Trump et les missions confiées au futur roi de la Saoudie salmanienne
15 novembre 2017
AnalyseNasser KandilLundi 13 novembre 2017 Traduction : « Trahison : Trump vient de signer un contrat d’armement de 460 milliards de dollars avec l’Arabie saoudite, permettant que des armes américaines soient utilisées pour des crimes de guerre contre des civils yéménites. Que s’est-il passé ? En 2011, dans son livre, Trump a écrit ceci à propos de l’Arabie saoudite : ‘’C’est le plus grand bailleur de fond du terrorisme. L’Arabie saoudite canalise nos pétrodollars, notre propre monnaie, pour financer les terroristes qui cherchent à détruire notre peuple, alors que les Saoudiens comptent sur nous pour les protéger’’». Auteure : Madame Tulsi Gabbard ; membre du Parti démocrate et représentante du deuxième district d’Hawaï à la Chambre des représentants des États-Unis ; Tweet du 21/05/2017, suite au discours de Donald Trump à Ryad, blanchissant les Saoudiens et accusant les Iraniens de financer et d’entraîner des terroristes, des milices et autres groupes extrémistes qui propagent destruction et chaos du Liban à l’Irak et jusqu’au Yémen… [1] Que s’est il-passé ? Voici une analyse résumée à partir des derniers articles et émissions de M. Nasser Kandil. Il semble qu’elle réponde en grande partie à la question [NdT]. Les réalités et l’équilibre des forces sur le terrain suggèrent que l’alliance américano-saoudo-israélienne n’est pas prête à se lancer dans la folie d’une guerre majeure au Moyen Orient, mais n’excluent pas qu’elle tente d’arriver à ses fins par une guerre de moindre intensité sur un front judicieusement choisi, afin de rééquilibrer la situation actuellement favorable aux forces de la Résistance et à leur allié russe. Une équation complexe que l’alliance a dernièrement tenté de résoudre en soutenant les séparatistes kurdes, en empêchant la reprise d’Al-Boukamal des mains de Daech par l’Armée syrienne, en envisageant une guerre limitée au sud de la Syrie et au sud du Liban. Mais tous ces plans se sont révélés être des raccourcis vers la confrontation globale. En effet, le soutien du projet des séparatistes kurdes en Irak risquait de rapidement mener à une guerre ouverte avec, au minimum, l’Iran, l’Irak et la Turquie ; l’insistance des États-Unis à empêcher la convergence des armées syrienne et irakienne et des forces de la Résistance à Al-Boukamal, en déclarant que la frontière syro-irakienne était une ligne rouge, signifiait l’entrée en guerre avec la Syrie, l’Iran, le Hezbollah et le Hachd al-Chaabi irakien, avec la Russie en renfort ; tandis qu’une guerre contre le sud de la Syrie ou le sud du Liban mettrait Israël sous le feu de milliers de missiles lancés à partir du Liban, de la Syrie et de l’Iran. Mais les guerres ne sont pas affaire d’amateurs surtout quand il s’agit d’aventuriers tels ceux qui ont planifié une guerre perdue d’avance, comme au Yémen. Les erreurs pouvant être fatales, le président américain Donald Trump, le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu jouent leur propre partition, mais dans les limites autorisées par les décideurs de l’armée et du renseignement des États-Unis. Or, les États-Unis, la Russie, l’Iran, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Israël et les pays alliés aux uns ou aux autres manœuvrent dans une zone géographique allant de la Russie au pays du Golfe, et de l’Iran à la mer Méditerranée. Une zone comprise au sein d’un espace géographique traditionnellement défini comme le « Moyen-Orient », les États-Unis ayant tenté de l’élargir au « Grand Moyen-Orient », considéré comme leur espace vital et leur zone d’influence exclusive [2]. C’était sans compter avec l’irruption inattendue de la Russie devenue l’acteur principal dans la région, notamment parce qu’après le démantèlement de l’Union soviétique, les États-Unis se sont révélés incapables de régler à eux seuls les conflits entre les nations. Une région immensément riche correspondant, plus précisément à celle définie par la vision stratégique des « cinq mers » développée dès 2004 par le Président Bachar al-Assad [3]. En effet, c’est effectivement au sein de cette région précise que se déroulent les luttes et les guerres directes ou indirectes qui semblent devoir aboutir à un nouvel ordre régional et, en conséquence, à un nouvel ordre mondial.Cinq mers et donc « cinq espaces vitaux » où les États-Unis ne sont plus des acteurs décisifs :
Or sont présents autour de la mer Rouge : la Chine à Djibouti ; l’Iran en Erythrée, comme l’affirment les Américains, les Saoudiens et les Israéliens ; l’Arabie Saoudite ; l’Égypte ; l’Israël et le Yémen. I. MISSION AU YEMEN : arracher le port d’Al-Hodeida aux mains d’Ansarallah Mais seuls l’Égypte et le Yémen tiennent les deux bouts nord et sud de la mer Rouge. Par conséquent la maîtrise de cette mer par les États-Unis implique la présence saoudienne sur la côte yéménite, notamment à Al-Hodeida, et du même coup réduit le rôle de l’Égypte à la neutralité. La « guerre d’Al-Hodeida » est donc cette guerre limitée, choisie pour éviter une guerre majeure dans laquelle les États-Unis et les Israéliens savent ne pas pouvoir s’impliquer. Si le Saoudien l’emporte, ce sera un bénéfice pour ladite Coalition internationale. S’il est défait, il sera le seul à en subir les conséquences, d’autant plus qu’il a déjà été largement indemnisé par la couverture de sa campagne contre ses cousins, dépouillés de leurs fortunes par une nuit sans lune. II. MISSION EN SYRIE : dissimuler les envahisseurs de Raqqa sous une identité arabe Fin octobre, le ministre saoudien Thamer Al-Sabhan est apparu à Raqqa en compagnie du général américain Brett McGurk nommé par Trump pour diriger ladite coalition internationale. Son rôle consistait à convaincre les habitants de la région, majoritairement arabes, d’accepter l’occupation de la ville par lesdites Forces Démocratiques Syriennes [FDS] essentiellement kurdes. En d’autres termes, le Saoudien était chargé de légitimer les séparatistes kurdes, lesquels couvrent la présence illégitime des soldats de la coalition en territoire syrien. III. MISSION AU LIBAN : écarter le Hezbollah pour satisfaire Israël Au Liban, l’équation est la suivante : reconnaissance par l’Arabie saoudite des victoires du Hezbollah en Syrie, contre la reconnaissance par l’Iran des victoires de l’Arabie saoudite au Yémen après la prise d’Al-Hodeida. Ce qui fait que la démission du Premier ministre libanais Saad Hariri, dictée par l’Arabie saoudite, vise deux objectifs. D’une part, pousser le gouvernement libanais à lever la légitimité politique du Hezbollah à moins qu’il ne se retire de Syrie, comme l’exige Israël. D’autre part, dissuader l’Iran d’intervenir dans la guerre d’Al-Hodeida, dissuasion préventive concomitante avec la fermeture des eaux territoriales yéménites et les accusations portées contre l’Iran quant à sa prétendue contribution aux frappes de missiles yéménites sur le territoire saoudien. IV : Réaction à l’entretien de Saad Hariri, diffusé par Al-Moustaqbal TV libanaise en direct de Riyad, ce 12 octobre Mis à part le fait que cet entretien [4] prouve que Saad Hariri est retenu contre son gré, nous notons qu’il a annoncé la rupture du compromis national conçu au début du sextennat. Une annonce dictée par l’Arabie saoudite, puisque ce compromis n’est toujours pas rompu. Son discours a essayé de nous en convaincre, mais nous ne sommes pas convaincus parce que nous en connaissons la teneur : coexistence et pluralisme politique à la grande satisfaction de Hariri, jusqu’à sa démission forcée. Par ailleurs, il est clair qu’en forçant Hariri à tenir ce discours, l’Arabie saoudite cherche à obtenir un nouveau compromis dont le contenu est inacceptable, vu qu’il vise à intégrer le Liban dans l’axe saoudien et son conflit avec l’Iran. Ce qui signifie que Hariri ne reviendrait pas pour un nouveau compromis, mais pour confirmer sa démission, jusqu’aux prochaines élections parlementaires, auxquelles il participera. Entretemps, il se sera débarrassé des alliés de son propre camp qui se sont précipités depuis sa démission pour toucher son héritage, aura retrouvé l’adhésion populaire qui lui a manqué avant cette épreuve ; ce qui lui permettra d’écarter nombre de concurrents du prochain parlement. Tout cela grâce à ceux qui sont censés être des rivaux du camp opposé ! Conclusion : Tels sont les trois buts tactiques des missions confiées par Trump à Ben Salmane. C’est bien lui qui a donné les ordres pour leur mise à exécution. Finalement, il est le meilleur associé de Trump dans la région des « cinq mers ». La récompense attendue étant le trône de la Saoudie salmanienne. Il n’empêche que, pour le moment, Ben Salmane collectionne les échecs. En effet :
Reste à savoir dans quelles limites les États-Unis et l’Israël sont toujours disposés à répondre à ses appels à la guerre… Nasser Kandil Synthèse proposée par Mouna Alno-Nakhal Sources : [1] 60 minutes avec Nasser kandil ; émission du 06/10/2017 [2] 60 minutes avec Nasser kandil ; émission du 10/11/2017 [3] Article du 09/11/2017 [4] Brève du 11/11/2017 [5] Article 13/11/2017 Notes : [1] Discours de Donald Trump à Riyad [2] le Grand Moyen-Orient [3] Bachar al-Assad, personnalité arabe de l’année [4] Entretien avec Saad Hariri en direct de Riyad ; 20/11/2017
M. Nasser Kandil est un homme politique libanais, ancien député, Directeur de Top News-nasser-kandil, et Rédacteur en chef du quotidien libanais « Al-Binaa ».
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