La Palestine sera-t-elle liquidée avec la complicité arabe ?
28 novembre 2017
Le sionisme est un mouvement colonial inventé au 19ème siècle pour transformer une Palestine multi-religieuse en l’ « Etat juif d’Israël » d’apartheid. Il devait être « un rempart de l’Europe contre l’Asie, un avant-poste de la civilisation contre la barbarie » (Herzl dans L’Etat des Juifs). Cette idée coloniale raciste n’a pas changé depuis la fondation de la « Jewish Colonization Association » en 1981 et du Congrès sioniste mondial en 1897. Comme tous les mouvements coloniaux, il se concentre sur la double tâche de détruire la vie indigène et de créer de nouveaux régimes exclusivistes racistes, et il obtient le soutien et la complicité des empires.
Manifestation à Amman pour protester contre l’accord gazier entre la Jordanie et Israël, le vendredi 30 septembre 2016 (Photo Osama Aqarbeh)
La Grande-Bretagne a remis à la famille Al-Saoud la responsabilité de la région de Hijaz (qui devait devenir la kleptocratie de l’ « Arabie saoudite »). Abdul Aziz al-Saoud a répondu en 1915 aux demandes britanniques en écrivant de sa propre main : « Moi, Sultan Abdel Aziz Bin Abdel Alrahman Al-Faysal Al-Saoud, décide et confirme mille fois à Sir Percy Cox le représentant de la Grande-Bretagne que je n’ai pas d’objection à donner la Palestine aux pauvres juifs ou à d’autres, comme le juge convenable la Grande-Bretagne, que je ne passerai pas outre son avis jusqu’à l’heure de l’appel [fin du monde]. » Les bonnes relations de la famille régnante des Saoud, au détriment des Palestiniens, ont perduré jusqu’à aujourd’hui, avec une brève période où le nationalisme arabe était fort et où la famille royale a suspendu les expéditions de pétrole aux Etats-Unis pendant la guerre d’octobre 1973.
L’OLP a commencé son long processus de « compromis » avec les colonisateurs en 1974. Israël a alors signé un « traité de paix » avec l’Egypte et a eu de bonnes relations de travail, y compris en coopérant à des crimes contre l’humanité en isolant et en assiégeant la Bande de Gaza. Il y eut une brève période où il y eut un allègement du blocus, quand Morsi a été élu président de l’Egypte, mais elle s’est rapidement terminée lorsque l’armée a repris le pouvoir en Egypte. L’Egypte essaie cependant de jouer un rôle dans la médiation entre le Hamas et le Fatah aujourd’hui, ce qui pourrait aider à mettre fin au blocus et à reprendre une lutte de libération.
Israël a maintenu ses efforts pour morceler le monde arabe (déjà fragmenté), par exemple en développant des milices mandataires et en s’alignant sur des dirigeants extrémistes de droite au Liban dans les années 1970 et 1980. Travaillant par procuration ou directement, Israël et ses laquais arabes commirent des massacres, comme dans les camps de réfugiés de Sabra et Shatila, au Liban, en 1982. ‘Israël’ a maintenu de bonnes relations avec les mouvements séparatistes au nord de l’Iraq et au Soudan du Sud, et a aidé à armer l’armée du Soudan du Sud. Les relations d’Israël avec Barzani et les manœuvres pour morceler l’Iraq sont maintenant bien connues. Dans les années 1990, à la demande du lobby israélien, l’Iraq a été l’objet de sanctions menées par les Etats-Unis et les régimes arabes qui ont entraîné la mort d’un million d’Iraquiens, dont la moitié d’enfants. Dans le même ordre d’idée, les Etats-Unis ont attaqué l’Afghanistan, l’Iraq et le Yemen (lire mon article Connecting the Dots).
En 1986, le roi Hassan II du Maroc a invité le Premier ministre israélien pour des discussions et à la suite des désastreux accords d’Oslo, le Maroc a multiplié ses liens économiques et ses contacts politiques avec Israël en ouvrant des bureaux de liaison bilatéraux en 1994. Comme l’a démontré avec éloquence le défunt Edward Said, les Accords d’Oslo furent une deuxième Nakba pour les Palestiniens, créant une autorité palestinienne dont la tâche fut de protéger les occupants contre la résistance et de normaliser l’occupation. Après qu’Arafat et Abbas aient signé ces traités de reddition, l’économie d’Israël et sa reconnaissance à l’étranger ont rapidement augmenté. Les accords ont également donné le feu vert à la puissance occupante pour développer ses activités illégales dans les zones occupées non restituées à l’autorité palestinienne (la zone C représente la majorité des terres).
Des relations économiques ont existé entre le Qatar et ‘Israël’ entre 1996 et 2000. En 2005, l’Arabie saoudite a annoncé la fin de son interdiction des marchandises et des services israéliens. Des liens diplomatiques et autres entre la Tunisie et Israël ont fluctué entre force dans les années 1990 et faiblesse entre 2000 et 2005 pour reprendre jusqu’à la révolution tunisienne. En 1919, le roi Faisal al-Hussein (leader hachémite) avait signé un accord avec le leader sioniste Chaim Weizmann, mais un de ses fils fut plus tard écarté du pouvoir en Syrie (par la France) à cause de son opposition au sionisme. Israël a signé un « traité de paix » avec la Jordanie en 1994. Cependant l’opinion publique en Jordanie (parmi les Jordaniens d’ascendance palestinienne ou transjordanienne) reste fortement opposée aux tentatives de normalisation qui incluent de faire crouler la Jordanie avec d’énormes dettes qui servent les intérêts israéliens (par exemple le canal Mer rouge-Mer morte).
La CIA et les services de renseignements britanniques ont renversé le gouvernement élu de Mossadegh en Iran en 1953 pour installer un régime plus favorable aux Israéliens. Cela a duré jusqu’à ce que la révolution iranienne mette fin au régime Pahlavi criminel en 1979. Israël a eu de bonnes relations de travail et de coopération avec la Turquie de 1949 à 2011, quand les dirigeants israéliens se sont lancés dans une série d’affronts et de bévues, y compris le meurtre de citoyens turcs à bord du navire Mavi Marmara, dans les eaux internationales.
En 2015, Israël a ouvert une mission diplomatique avec les Emirats Arabes Unies (EAU) et a aidé l’Arabie saoudite et les EAU à lancer une guerre contre le Yémen pour contrôler le détroit stratégique de Bal Al-Mandeb (entre la Mer rouge et l’Océan indien). L’Egypte a également accepté de donner à l’Arabie saoudite deux de ses îles dans le détroit de Tiran (qui sépare le golfe d’Aqaba de la Mer rouge), à la demande d’Israël.
Ces faits ne sont que la partie immergée de l’iceberg en termes de collusion sioniste avec des leaders arabes pour détruire la Palestine. Beaucoup reste caché. Pourtant, comprendre cette histoire aide à comprendre pourquoi les dirigeants d’ « Arabie saoudite », des EAU et autres sont de connivence avec Israël et les Etats-Unis dans une attaque fébrile contre les forces de résistance dans le monde arabe et islamique. Alors qu’une telle connivence avec le colonialisme est commune dans toutes les parties du monde, les collaborateurs ne lisent pas l’histoire pour comprendre le sort réservé à tous les outils du colonialisme. Ils subiront le même sort que les autres collaborateurs. En tant qu’outils du colonialisme, ils sont rejetés dès qu’ils remplissent leurs rôles assignés.
Beaucoup des développements survenus après 1973 n’auraient pas eu lieu si l’OLP était restée fidèle à ses principes. C’est en effet un moment historique dans notre partie du monde. Les sionistes se sentent enhardis comme jamais auparavant et ont l’intention de mettre fin une fois pour toutes à la question palestinienne, en particulier la question clé des réfugiés (qui seraient forcés de s’installer en dehors de la Palestine). Il faut observer les évolutions en Arabie saoudite, aux EAU, en Syrie, en Iraq, au Liban, au Yémen et dans le reste de notre région dans le contexte de cette lutte et de la centralité de la question palestinienne, puisqu’elle est la raison de tout ceci. C’est une lutte entre ceux qui pensent pouvoir sauvegarder leurs trônes et leurs positions en se soumettant aux sionistes et ceux qui contestent le colonialisme. Le choix est entre le chaos qui n’épargnera personne (y compris ceux qui collaborent) ou le refus de la division et donc l’unité pour combattre l’impérialisme, le colonialisme et le sionisme.
La Palestine reste l’épreuve de vérité, le talon d’Achille de l’impérialisme et la clé de la paix. Chacun de nous doit prendre clairement position. Je suis optimisme parce que 12,7 millions de Palestiniens et des centaines de millions d’autres, qui suivent leur conscience, ne laisseront pas le sionisme (et ses dirigeants arabes et américains complices) liquider la cause la plus juste de l’histoire de l’humanité. Il est judicieux que les dirigeants complices repensent leurs positions au moins pour leurs propres intérêts puisque les puissances coloniales se servent des outils et les rejettent, et ne respectent jamais la parole donnée à ceux qui n’appartiennent pas à leur « tribu ». Ceci est amplement illustré par l’histoire même d’Israël et de ses collaborateurs (par exemple au Liban dans les années 1980). Maintenant, il faut que nous travaillions tous ensemble vers une paix avec la justice, le résultat inévitable.
Source : Popular Resistance
Traduction : MR pour ISM