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23 avril 2024

Sâadoun Al Machhadani: Une catastrophe d’une ampleur inégalée Le « désordre créateur » et l’enfance en Iraq


 

Publié par Candide le dans Chroniques

 

 

Une catastrophe d’une ampleur inégalée

Le « désordre créateur » et l’enfance en Iraq

Sâadoun Al Machhadani, 25 octobre 2006

Traduit de l’arabe par Ahmed Manaï

 

 

 

Une catastrophe d’une ampleur inégalée

Le « désordre créateur » et l’enfance en Iraq

Les enfants ont été les premières victimes du nouvel ordre mondial caractérisé par la domination du projet impérialiste usaméricain sur le monde. Le capitalisme sauvage, avec ses aspects sécuritaires et guerriers, a fait perdre à l’enfance son innocence, ses rêves et ses droits.
Dans le cas des enfants d’Iraq, la destruction de leur enfance a commencé avec la fin de la deuxième guerre du Golfe et le blocus dévastateur du pays qui s’en est suivi. A ce propos, Richard Read, fonctionnaire de l’UNICEF, décrit Bagdad de l’après –guerre comme « une ville dont l’aspect extérieur ne semble pas foncièrement altéré et un corps dont la peau n’est pas gravement atteinte, alors que toute sa structure osseuse est détruite et que toutes ses articulations sont écrasées ».
Une équipe de travail de l’Université de Harvard a entrepris de visiter onze principales villes iraquiennes durant de longs mois et a conclu que « les véritables victimes de la maîtrise technologique usaméricaine étaient les enfants iraquiens ». Une étude approfondie, entreprise par le Centre Harvard pour la santé, sur un échantillon de 16.076 enfants iraquiens, a révélé que le taux de mortalité infantile a augmenté au moins de trois fois par rapport à la fin de la deuxième guerre du Golfe.
Il y avait dans l’équipe du Centre de Harvard deux spécialistes de traumatologie psychique infantile qui ont effectué 214 longs entretiens avec des enfants des écoles primaires et qui sont parvenus à cette conclusion affolante : à savoir que le traumatisme psychologique résultant de la guerre et vécu par les enfants iraquiens dépassait de loin tout traumatisme psychologique, subi par les enfants durant toutes les guerres à travers l’histoire.

Alors que tous les chiffres et les indicateurs du désastre continuaient de grimper, la communauté internationale dormait d’un sommeil profond au fond d’une caverne et la machine de guerre usaméricaine, encore insuffisamment satisfaite du nombre de 1,5 millions d’enfants morts, continuait d’écraser les enfants iraquiens.
Les statistiques officielles de l’UNICEF contenues dans son rapport de la fin de 2005 sur les enfants iraquiens, révèlent que sur les 27 millions d’Iraquiens, il y a 44% d’enfants de moins de 15 ans (dont 4 millions de moins de 5 ans) et qu’un enfant sur huit meurt chaque année. Actuellement, près de 25% de ces enfants sont menacés de mort à cause de la malnutrition. Les mêmes statistiques révèlent que 20% des enfants en âge scolaire ne fréquentent plus l’école et que 7% des habitations ont été détruites par les bombardements et les opérations de fouille entraînant une augmentation du nombre des enfants des rues.
Une étude de terrain, effectuée par une organisation humanitaire de sauvegarde de l’enfance iraquienne, agissant notamment au niveau de la santé et de l’éducation des enfants, révèle ce qui suit :
Au cours de la période entre les années 2003 et 2005, une étude de terrain effectuée dans une zone populaire de forte densité de population, en l’occurrence Sadr-Ville, a révélé la propagation alarmante des signes de l’hépatite virale et l’existence de 40.000 cas avérés chez les enfants de cette cité. Dans d’autres zones, les cas d’hépatite virale étaient au nombre de 36.000 chez les enfants, doublés parfois de signes de la typhoïde.
Au cours de la même période 2003- 2005, on a décompté le décès de 93.765 enfants pour des causes multiples.
Plus tard, on avait diagnostiqué 3.000 nouveaux cas d’hépatite virale chez des enfants qui ont été transférés dans les divers services compétents de la santé. De même qu’on avait diagnostiqué 24.157 cas de maladies de longue durée et de maladies incurables chez les enfants de Bagdad et des gouvernorats environnants. Toutes ces statistiques sont à la disposition des chercheurs dans nos archives. Récemment, on a diagnostiqué chez des enfants du gouvernorat de Nassiriya, 300 cas de thalassémie (1).
Concernant la déscolarisation des enfants pour cause d’insécurité et d’absence de services scolaires et même d’eau potable dans les écoles, notre étude a révélé qu’il y a, jusqu’à la fin de 2005, 811.344 enfants en abandon scolaire, rien que dans les gouvernorats de Dhou Qarr, Missan, Al kout, Addiwania et Bassorah.

Une réalité née de l’occupation

L’occupation a engendré une réalité inédite : la naissance du phénomène des enfants des rues, l’augmentation du nombre d’orphelins, l’usage de drogues et les dérives délictueuses et criminelles. La détérioration de la situation économique et des conditions de vie des familles a engendré pour sa part, le développement du travail des enfants. Tous les gouvernements installés par l’occupant ont été incapables d’apporter des solutions à ces problèmes.
Le plus grave danger qui guette les enfants iraquiens est celui de la toxicodépendance, source de tous les maux et le moyen le plus sûr pour détruire la personnalité, voire l’humanité et il faut croire qu’actuellement elle accompagne les enfants iraquiens de très près.
Ainsi, cette déclaration du docteur Amer Al Khouzaï, secrétaire général technique du ministère de la Santé assurant « que la dernière étude de terrain, avait décompté dans la seule ville de Bagdad, 1000 enfants de moins de 12 ans accros à la drogue ».
Le responsable de la commission d’orientation au sein de l’Organisation de lutte contre les drogues, le docteur Salah Hamid, déclare pour sa part, qu’il y a plus de 2.000 enfants accros aux drogues, tous des orphelins et des enfants abandonnés et connus dans les rues de Bagdad. Leur nombre ne cesse d’augmenter dans les conditions actuelles. Un certain nombre de ces enfants usagers des drogues, reste inconnu parce qu’ils ont encore des familles qui les hébergent, les soignent dans des cliniques privées et les soustraient ainsi au regard de la société pour éviter le scandale, ce qui démontre que leur nombre reste inconnu et en tout cas supérieur aux chiffres officiels.
Le ministère de l’intérieur estime pour sa part que « la présence dans les rues, des enfants accros aux drogues, fait partie du paysage quotidien, ce qui les expose encore plus à l’exploitation par les bandes et les gangs du crime organisé. » Pour avoir leur dose de drogue ou leurs capsules, ces enfants accepteraient de faire n’importe quoi.
Le ministère de la Santé a estimé d’autre part que les cliniques publiques et privées, ont enregistré 24.795 cas de personnes ayant réclamé des psychotropes, dont la plupart sont des mineurs.
On a d’autre part enregistré un certain nombre de cas de vente, par les officines pharmaceutiques dans certains quartiers de Bagdad, notamment Al Bataouine et l’avenue Sâadoun, de produits enivrants et psychotropes sans la moindre ordonnance médicale.
Dans la conférence nationale de lutte contre la drogue et le mauvais usage des produits à effet psychotrope, le ministre de la Santé, le docteur Alaeddine Al Alouane a déclaré que les causes de l’augmentation de l’usage des drogues, tiennent surtout à l’absence de contrôle de l’offre et de la demande de ces produits et donc à la facilité de les obtenir, aux conditions actuelles du pays et au relâchement social ainsi qu’aux difficultés de faire prévaloir la loi.
Ces conditions peu ordinaires et souvent sombres, ont fait qu’on a assisté à des meurtres d’enfants, jamais élucidés, dans le but de leur enlever certains organes pour de buts commerciaux.
Les services des ministères de l’Intérieur et du Travail et des Affaires sociales, estiment qu’il existe des milliers d’enfants abandonnés, installés dans les ruines de maisons dans les villes, les rues et les jardins publics. Ce que dénoncent justement les associations de protection de l’enfance, rendant ces mêmes ministères responsables de la situation des enfants abandonnés.
Mais au plan global, c’est-à-dire sur l’ensemble du territoire iraquien, les rapports officiels sont encore plus pessimistes. Ils estiment en effet à 5. 200.000 le nombre d’orphelins vivant sous la protection de veuves, sans soutien, livrés à la malnutrition et aux maladies.
Un grand nombre d’entre eux se trouve sans abri, dormant dans les rues et les places publiques, mal vêtus et les pieds nus, alors que d’autres parmi eux, ont été repris en main par des gangs du crime, victimes de viols, intégrés dans les circuits de la prostitution.
Ce sont là des chiffres effroyables de ce qui se passe dans notre Iraq guillotiné, alors qu’il ne s’est passé pas plus de quarante mois d’occupation ! Quel bilan aurons-nous, si, par malheur et qu’à Allah ne plaise, nous avons à subir encore des années d’occupation.
Les violations systématiques des droits des enfants en Iraq ont conduit à une véritable tragédie. Les causes en sont la machine de guerre usaméricaine, l’incurie des gouvernements installés par l’occupation et les luttes entre les diverses forces soutenant l’occupant. C’est ainsi que l’enfance et ses problèmes ont été relégués au dernier plan et n’ont même pas eu un début de solution par les gouvernements successifs depuis l’invasion.

NdT : 1) Les thalassémies sont un groupe de maladies congénitales caractérisées par une anomalie de synthèse des chaînes de globines, composantes de l’hémoglobine.
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albasrah.net

Traduit de l’arabe par Ahmed Manaï
http://www.tunisitri.net/

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