France-Irak ActualitéGilles Munier Manifestation de femmes à Sanaa Mardi 20 mars 2018 Au Yémen, les troupes saoudiennes s’inspirent des « mêmes méthodes barbares»* employées par les Britanniques dans la guerre des Boers en 1901, en Malaisie, au Kenya** et encore au Yémen en 1950-1960. La Grande-Bretagne qui soutient l’agression saoudienne est donc particulièrement concernée par ce qui se passe actuellement dans ce pays.Cette stratégie provoquant de véritables massacres de civils, étant difficile à vendre à l’opinion publique, a conduit les Saoudiens à s’adresser à des agences anglo-saxonnes spécialisées dans la communication pour obtenir le silence des médias. Sur leurs conseils, le 22 janvier, la coalition saoudienne au Yémen a lancé un plan d’aide humanitaire en trompe l’œil appelé « Opérations humanitaires globales au Yémen » (YCHO). Dans un long article paru dans Counterpunch (5/3/18) le journaliste Dan Glazebrook, décrit le génocide en cours au Yémen et dénonce les activités de ces agences. Extraits : Une enquête approfondie de l’agence d’information IRIN révèle que « la dépêche reçue par les journalistes annonçant le plan « Yemen Comprehensive Humanitarian Operations (YCHO) » n’émane ni de la coalition, ni des Saoudiens. Elle provient, avec une invitation à visiter le Yémen, de PR (Paperfield Global Counsel) une agence britannique…(…)… L’enquête révèle aussi que la présentation en PowerPoint, utilisée pour introduire le plan YCHO auprès de hauts fonctionnaires des Nations unies, était de la plume de Nicholas Nahas, de Booz Allen Hamilton, agence de consultants américaine, ayant des relations de longue date avec les Etats-Unis – avec notamment la participation aux programmes illicites de surveillance de masse SWIFT et PRISM– et qui , à l’heure actuelle – selon IRIN– propose de 35 offres d’emploi à Ryad, sur son site internet « military planet » (planète militaire ). Sont recherchés des candidats capables de « fournir le conseil et la planification militaires ainsi que l’expertise devant soutenir la coordination d’opérations pour contrer une menace conjointe, exécutées par la coalition, et faciliter les ressources nécessaires à ces opérations ». Une autre société de relations publiques chargée de « vendre » le YCHO est Qorvis MSLGroup qui, selon IRIN, « a enregistré plus de 6 millions de dollars de revenus provenant de l’ambassade saoudienne aux Etats-Unis sur une période de douze mois jusqu’en septembre 2017 ». Ces maîtres de la manipulation des médias ont certainement été très occupés : leur travail a été soumis aux « bureaux des grandes ONG au Royaume-Uni ainsi qu’aux membres du Parlement britannique », et des comptes d’YCHO ont été ouverts sur Facebook, Twitter, Instagram, Youtube et Gmail. Le compte twitter d’YCHO compte environ 10 000 abonnés, mais selon l’enquête « la moitié des partisans d’YCHO a moins de 10 abonnés, tandis que 1000 comptes avaient des comptes crées le même jour en 2016 – signe qu’un nombre significatif de faux comptes et de robots, gonfle la popularité des YCHO » « Tout cela » écrit IRIN, « a nourri les soupçons que, plus qu’une tentative authentique d’aider le peuple yéménite, le plan cherche à dissimuler la situation à Hodeidah et à redorer l’image négative de l’Arabie saoudite, ou au moins un peu des deux ». Vous pourriez penser qu’une stratégie destinée à affamer davantage la population du monde la plus affamée serait difficile à vendre. Mais, l’argent ne parle pas seulement, il rend silencieux. Et 1,5 milliards de dollars, c’est beaucoup d’argent… Nota : *« Méthodes barbares » est le qualificatif donné à la stratégie expérimentées par Kitchener par Sir H. Campel-Banneman du Parti libéral à l’époque de la guerre des Boers en 1901. Cette stratégie prévoyait la construction de casemates et fils barbelés, l’incendie des fermes, le recours à des escouades mobiles et des troupes irrégulières pour balayer les guérillas Boers, des camps de concentration pour les familles expulsées, Blancs comme Noirs. Entre 20 000 et 28 000 Blancs moururent de maladie dans ces camps, ainsi que 14 154 Noirs (1/10 de la population des camps), nombre sous-estimé. Les critiques du public étaient centrées sur les camps des Blancs, ceux des Noirs ne faisaient pas partie du débat. L’impopularité de cette politique était comparable à celle frappant les Etats-Unis pendant la guerre du Vietnam. Dan Glazebrook est l’auteur de Divide and Ruin: The West’s Imperial Strategy in an Age of Crisis (Diviser pour détruire et régner : la stratégie de l’impérialisme occidental en temps de crise). Traduction et Synthèse : Xavière Jardez Le sommaire de Gilles Munier
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