Lettre ouverte de Smaïn Bédrouni au Cheikh Sultane Ben Mohammed Al Kacimi, Gouverneur de Sharjah et membre du Haut Conseil aux Émirats Arabes Unis,
27 mars 2018
ce n’est qu’aujourd’hui que j’ai pris connaissance de vos déclarations publiques selon lesquelles l’indépendance de l’Algérie aurait été « offerte » par le Général Charles De Gaulle au Président de la République d’Egypte, Gamal Abdel Nasser.
J’ai donc appris que lors d’une série d’interviews accordée à plusieurs médias émiratis le dimanche 19 mars (le 2 Rajab), vous auriez évoqué une discussion qui aurait eu lieu, selon vous, entre le Général français Charles De Gaulle et son Ministre de la Culture André Malraux au début des années soixante.
En marge de la 46e Foire du livre de Londres vous auriez soutenu que « De Gaulle a posé la question à son Ministre de la Culture : « Comment pourrai-je gagner la sympathie des Arabes ? »
Le Ministres André Malraux lui aurait répondu, selon vous : « Il faut plaire au leader arabe Gamal Abdel Nasser. Si vous arrivez à avoir sa confiance, vous aurez tout le monde arabe avec vous. »
Le Général Charles de Gaulle : « Et comment pourrai-je avoir Abdel Nasser à mes côtés ? »
Le Ministres André Malraux : « En donnant l’indépendance à l’Algérie ».
Le Général Charles de Gaulle aurait alors dit en évoquant l’Algérie : « Maintenant, je les connais » et se serait mis, selon vous, à travailler pour l’indépendance de l’Algérie.
Permettez-moi de vous informer qu’en plus des Archives Nationales de France, l’histoire transmise par nos ancêtres, de manière orale ou écrite, démontre clairement que la caricature que vous dessinez dans l’agenda du Général Charles De Gaule est purement fictive et imaginaire.
Il est dit que vous n’avez exprimé aucune réserve par rapport à ce prétendu échange entre le Général De Gaulle et son Ministre, ni même fait mention des près de deux millions de Martyres tombés au cours du conflit entre la France et la Population Algérienne.
Je ne crois pas un instant que vos déclarations en tant que Gouverneur de Sharjah, le jour même de la célébration du 55e anniversaire des accords d’Évian qui impliquaient exclusivement deux camps, à savoir, celui du gouvernement français et celui du gouvernement provisoire algérien, soit le fruit du hasard. Et je pense donc que vous considérez peut-être l’Algérie ou la France comme faisant parties de votre territoire au point de vous présenter aujourd’hui comme un grand sheikh de l’histoire du Maghreb.
Quoi qu’il en soit, il est de mon devoir de vous informer qu’en tant que petit fils de résistants je ne saurait tolérer que vous agissiez comme si vous pensiez avoir la moindre exclusivité en ce qui concerne la vérité historique de la France et mon statut de petit fils de Chouhadas me dit la même chose en ce qui concerne l’histoire de l’Algérie que je connais certainement bien mieux que vous.
Même si je n’ai pas le plaisir de vous connaitre, les journalistes disent que vos propos sont étonnants et précisent que vous êtes connu pour vos travaux sur l’art, la culture et l’éducation, que vous avez de bons rapports avec les responsables algériens et que vous avez toujours veillé à ce que l’Algérie soit présente dans les manifestations culturelles aux Émirats-Arabes-Unis.
Cher Monsieur Sultane Al Kacimi, vous êtes connu comme un grand admirateur de Gamal Abdel Nasser et de l’Égypte. Je pourrais facilement comprendre votre attitude si vos déclarations ne semblaient pas avoir été calculées pour susciter une vague d’indignation sur les réseaux sociaux et je conçoit parfaitement qu’elles n’aient provoquées aucune réaction officielle de la part des autorités Algériennes ou Françaises dans la mesure ou vos propos ne sont rien d’autre que honteux.
Quoi qu’il en soit, en tant que croyant ne pouvant vous laisser dans le ridicule sans tenter de vous aider à retrouver votre dignité, c’est encore en tant que français et algérien, petit-fils de résistants que je prendrais l’initiative personnelle de vous répondre.
Soyez tranquille, je ne donnerais pas tout mon curriculum vitae mais je vous ferais peut-être une confidence en vous disant qu’au cours de ma vie riche de recherches et d’enseignements, j’ai eu le bonheur de rencontrer des êtres formidables qui ont œuvré toute leur existence pour la Liberté et les Droits de l’Homme en France, en Europe et à travers la Terre entière.
J’aimerais ici leur rendre hommage et rétablir leur mémoire dans la mesure où vous incitez le publique à imaginer que dans vos salons et palais, vous n’avez jamais eu l’opportunité de rencontrer ces lumières qui vous auraient certainement éclairées afin que vous puissiez voir la réalité du monde sans risquer de ruiner votre crédibilité politique.
Bien qu’il soit facile de démonter vos propos, je n’y entrevois aucun intérêt pour quoi que ce soit, si ce n’était que de porter atteinte à votre dignité encore plus que vous ne l’avez fait vous-même, ou peut-être encore entretenir une basse polémique visant à détourner l’attention des scandales impliquant votre actuel Ministre des Affaires Étrangères.
C’est pour ces raisons que j’aimerais vous suggérer, avant de parler sur la France ou l’Algérie comme vous l’avez fait, de vous assurer de bien vérifier vos informations à l’avenir et de ne surtout pas croire tout ce que l’on a voulu vous faire croire et répéter, que ce soit par écrit ou de bouches à oreilles, chez vous ou ailleurs. Peu importe la somme que l’on vous propose pour répéter ce genre de choses.
Je suis certain que vous comprendrez aussi que vous n’êtes pas concerné par l’histoire de la Lutte de Libération Algérienne puisqu’il ne s’agit pas du tout de l’Empire Britannique. N’ai-je pas raison ?
Vous souhaitant un bon moi sacré de Rajab, j’invoque Allah swt pour votre propre Salut, celui de vos proches et celui du Monde entier. Amine
Bien cordialement
Selem 3aleykoum wa Rahmatou Llahi wa Barakatouh.
Smaïn Bédrouni
Amiens, France.