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23 novembre 2024

Au temps des « amitiés franco-arabes »…


Publié par Gilles Munier sur 12 Septembre 2017,

Catégories : #Proche-Orient, #Irak, #Algérie, #Syrie, #Palestine

Par Philippe de Saint Robert*

 

1967 : c’est la terrible « guerre des Six Jours », il y a cinquante ans, c’était hier, c’est aujourd’hui, les armées égyptienne, syrienne, jordanienne, défaites en quelques jours – et la Palestine occupée au-delà de ce qu’avait permis la guerre de 1948. On connaît les causes immédiates – les rodomontades de Nasser – et les plus lointaines, dont la violation par le jeune État d’Israël du plan de partage de la Palestine sous mandat britannique, décidé par les Nations Unies sans la moindre consultation des Palestiniens, comme si le mandat donnait le droit au mandataire de disposer de ce qui lui avait été confié pour le bien supposé des populations dont l’administration lui avait été remise par la communauté internationale.

 

Tout le monde a en souvenir la conférence de presse du général de Gaulle du 27 novembre 1967 qu’il faut bien entendu replacer dans la suite des mises en garde adressées par celui-ci au ministre israélien des Affaires étrangères, Abba Eban, avant le déclenchement du conflit. C’est peu de dire que le Général ne fut pas trop vite compris par l’opinion française, ni même de ses fidèles, tant la IVe République, surtout depuis l’affaire de Suez, avait accoutumé les Français, traumatisés par les horreurs subies du fait de l’Allemagne nazie, à prendre affectivement position pour l’État hébreu, refuge et revanche d’un peuple persécuté.

 

Le Général avait, il est vrai, par ailleurs rappelé, la guerre d’Algérie achevée, la nécessité pour la France de renouer avec le passé de ses amitiés séculaires avec le monde arabe. 

 

On ne pourra dire que la description faite alors par le général de Gaulle des conséquences de la guerre des Six Jours, voulue et déclenchée par les Israéliens, ne se soit pas vérifiée. Le reportage que je fis alors pour Notre République, organe des Gaullistes dits « de gauche », me valut une adversité dont je ne me suis jamais vraiment remis. Et pourtant, je ne faisais qu’y décrire l’état des choses et annoncer les conséquences qui ne manquèrent pas de s’ensuivre. C’est alors que Louis Terrenoire, grand résistant et fidèle gaulliste, résolut de mettre son influence au service des positions prises par le Général. Il fut en 1967, avec quelques courageux, à l’origine de la création de l’ « Association de solidarité franco-arabe » (ASFA). Le Général avait, il est vrai, par ailleurs rappelé, la guerre d’Algérie achevée, la nécessité pour la France de renouer avec le passé de ses amitiés séculaires avec le monde arabe.

 

Francis Crémieux, Jean de Beer, Albert-Paul Lentin, Paul-Marie de la Gorce, Pierre Rossi,  Louis Terrenoire lui-même, nous ont quittés à mesure que le temps passait. Geneviève Moll, Lucien Bitterlin viennent de les rejoindre. C’est à eux que je veux rendre hommage. Geneviève Moll qui eut à subir sur la chaîne de télévision où elle travaillait la censure appliquée d’un directeur, disons…. fort engagé du côté israélien. Toutes les informations concernant le conflit israélo-palestinien n’étaient pas bonnes à laisser passer, surtout lorsque l’aviation israélienne abattait un avion civil libyen piloté par un Français. Passons.

 

Lucien Bitterlin fut infatigable de fidélité et de courage

 

Informer les Français de la réalité du conflit israélo-palestinien n’était pas chose facile, étant donné la main-mise d’un camp sur à peu près tous les moyens de communication. Lucien Bitterlin fut infatigable de fidélité et de courage.  À côté de l’ASFA, il créa et dirigea le bulletin France-Pays arabes (1968-2008), auquel s’est joint peu après le bulletin Eurabia, qui répercutait les informations venant de l’ensemble de la presse internationale. Lucien Bitterlin créa également le prix de l’Amitié franco-arabe, puis le prix Palestine-Mahmoud Hamchari, du nom du premier représentant de l’OLP à Paris, assassiné par les services secrets israéliens.

 

La fin de vie de Lucien Bitterlin fut pénible. Abandonné qu’il fut, à commencer par ses amis arabes. Très peu soutenu par eux, puis pas du tout, il se heurta vite aux dissensions inter-arabes, alors que notre but était la cause de la Palestine. Les querelles entre Damas et Bagdad étaient notre réalité quotidienne, et nous étions incessamment sommés de prendre parti. Un jour, il avait reçu, avec quelques autres personnes soupçonnées de sympathie pro-palestinienne, une balle de 22 long rifle par la poste, accompagnée du message suivant : « la prochaine n’arrivera pas par la poste ». L’auteur, un ultra-sioniste qui fut identifié, écopa d’un sursis et… d’un euro de dommages et intérêts à verser à ses victimes. La justice française, dans ce domaine comme dans quelques autres, est bien connue pour son objectivité.

 

Pourquoi les faits de résistance qui semblaient si admirables en Hongrie, en Tchécoslovaquie, laissent-ils si indifférents les Occidentaux lorsqu’ils se passent en Palestine ?

 

Veuf de son épouse dévouée, d’origine algérienne, qui l’avait sauvé lorsqu’il luttait à ses risques et périls contre l’OAS à Alger, ruiné à force d’avoir mis en gage ses biens personnels lorsque personne ne l’aidait plus, Lucien Bitterlin n’eut, au funérarium des Batignolles, qu’une vingtaine de personnes pour lui dire adieu. Seule ambassade arabe représentée fut celle de l’Autorité palestinienne : ni l’Algérie, ni la Syrie, ni l’Irak, semble-t-il, ne se souvenaient de lui. Tel est parfois le dernier écho que recueille le désintéressement.

 

Pourquoi les faits de résistance qui semblaient si admirables en Hongrie, en Tchécoslovaquie, laissent-ils si indifférents les Occidentaux lorsqu’ils se passent en Palestine ? Y a-t-il deux libertés, deux vérités, la gloire pour les uns et le mépris pour les autres ? Le soulèvement de la Palestine occupée est un acte de résistance. De cette résistance, l’OLP est l’âme depuis cinquante ans – qu’Israël le veuille ou non, que les pays arabes le veuillent ou non. Mais on constate qu’elle aura été d’autant plus contestée par les uns et les autres qu’elle aura prouvé sa maturité politique, qu’elle se sera montrée responsable. Comme si personne ne voulait la paix. Comme si les idéologies, camouflant tant d’intérêts, ne trouvaient leur propre paix que dans la guerre.

 

*Philippe de Saint Robert est écrivain, ancien Commissaire général à la langue française (1984-1987).

Par Philippe de Saint Robert, lire aussi :

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