Par Gilbert le samedi 23 septembre 2017,
Areva a voulu instrumentaliser la justice en portant plainte contre des antinucléaires, mais ne s’attendait sans doute pas à cela : la justice, sereine, a conduit une audience riche, constructive, et équitable, et c’est le nucléaire qui a été, de fait, mis en accusation. Quel qu’il soit, favorable ou défavorable, c’est un jugement historique qui interviendra lors du délibéré du 11 octobre. Petit complément au compte rendu, très beau et vivant, de Francesca…
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J’étais également présent lors de l’audience, et concerné directement comme membre de la CANSE. Je m’étais déclaré, de plus, « comparant volontaire », auprès de Jean, comme 7 autres compagnons du Collectif, mais le Tribunal n’en a, semble-t-il, pas tenu compte :
Le premier point que je souhaite souligner est la sérénité et l’excellence du travail du Tribunal qui avait, nous l’avons bien compris, lu et examiné en détail, l’ensemble des documents et preuves que nous lui avions fournis.
J’ai pour ma part travaillé avec les intéressés sur les témoignages directs qu’ils nous ont fournis, à savoir ceux de Bernard Laponche, Michel Fernex, Philippe Billard, Pierre Péguin, Didier Anger.
D’autres témoignages ont été apportés par les membres du Collectif.
Ces attestations, ainsi que les innombrables témoignages de victimes du nucléaire, ici et dans le monde, des manquements d’AREVA aux règles de sécurité condamnées par l’ASN, vidéos, documents internes d’Areva, du CEA, etc…, depuis longtemps en notre possession, ont été compilées et rassemblées par Jean, fournies à notre avocat et… au Tribunal qui, nous avons pu nous en rendre compte lors de l’audience, a su en faire bon usage.
Il est intéressant de se pencher à nouveau vers l’article original. En effet, le titre en est « Avignon : les élus EELV se couchent devant Areva ». Et il faut noter que la Présidente, ainsi que la Procureure, se sont fait, à mon sentiment, un malin plaisir à le répéter.
En effet, le sujet de l’article, il faut bien le rappeler, c’est le « don » d’Areva à la municipalité d’Avignon qui a conduit les élus EELV à se rendre … au WC lors du vote. Ce comportement lâche et irresponsable a engendré la colère et la vindicte de toute la mouvance écologiste, d’où cet article de la CANSE, et la réaction de JJMU, ulcéré, qui l’a reproduit puis relayé.
Le choix de cet article par Areva, pour porter plainte en diffamation, n’est pas neutre. Il est clair que les politiques, à savoir, en l’occurrence EELV, resteraient muets, voire absents de ces débats sur la liberté d’expression à propos de cet article qui les met en cause, preuves à l’appui.
Il aurait été, bien sûr, plus compliqué de porter plainte sur l’un des innombrables articles de la CANSE portant sur les propres écrits d’Areva, du CEA, de l’ANDRA… décortiqués, analysés et … « atomisés ».
Mais le géant du nucléaire est lâche…
Il est à noter que la « jeune avocate à la crinière électrique » d’Areva n’a fait que « réciter » les conclusions qui avaient été déposées préalablement et dont nous avions eu connaissance, sans tenir aucun compte des débats qui venaient d’avoir lieu.
Je mets en annexe les « notes » que j’avais prises, au préalable, sur ces conclusions.
Le Ministère Public a, il me semble, réduit à néant les allégations d’Areva sur la prétendue accusation que nous aurions portée à son encontre comme responsable de l’accident de Fukushima.
Pour finir, cette audience a été, et je m’en réjouis grandement, l’occasion de réunir des mouvances antinucléaires qui ont du mal à se fédérer.
L’audience du 10 octobre prochain sur l’EPR initiée par l’Observatoire du nucléaire, les soubresauts du lobby à Bure, qui envoie la cavalerie, face à des militants exemplaires, les plaintes pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui » qui seront envoyées à l’automne contre l’ASN par des habitants de ce pays nucléocrate, montrent que nous sommes à un moment charnière de la lutte antinucléaire qui peut espérer se fédérer AVANT l’accident majeur qui vient.
Gilbert Tallent 23 septembre 2017
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Annexe
Notes sur les conclusions d’Areva envoyées à notre avocat le 6 septembre 2017
Sur les débats sur la possible prescription, nous ne sommes pas compétents.
Pour la discussion :
B) SUR L’EXISTENCE DE LA DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER
.3. Les propos seraient susceptibles de causer une atteinte à l’honneur ou la considération de la société Areva
L’objet de l’article, soit le « don » d’Areva à la municipalité d’Avignon est considéré par Areva comme « purement fantaisiste ». Et Areva ne poursuivrait pas ce « type de propos ». C’est … dommage car ceux-ci ne sont nullement fantaisistes, que les preuves sont apportées, et qu’un élu d’Avignon témoigne de la véracité des faits relatés dans l’article.
Plus loin on trouve : « Par ailleurs, s’agissant des deuxième et quatrième imputations, il est, en outre, expressément attribué à la société Areva une responsabilité dans l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima. »
Et, ainsi Areva prétend que l’article attribue à Areva une responsabilité dans l’explosion de la centrale de Fukushima, et argue longuement sur cette … accusation : « Là encore, soutenir que la société Areva aurait une quelconque responsabilité dans la catastrophe nucléaire intervenue au Japon en mars 2011 et qui a causé de nombreux morts, constitue manifestement un fait précis de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération. »
On trouve encore, dans le paragraphe Responsabilités : « Il n’est, de la même manière, à aucun moment évoqué la prétendue responsabilité de la société Areva dans la catastrophe de Fukushima… A cet égard, il sera relevé qu’en réalité, la société Areva n’a pas participé à la construction de la centrale mais est intervenue, après l’explosion, pour aider les autorités japonaises et leur apporter son expertise technique dans la gestion des conséquences de celle-ci… Une brève recherche sur un moteur de recherche internet aurait permis aux prévenus de prendre connaissance de cette information. »
La phrase de l’article incriminée qui est en fait : « fabricant et fournisseur du « Mox » de la centrale de Fukushima qui a explosé » est pourtant claire et précise. Les preuves sont fournies, les faits sont avérés, incontestables, plusieurs fois publiés, le réacteur n°3 de Fukushima était bien chargé en « MOX » fourni par Areva.
Alors
Ou bien Areva, bien que géant du nucléaire n’est que nain dans sa compréhension du français, ou bien Areva argumente sur une phrase qui pourrait ressembler à : « fabricant et fournisseur du « Mox » de la centrale de Fukushima qui a explosé« … A CAUSE DU MOX d’Areva». Tout d’abord, nous eussions été tournés en ridicule pour cette accusation stupide, mais surtout : cette accusation n’existe pas. C’est Areva qui est diffamatoire envers cet article de la « Coordination », nous accusant d’écrire des bêtises sur la cause de l’explosion. Cause que tout le monde connaît, à savoir : le séisme et le tsunami.
Par contre, le fait que ce soit du MOX et non du combustible à l’uranium qui ait été disséminé dans l’environnement est, bien sûr, loin d’être anodin. Le plutonium contenu dans ce « combustible » est infiniment plus délétère que l’uranium, et les malades et les morts qu’engendre et va engendrer cette catastrophe en sont de ce fait démultipliés.
Ainsi, la société Areva qui a imposé ce choix technologique autour d’une filière au plutonium, retraitement puis MOX – choix très discuté pour sa dangerosité même au sein du lobby nucléaire- et a livré à une société étrangère un combustible éminemment dangereux, alors que les autorisations de l’ASN pour charger les réacteurs en MOX en France ne se sont faites qu’au compte goutte, a sa responsabilité engagée sur « l’excédent » de malades et de morts dus à la catastrophe.
Pour la partie 4 – Responsabilités : les allégations de la partie civile sur le « directeur de publication » que serait Jean Revest portent sur trois éléments :
. le nom de domaine a été déposé par Jean-Pierre Seignon (pourtant ce NDD a été renouvelé, par exemple l’an dernier, par Gilbert Tallent),
. l’administrateur du site ( mais tous les participants à la coordination sont administrateurs du site),
. l’adresse IP (mais les articles collectifs sont élaborés dans des « pads » et signés « admin ». Par ailleurs les articles nommément signés sont publiés chez l’un ou chez l’autre, en fonction des meilleurs accès internet, souvent difficiles dans nos contrées reculées. Par exemple, les articles signés « Pierre Péguin » ont tous été publiés depuis l’adresse IP de… Gilbert Tallent.
Le paragraphe suivant peut également être considéré comme diffamatoire : « En réalité, l’alias de « Jean Revest » est, sans doute aucun, une identité d’emprunt utilisée par Monsieur Seignon dans le cadre de ses déclarations publiques en tant que porte-parole de la CANSE, afin d’échapper à toute responsabilité. » Mais « Jean Revest » étant connu comme le nom de plume de Jean-Pierre Seignon, il ne s’agit en aucun cas d’une « identité d’emprunt », censée le faire échapper à une quelconque responsabilité.
C) Sur la flagrante mauvaise foi des prévenus : « Toutefois, en l’espèce, les prévenus, par les propos litigieux publiés, n’entendaient pas informer le public, mais uniquement nuire à la société Areva en lui imputant des pratiques criminelles et donc parfaitement outrageantes. » Cet argumentaire est repris plus loin dans le chapitre sur l’animosité personnelle envers Areva. Cet argument est totalement stupide. Le site regorge de billets tout aussi agressifs envers EDF, le CEA, l’IRSN, l’ANDRA, les décideurs pro-atome,… Comme pour Areva, ces articles sont largement documentés. Notre site, et c’est sa raison d’être, œuvre à l’arrêt définitif du nucléaire, qui sème la mort partout dans le monde, et dénonce sans distinction tous ceux qui promeuvent cette industrie morbide, Areva comme les autres!
Sur l’absence d’enquête sérieuse : Quand on n’a rien à dire, on cherche des poux. La phrase suivante est particulièrement intéressante : « Avant même de les examiner, le Tribunal relèvera que rien ne permet d’établir, à ce stade, que le prévenu disposait déjà des pièces produites aux débats lorsqu’il a publié l’article sur le site de la CANSE. » S’agit-il de discréditer les preuves? Peut-être que le « prévenu »n’aurait pas disposé de ces pièces lorsqu’il a publié l’article incriminé? Peut-être, peut-être pas? En tous cas la preuve ne peut matériellement en être apportée, la seule certitude c’est que ces pièces préexistent à la rédaction de l’article incriminé. Areva peut-il fournir des preuves de ses propres allégations ? Ces pièces sont-elles si gênantes ? Oui, le prévenu disposait de ces pièces depuis fort longtemps, n’en déplaise à Areva !
« Dans ces extraits, des personnes, dont on ne connait pas toujours l’identité, la fonction ou encore le lien qu’elles entretiendraient avec la société Areva, témoignent de faits particulièrement anciens relatifs à l’exploitation par la COGEMA dans les années 1980 de mines d’uranium en France, au Gabon et au Niger. A aucun moment, au cours de ces extraits il n’est fait état d’enfants tués ou contaminés par Areva. » De cette déclaration, on conclut qu’Areva n’assume pas son passé COGEMA. Bon. On pouvait contaminer et, à terme, tuer dans les années 1980.
Par ailleurs, Areva ne semble pas connaître ou avoir examiné les pièces fournies. En effet, 79 documents ont été fournis, dont 13 témoignages vidéo. Où sont passés, dans les conclusions d’Areva, les témoignages directs, dont on ne trouve pas trace, de : Didier Anger (ancien député européen, enseignant, président du CRILAN/Comité de Réflexion, d’Information et de Lutte Anti Nucléaire), Philippe Billard (mécanicien, ancien travailleur du nucléaire EDF), Vincent Delahaye (Conseiller Municipal d’Avignon), Dr Michel Fernex (Docteur en médecine, Professeur émérite à la Faculté de Médecine de Bâle, membre de Scientific Working Groups à l’OMS), Dr Bernard Laponche (ingénieur de l’école polytechnique, Docteur ès sciences physique des réacteurs nucléaires, Docteur en économie de l’énergie, ancien ingénieur au CEA), Mr Pierre Péguin (physicien retraité, Docteur ès sciences, Maître de conférences à l’Université Scientifique de Grenoble, directeur de thèse au CENG-CEA (Centre d’Études Nucléaires de Grenoble – CEA), ainsi que les autres pièces à conviction fournies par la CANSE.