également, à ce propos, sur l’obligation légale des autres États membres, ainsi que sur la responsabilité morale de la société civile internationale de mettre un terme à ce régime d’apartheid.
D’emblée, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres était soumis à de lourdes pressions des États-Unis, qui condamnaient le rapport en tant que « propagande anti-israélienne» et, quelques jours après la publication du document, il le faisait retirer d’Internet. De ce fait, pour le mouvement de solidarité internationale avec le peuple
palestinien, il s’agit d’attirer le plus possible une attention de tous les instants sur ce rapport académique pionnier et sur ses recommandations. Partant de nombre de considérations émanant d’un précédent dossier de BACBI (2016) traitant de la collaboration de l’Université de Gand avec le Technion israélien, j’ai tenté, par le texte que voici, de donner une suite à ce « mot d’ordre ».
Tant dans le rapport que dans d’autres publications, Richard Falk insiste sur l’importance de l’actuel mouvement international BDS dans la lutte pour le respect des droits humains du peuple palestinien. On ne peut perdre de vue ici que l’appel à un boycott international émane de la société palestinienne même. Cet appel a vu le jour en 2005 après l’échec, d’abord, de la résistance armée et, ensuite, la faillite du « processus diplomatique de paix » (bloqué dès 2000 suite au refus israélien de mettre un terme à la colonisation de la Cisjordanie).
Il s’agit ici d’un important « changement de paradigme » de la part du monde associatif palestinien face au colonisateur. Au lieu d’une confrontation inégale et désespérée avec une
superpuissance militaire et politique, inconditionnellement soutenue par une puissance mondiale, on a opté pour un « soft power », un pouvoir non violent, autrement dit, pour la
mobilisation de la société civile transnationale et la mise sur pied d’un mouvement mondial de solidarité sur base des principes du droit humanitaire international. De ce fait, le combat s’est mué en une lutte entre deux « légitimités » contradictoires : entre la légitimité de la lutte d’un peuple opprimé pour l’égalité, la justice et l’autodétermination, d’une part, et la légitimité on ne peut plus contestable, d’autre part, d’un régime s’appuyant sur l’expropriation, l’épuration ethnique et des violations quotidiennes du droit international. Les Palestiniens sont occupés à gagner cette « guerre de la légitimité » dans le monde. À l’exemple de l’Afrique du Sud, la pression extérieure du mouvement de solidarité internationale croissant doit amener finalement l’État israélien à opérer un changement de cap fondamental dans sa politique. Plus le mouvement BDS gagnera en force, plus il sera probable que ce revirement aura lieu à l’avenir. Le fait qu’il semble complètement utopique actuellement ne doit en aucun cas nous décourager. En Afrique du Sud aussi, la fin de l’apartheid semblait totalement impensable. Dans le cas des Palestiniens et des Israéliens juifs, il va devoir arriver que, sous quelque forme d’Etat que ce soit, les deux peuples finissent par coexister pacifiquement et sur un pied d’égalité.
Comme on le sait, la critique légitime de la politique palestinienne d’Israël provoque l’accusation d’antisémitisme. Quand, en outre, cette critique s’associe à un plaidoyer en
faveur du boycott, cette accusation gagne exponentiellement en virulence, comme si le droit à l’existence même de l’État d’Israël s’en trouvait remis en question. Via l’agitation, l’intimidation, voire l’agression, cela peut se traduire par une atteinte à la liberté d’expression, et cela vaut également dans les milieux académiques. Dans le dossier qui suit, je tente de façon nuancée mais réaliste d’aborder un débat souvent des plus passionnés.
L’exposé que voici est donc bel et bien « engagé ». Il refuse d’aborder la confrontation entre « Israël » et la « Palestine » comme un « conflit » entre des partenaires plus ou moins égaux, dont la responsabilité est comparable. Entre un occupant et un occupé, il existe dès le départ un déséquilibre incontournable et c’est également le cas entre la violence du premier et la résistance légitime du second. C’est pourquoi le présent dossier prend fait et cause pour l’opprimé et sa lutte pour la justice.
Enfin, ce dossier n’a pas de prétentions scientifiques, mais le profane et « amateur » intéressé peut fournir une contribution au débat de société à condition qu’il se mette à l’oeuvre « en
toute âme et conscience », à partir d’une tentative de faire progresser la vérité. À l’aide d’un large éventail de notes (quelque 170), je vais déjà essayer d’y satisfaire.
Herman De Ley.
Contact : herman.deley@gmail.com
Site web : BACBI