Telesur
YouTube a censuré cet épisode de la série documentaire d’Abby Martin ‘Empire Files’ consacré au militarisme israélien.

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Le documentaire d’Abby Martin, qui met en lumière la violence militaire israélienne contre les Palestiniens, a été bloqué le 5 avril 2018 dans 28 pays pour violation présumée des « lois locales », a annoncé l’animatrice de TéléSur.
Selon le compte Twitter officiel de The Empire Files, YouTube a envoyé au programme un avis les informant que « Nous avons reçu une plainte légale concernant votre vidéo » et les notifiant que la vidéo serait bloquée dans 28 pays, dont le Royaume-Uni, la France, Israël et Italie.
L’épisode bloqué comportait une interview du journaliste Max Blumenthal sur la montée des attitudes militaristes et racistes à l’égard des Palestiniens en Israël.
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Max Blumenthal a déclaré plus tard à Russia Today : « Mes commentaires étaient entièrement basés sur ma vaste expérience journalistique dans la région et mon analyse était de nature clinique : à aucun moment, je n’ai dénigré quiconque en raison de sa foi ou de son appartenance ethnique. »
Blumenthal estime que la Ligue anti-diffamation [ADL, équivalent américain du CRIF/LICRA] est derrière la censure : elle participe au système de signalement de YouTube et considère les actions liées au Boycott, aux sanctions et au désinvestissement (BDS) et l’opposition à l’occupation israélienne comme du racisme.
La coopération entre les forces sionistes et les réseaux sociaux pour censurer les médias pro-palestiniens a été bien documentée. L’année dernière, le journaliste Glenn Greenwald a révélé que le géant des réseaux sociaux Facebook travaillait activement avec le gouvernement israélien à la censure.
Selon Tel Aviv, « l’incitation en ligne » est responsable de la résistance à l’occupation. Israël cherche activement à supprimer les postes prétendument « incendiaires ».
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Un Juif américain sur le fascisme israélien : « Il n’y a aucun espoir de changement depuis l’intérieur. »

Traduction : http://sayed7asan.blogspot.fr  

Abby Martin interviewe le journaliste et auteur Max Blumenthal sur la situation actuelle en Palestine et l’occupation israélienne. Cet épisode évoque ce qu’il y a derrière la rébellion d’aujourd’hui, la domination croissante de l’idéologie d’extrême droite et ultra-raciste en Israël, les témoignages oculaires de l’après-guerre à Gaza et la peur du gouvernement israélien face à la résistance palestinienne.

 Max Blumenthal est un journaliste primé et auteur de best-seller du New York Times. Il a écrit deux livres sur la Palestine, Goliath : vie et haine dans le Grand Israël, et il a dernièrement publié La guerre des 51 jours : ruine et résistance à Gaza.

Voir également cet autre documentaire d’Abby Martin : Le terrorisme israélien dans les territoires occupésTranscription :

Abby Martin : Aujourd’hui, je suis avec Max Blumenthal, journaliste d’investigation et analyste sur Israël et les luttes en Palestine. Il est l’auteur du livre Goliath (consacré à la vie en Israël), récompensé (par un Prix en 2014) et d’un exposé publié récemment sur la guerre de 51 jours (en 2014 à Gaza). Ses reportages de terrain à Gaza pendant et après l’opération Bordure protectrice ont documenté la réalité terrifiante des crimes de guerre israéliens.

J’ai voulu savoir ce qu’il avait découvert durant ses reportages de guerre et comment cela se rattache à l’insurrection actuelle en Palestine. Max, pouvez-vous expliquer ce qui se passe actuellement, et que les gens appellent une troisième Intifada ?

Max Blumenthal : Cela ne s’inscrit cadre pas avec ce qu’on considère comme une Intifada, à savoir un soulèvement national dirigé par des factions politiques. Ce que nous voyons est la rébellion complètement désorganisée d’une génération de jeunes qui ont grandi après les accords d’Oslo, qui ont établi les bases d’une solution à deux Etats et du processus de paix parrainé par les Etats-Unis. Ils ont grandi dans cette réalité, une réalité de séparation, d’exclusion, ils ont été témoins de la destruction de la base palestinienne, de toutes les institutions de la vie palestinienne, surtout à Jérusalem-Est, tout cela a été complètement éradiqué. En Cisjordanie, il ne reste plus que l’infrastructure de l’Autorité Palestinienne et des ONGs et ils n’ont que très peu d’opportunités et d’espoir devant eux.

L’occupation s’est enracinée et resserrée, ils ont observé l’assaut de 51 jours dans la bande de Gaza, et ils se sont sentis impuissants. Ils ont vu le leadership palestinien de facto à Ramallah, l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, coordonner la sécurité avec leur occupant, et retourner leurs forces palestiniennes contre eux, en menant des raids par exemple à l’Université de Beir Zeit. Et cette génération a donc décidé d’agir d’elle-même. Cela se construit depuis longtemps mais maintenant que cette génération de Palestiniens est parvenue à un âge mature, ils s’en prennent à leurs occupants, ils sortent et manifestent dans les points de friction de l’occupation.

Par exemple, au checkpoint de Beit El à al-Bireh, à l’extérieur de Ramallah, il y a des manifestations régulières, ils jettent des pierres et des cocktails Molotov sur des soldats lourdement armés. Autour de Naplouse, qui est un haut lieu du terrorisme perpétré par les colons, et surtout à Hébron, où les colons, les colons les plus radicaux d’Israël-Palestine sont incrustés dans la vieille ville et terrorisent et traquent régulièrement les Palestiniens. Ils mènent des attaques, des attaques au couteau à l’intérieur de la ligne verte, ce qui constitue une action symbolique, et ce qu’ils font, c’est qu’ils adressent un message : « Tant qu’on sera occupés, vous paierez un prix, vous ne serez pas en sécurité et vous ne mènerez pas une vie normale. »

Comme l’a dit Netanyahou récemment, « Nous sommes destinés à vivre par l’épée. » Mais à Tel Aviv, à Haïfa, dans toutes les villes à l’intérieur d’Israël où vit la majorité de la population juive, ce sera comme si on était en Europe, ou, comme l’a dit Ehud Barak, ancien Premier ministre et ministre de la défense, « Nous serons une villa dans une jungle. » Et lorsque de jeunes Palestiniens entrent dans la villa, armés des couteaux, de pierres, de tout ce qu’ils peuvent avoir, ils rappellent aux Israéliens ceci : « Vous savez, vous n’êtes pas une villa dans une jungle. Vous êtes la jungle dans notre villa. Vous êtes au Moyen-Orient, et vous ne pouvez pas simplement ériger un mur et prétendre que nous ne sommes pas là. »

Abby Martin : Pourquoi la mosquée Al-Aqsa est-elle centrale dans cette lutte politique ?

Max Blumenthal : Premièrement, Jérusalem a été séparée de la Cisjordanie et de Ramallah. Grâce aux accords d’Oslo… les accords d’Oslo ont fourni la base à un régime de séparation, qui s’est manifesté dans le mur de séparation qui sépare Jérusalem-Est occupée de la Cisjordanie. Les Israéliens ont entrepris de détruire toutes les institutions-clés palestiniennes à Jérusalem-Est, comme Orient House, qui était censé être le futur site du gouvernement palestinien qui gouvernerait depuis la capitale Jérusalem-Est. Tout cela a été déplacé de l’autre côté du mur, à Ramallah. Puis chacune des autres institutions s’est mise à s’effondrer. Il ne restait plus que la mosquée Al-Aqsa, symbole du nationalisme palestinien à Jérusalem.

Pour moi, il s’agit bien plus de lutte nationaliste palestinienne que de religion. Mais dans la société israélienne, dans la société juive israélienne, on a vu un développement dans lequel les nationalistes religieux sont montés en puissance. Ils réorientent vraiment la société vers une direction à dominante théocratique. Et pour eux, la mosquée Al-Aqsa est un symbole, car c’est le Mont du Temple, il y avait censément des temples juifs là-bas il y a 1300 ans. Et ils visent à reconstruire le temple, en tant que symbole du remplacement d’Israël comme Etat dirigé par une loi civile par un Etat théocratique plus ouvertement juif, ce que j’appelerais JISIL [Daech juif], l’Etat Juif en Israel et au Levant. La Knesset, et beaucoup de ministres dans le gouvernement de Netanyahou sont des nationalistes religieux.

La pression exercée sur Al-Aqsa augmente, la pression sur Jérusalem augmente, et le conflit tel qu’il est prend une dimension religieuse et commence à ressembler à un clash des civilisations au lieu d’une lutte pour les droits et le territoire. La mosquée Al-Aqsa a presque été complètement encerclée par des colons israéliens, et ils ont accompli cela par la force brute, en expulsant les Palestiniens de leurs maisons et en les remplaçant par des nationalistes religieux. Ils ont construit des tunnels sous la mosquée Al-Aqsa, qui de fait déstabilisent l’infrastructure et l’intégrité de la vieille ville de Jérusalem. Et maintenant, ils commencent à essayer d’empêcher les Palestiniens de prier à Al-Aqsa pour la première fois, pour que des extrémistes religieux juifs puissent monter sur l’esplanade et conduire leur propre genre de prières et donc toutes ces perturbations déstablisent Jérusalem.

Et vous avez 300 000 Palestiniens à Jérusalem, vivant sous occupation, sous une pression constante des colons, ils vivent parmi les éléments les plus extrêmes de la société israélienne qui sont armés. Eux-mêmes ne sont pas armés. La jeunesse a été traumatisée par cet environnement, et ils se révoltent, et le point de friction est la mosquée Al-Aqsa. Et souvenez-vous que la mosquée Al-Aqsa est l’endroit où la Seconde Intifada a commencé, lorsqu’Ariel Sharon y est monté entouré de forces de sécurité, et cela a mené à un véritable bain de sang.

[Documentaire] Cette journée a encore été sans répit pour les médecins ici, alors que les victimes continuent à arriver en masse. Tragiquement, un grand nombre d’entre eux sont des enfants. Niema a seulement 2 ans et demi. Elle a été touchée par l’attaque de missile d’un F-16. Son nez est cassé et son crâne fracturé. Elle n’a pas dit un seul mot. « On dormait. Notre maison s’est complètement effondrée sur nous. » Les médecins de l’hôpital n’ont pas pu sauver Shahed.

Niema

Abby Martin : Le siège de Gaza joue sans aucun doute un rôle dans la colère partout en Palestine. Max, vous étiez sur le terrain, et votre livre a souligné avec des détails terrifiants ce que vous avez vu. Pouvez-vous nous décrire la dévastation qui s’est tenue durant la guerre de 51 jours en 2014.

Max Blumenthal : Après être entré à Gaza, je suis immédiatement allé à Shuja’iya. Ce n’est pas vraiment un quartier, c’est plutôt une ville entière, une ville à l’Est de Gaza qui a été rayée de la carte par l’artillerie israélienne, et en fait plus ou moins par tous les modes de destruction à la disposition des Israéliens. Chaque maison dans laquelle je suis allé… Ce n’étaient pas vraiment des maisons, plutôt des ruines de maisons.

J’ai parlé à des femmes âgées et à des familles entières qui m’ont relaté l’exécution sommaire de membres de leurs familles sous leurs yeux, j’ai interviewé des personnels médicaux qui ont trouvé une femme de 80 ans dans un poulailler – elle s’y était terrée pendant 8 jours, se nourrissant d’aliments pour volaille –, qui ont trouvé des corps de familles palestiniennes entières sous les décombres, et se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient pas les retirer car leurs membres se déchireraient. Ils ont dû amener des bulldozers pour enterrer les corps dans des fosses communes. J’ai interviewé la famille Rijela qui a du fuir des tanks en abandonnant leur fille gravement handicapée sur la route dans sa chaise roulante, et l’ont retrouvée une semaine plus tard criblée de balles dans sa chaise roulante. Voilà le genre d’histoires que j’ai entendu jour après jour, vraiment partout où je suis allé. Je parcourais un véritable film d’horreur. Et telle fut l’expérience du peuple palestinien à Gaza pendant 51 jours. C’était comme suite au film (d’horreur) Saw.

Comment faire face à tout ça psychologiquement ? C’est la question que nous devons poser maintenant parce que la situation humanitaire est pire que jamais dans l’Histoire. L’UNRWA a prédit que Gaza serait invivable en 2020. Et c’est déjà invivable. Les gens y sont piégés, la majorité ne peut pas partir. Et qui sont les 300 000 juifs israéliens qui ont participé à cette opération ? Que pensent-ils ? Netanyahou a été réélu, à la surprise de beaucoup d’Américains, après l’opération Bordure protectrice. Il faut avoir une mentalité d’extrême droite très éliminationniste pour justifier ce massacre,et Netanyahou a été capable d’y répondre. La violence démesurée dont j’ai été témoin n’était que le début du cauchemar qui se poursuit jusqu’à présent.

De 72 à 80% des résidents de la bande de Gaza sont des réfugiés,si bien que c’est un entrepôt pour humains excédentaires, et on voit pour la première fois, par exemple, une vague de suicides d’enfants.

J’ai interviewé le père de Salam Chemali, qui a été tué en direct. Il était à la recherche de son cousin blessé, et il a été tué.

[Documentaire] « O Dieu, ô Dieu. J’atteste qu’il n’y a d’autre Dieu que Dieu. O mon Dieu ! »

Max Blumenthal : Cela a été rapporté dans les médias internationaux, et la famille a été vraiment affectée de le découvrir, vous savez. « Notre fils a été tué et nous l’avons su parce qu’on a reçu la vidéo par e-mail ce matin, et nous n’avons su que c’était lui que parce que nous avons reconnu sa voix et ses cris. » Le père de Salam m’a dit que ses autres fils et enfants font des ‘amanat’, un terme unique qui n’a pas vraiment d’équivalent en anglais, mais cela désigne les derniers vœux du mourant.

La violence infligée aux Palestiniens est bien sûr physique, mais elle a également une composante psychologique. Les Israéliens ont menacé de bombarder l’hôpital principal, l’hôpital Al-Najah à Rafah, et tout le monde a dû en sortir précipitamment, des blessés, des gens qui avaient perdu des membres, ainsi que l’ensemble du personnel médical, et le seul endroit restant était l’hôpital koweïtien, qui n’est qu’une clinique de gynécologie-obstétrique de 20 lits au centre de la ville, complètement sous-équipée face à ce genre de désastres. Et le docteur que j’y ai rencontré, Samir Homs, m’a dit qu’il s’occupait d’amputés à même le sol et que les cadavres de son propre personnel médical étaient apportés.

Le carnage était tel qu’il a dû faire apporter des bacs à glace depuis des commerces locaux pour entreposer les corps de nourrissons. Et cette image qui a été largement diffusée de 4 bébés dans des linceuls blancs entreposés dans un bac à glace est selon moi emblématique. C’est l’image qui distille toute la sensibilité de la société israélienne à ce moment, et à quel point les vies palestiniennes n’ont aucune valeur pour eux.

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Abby Martin : Et tandis que les forces israéliennes recouraient à la doctrine Hannibal, tirant de manière indiscriminée même sur leurs propres soldats capturés, les brigades al-Qassam ont changé leurs tactiques durant les dernières années. Nous les avons vu agir assez différemment durant la guerre de 51 jours. Parlez-nous de ce qui s’est passé là-bas.Max Blumenthal : Les tactiques des brigades al-Qassam en tant que force de guérilla dans les combats face à face avec les soldats israéliens n’avaient pas été éprouvées. Toutes les forces israéliennes sous-estimaient leurs capacités. A travers les réseaux de tunnels dans le sud de Gaza, les brigades al-Qassam et le Hamas ont pu importer des armes lourdes, le genre d’armes en possession du Hezbollah au Sud-Liban : des missiles anti-tanks Kornet, des lance-roquettes, beaucoup d’AK-47, ainsi que des armes automatiques plus lourdes qui pouvaient être transportées.Mais de manière plus importante, les brigades al-Qassam ont importé les tactiques du Hezbollah, et ils ont pu recevoir un entrainement syrien, ou un entrainement syrien indirect via le Hezbollah, et elles se sont révélées très efficaces lorsque l’armée israélienne a envahi le quartier de Shuja’iya en juillet 2014. En gros, des équipes locales de combattants se placent dans des tunnels dans et autour de Shuja’iya, et attendent en embuscade les soldats israéliens qui sont initialement entrés dans des véhicules très légèrement armés, fournis par l’armée américaine, un surplus, des restes de l’ère du Vietnam. Quelques équipes de sapeurs d’al-Qassam sont parvenues à détruire ces véhicules simplement en plantant manuellement des charges dessus, des charges explosives fixées à la main, en faisant preuve de beaucoup de bravoure.

Mais je pense que l’action la plus importante qui a été réalisée à Shuja’iya fut la volonté d’affronter les troupes israéliennes à moins de 15 mètres de distance pour des durées prolongées. Pendant l’opération Plomb durci en 2008-2009, al-Qassam lançait des attaques brèves (attaquer et fuir), et ils ont appris du Hezbollah qu’il ne faut pas attaquer et prendre la fuite, mais rester et combattre, car cela neutralise les deux points forts d’Israël face à toutes les autres forces du Moyen-Orient, à savoir la force aérienne et la puissance de l’artillerie. Si vous avez des soldats engagés dans des combats face à face, vous ne pouvez pas leur apporter de soutien aérien ou d’artillerie, sinon vous les tuerez.

L’armée israélienne, la Brigade Golani, ses meilleures forces spéciales d’élite – en réalité, elles ont très peu d’expérience de combat face à des forces vraiment motivées et bien armées, je veux dire qu’elles ont plutôt l’habitude de tabasser des fermiers et des enfants qui jettent des pierres en Cisjordanie –, ont commencé à perdre des hommes à un rythme alarmant, des blessés arrivaient par dizaines, et je pense que c’est la nuit du 14 juillet, je me trompe peut-être sur la date, ils ont décidé de se retirer et de réaliser l’une des manœuvres militaires les plus lâches de l’histoire militaire moderne : ils ont effectué une retraite aussi rapide que possible dans leurs véhicules blindés vers la frontière entre Israël et Gaza, et ont déchargé ce qui correspondait à la moitié des pièces d’artillerie dans les stocks d’Israël pour raser toute la zone avec des Howitzers de 120 et 155 mm. Et c’est ce qui a causé la destruction de Shuja’iya. Ce fut en réalité la défaite, ou plutôt la défaite morale de l’armée israélienne.

L’opération la plus fameuse eut lieu à Nahal Oz. Plus tard en juillet, une équipe de combattants d’al-Qassam avec des caméras Go Pro attachées à leurs casques a attaqué une base militaire israélienne. Je pense que l’objectif était de capturer des soldats, ce qui aurait complètement bouleversé la donne, et leur aurait accordé une grande marge de manœuvre dans les négociations. Cela aurait même pu mettre fin à la guerre. Ils ont réussi à tuer presque tous les soldats qu’ils ont rencontrés. Ils n’ont perdu qu’un des membres de leur équipe, et sont parvenus à retourner au tunnel avec l’une des armes des soldats qui a été exhibée comme un trophée à la fin de la guerre.

Cette opération a eu deux effets : elle a démontré qu’attaquer des civils n’intéressait pas les brigades al-Qassam, car la base de Nahal Oz fait partie d’un kibboutz, et ils auraient pu aller tuer des civils, mais ils ont choisi de s’attaquer à des soldats. Le Commandant en chef des brigades al-Qassam Mohammad Deïf a déclaré clairement : « Nous attaquons les soldats, alors que vous faites écrouler les maisons sur les têtes de nos civils. »

Le second effet de cette opération fut d’assurer un soutien presque unanime de la société palestinienne, y compris parmi ceux qui soutiennent le Fatah à Ramallah, pour le concept de la résistance armée. Les Palestiniens ont l’habitude de voir leurs proches et leurs amis, et eux-mêmes ressentent et vivent l’humiliation infligée par les soldats israéliens, surtout s’ils vivent à Jérusalem, ou dans l’une des zones où sont les colons, et pour la première fois, ils ont vu de jeunes Palestiniens vêtus comme des commandos et infligeant une défaite cuisante à l’armée israélienne, portant le combat chez l’ennemi. Cela a eu un très fort impact dans la société palestinienne.

Actuellement, il y a beaucoup de critiques contre le Hamas, des protestations contre le Hamas dans la bande de Gaza, mais je ne connais personne qui remettrait en question l’importance du maintien d’une force de guérilla hautement militarisée pour combattre l’armée israélienne.  

[Documentaire] Le Parlement israélien a approuvé une loi qui impose des peines extrêmement sévères à quiconque jette des pierres sur des véhicules en marche. Selon cette loi, les lanceurs de pierre pourraient être condamnés à 10 ans de prison, et jusqu’à 20 ans s’il est établi qu’ils avaient l’intention de blesser sérieusement les occupants du véhicule. Selon le législateur qui a parrainé cette loi, un tiers des arrestations à Jérusalem sont liées à des jets de pierres.

Abby Martin : Le gouvernement israélien va très loin pour écraser toute résistance, la dernière mesure étant la peine de prison de 20 ans pour quiconque jette une pierre. Max, parlez-nous de la signification des pierres en Palestine, et pourquoi cette loi a été passée selon vous.

Max Blumenthal : Dans ce cas, la loi a été passée par le Parlement israélien, une loi très extrême, et les membres du parti travailliste dans l’opposition l’ont supportée, ce n’étaient pas seulement des membres de l’extrême droite qui étaient déterminés à jeter de jeunes gens en prison pour presque l’ensemble de leur vie adulte pour avoir jeté une pierre. Cela montre à quel point la société israélienne est menacée par les itérations les plus petites, les plus infimes de résistance palestinienne, même une résistance symbolique comme les pierres. Maintenant, c’est devenu un symbole de résistance qui dit aux Israéliens qu’ils ne sont pas les bienvenus. Pourquoi jeter des pierres à des soldats qui portent des gilets pare-balle et sont protégés même contre des balles de 7.62 mm ?

Les Israéliens répondent maintenant avec des mesures sans précédent. Je suis allé à l’hôpital de Ramallah en juillet, et j’ai interviewé un médecin qui m’a dit qu’il traitait des dizaines de blessures par balle aux jambes et qu’Israël avait une politique de tirer pour handicaper. Il m’a fourni des documents qui prouvaient que les soldats réprimaient les manifestations par des tirs à balles réelles dans les jambes, et non seulement ça, mais certaines balles étaient ce que les Palestiniens appellent des balles Tan-Tan, ou Dum-Dum, des balles expansives qui pénètrent profondément dans vos membres et éclatent, et vous paralysent vraiment à vie.

Cette loi qui emprisonne pour 20 ans ceux qui jettent des pierres complète une autre mesure mise en place par l’armée et la police israéliennes, et qui permet même aux policiers israéliens de tirer sur les manifestants avec des balles de calibre 22, avec des fusils Ruger. Le calibre 22 a moins de chances de tuer, et plus de chances de paralyser. Ces balles pulvérisent les os, et vrillent souvent à l’intérieur de votre corps. C’est maintenant une pratique standard, c’est la pratique standard de tirer à balles réelles sur les manifestants.

[Ministre de la justice israélienne] : Malheureusement, les Palestiniens, au lieu de faire de la bande de Gaza le Singapour du Moyen-Orient, ont choisi la voie de la terreur.

[Benyamin Netanyahou] : Ils voulaient empiler autant de morts civils que possible car quelqu’un a dit qu’ils utilisent des Palestiniens télégéniquement morts pour leur cause. Pour eux, plus ils ont de morts, mieux c’est.

[Bulletin télévisé CNN] Dans sa lettre (à Netanyahou, le membre du Likoud Moshe Feiglin) dit que « les zones habitées de Gaza seront bombardées avec une puissance de feu maximale. Toute l’infrastructure civile et militaire du Hamas… sera complètement détruite. » Et il ajoute : « Ceux qui insistent pour rester (à Gaza) devront signer une déclaration de loyauté à Israël. »

Abby Martin : Les gens seront peut-être surpris d’apprendre que Netanyahou n’est pas le plus à l’extrême droite dans le gouvernement israélien mais qu’il s’est de plus en plus déplacé vers l’extrême droite durant la dernière décennie.

Max Blumenthal : Comme je l’ai dit durant les deux dernières années, Benyamin Netanyahou se place en quelque sorte au centre de la politique israélienne. Vous savez, j’ai parlé d’une génération de jeunes Palestiniens, la génération post-Oslo et la manière dont ils ont évolué, mais à l’intérieur de la société israélienne, il y a eu un développement parallèle. La génération israélienne post-Oslo est extrêmement radicale, et n’a aucune perspective de solution à deux Etats ou de processus de paix. Leur approche à l’égard des Palestiniens est qu’il n’y a pas de partenaire pour la paix, et qu’ils ne comprennent que la force. C’est une génération qui a adopté une très forte identité juive, et une identité juive belligérante, par opposition à l’identité de la génération fondatrice d’Israël basée sur le concept de nationalisme israélien, qui était raciste mais accordait un peu de place aux Palestiniens ou aux Arabes. La sensibilité et l’identité adoptées par cette génération ne laissent aucune place à quiconque n’est pas Juif.

Cette génération est incarnée par la Ministre de la Justice actuelle, Ayelet Shaked. Cette loi dont nous avons parlé, emprisonner ceux qui jettent des pierres pour 20 ans, c’était son bébé. Elle l’a fait passer à la Knesset. Elle est jeune. Je pense qu’elle… Vous savez, elle a notre âge. Elle est très télégénique, et très populaire dans la société israélienne. Elle n’est pas un colon. Elle vient d’une ville israélienne centrale, et à plusieurs égards, elle est une sorte de candidat parachuté. Et elle est génocidaire dans son approche envers les Palestiniens. De fait, elle a appelé à un génocide durant l’opération Bordure protectrice : elle a appelé à exterminer les mères palestiniennes pour les empêcher de donner naissance à de petits serpents. Et elle est en charge du Ministère de la Justice !

Si vous regardez la direction dans laquelle va la société israélienne, vous voyez les sondages de l’Institut israélien pour la démocratie, selon lesquels la majorité des jeunes refuse de prendre place dans une salle de classe avec un Arabe ou un non-Juif, la majorité des jeunes favorise une sorte de solution d’Apartheid à un Etat, etc. En 2011, dans ce sondage, une majorité d’Israéliens a affirmé son soutien pour placer les citoyens arabes de l’Etat d’Israël dans des camps d’internement en temps de guerre. Dans un sondage récent du Times of Israel, 3/4 des nationalistes religieux israéliens affirment leur soutien pour le nettoyage ethnique total des citoyens palestiniens en Israël, les 20% d’Israël qui sont des citoyens palestiniens, et 80% affirment boycotter les commerces arabes.

Si vous regardez la direction dans laquelle va la société israélienne, vous devez conclure qu’il n’y a aucun espoir de changement venant de l’intérieur. Ceux d’entre nous à l’extérieur d’Israël qui veulent voir une issue autre qu’un conflit perpétuel ne peuvent pas œuvrer à cela depuis l’intérieur de la société israélienne, car il n’y a aucune possibilité d’y convaincre les gens. Il doit y avoir de la pression depuis l’extérieur, et la pression doit commencer ici aux Etats-Unis, car c’est Washington et le gouvernement américain qui ont financé la radicalisation en Israël. Ils ont payé pour tout ce projet. Car à chaque fois qu’Israël construit des colonies chaque fois qu’ils donnent de l’argent aux colons, chaque fois que le Ministère de l’Education amène des enfants à Hébron pour voir les colonies, chaque fois qu’ils décident d’enseigner l’Holocauste aux enfants d’école maternelle, et les poussent par la peur à une mentalité autoritaire, et à chaque fois qu’ils attaquent Gaza et obtiennent autant de temps qu’ils veulent, les Etats-Unis sont là pour financer l’ensemble du projet (sioniste) et pour les réarmer. En réalité, ils récompensent le radicalisme dans la société juive israélienne, et c’est la véritable raison, en fin de compte, de la poursuite de cette tendance.[Documentaire] Cette vidéo a été enregistrée le 29 octobre 2015 dans le camp de réfugiés d’Aida (Cisjordanie).

[Un véhicule militaire israélien avance lentement dans une voie principale à l’aube ou au crépuscule et un soldat s’adresse aux habitants par mégaphone :]

« Gens du camp d’Aida, nous sommes l’armée d’occupation. Si vous nous lancez des pierres, nous vous gazeront jusqu’à ce que vous mouriez tous, vos familles, vos enfants, vos jeunes, vos vieux, vous allez tous mourir, on ne laissera aucun d’entre vous vivant.

Nous avons arrêté l’un d’entre vous, il est avec nous, on l’a pris dans sa maison, et on le massacrera et on le tuera sous vos yeux si vous continuez à nous lancer des pierres.

Rentrez chez vous ou on vous gazera jusqu’à ce que vous mouriez, vos familles, vos enfants, tout le monde. Ecoutez-nous. Rentrez tous chez vous, ça vaut mieux pour vous. »

[Des pierres sont lancées sur le véhicule qui est touché et fait marche arrière.]

[Voix de Palestiniens qui avancent vers le véhicule :] « Approchez ! Venez donc ! »

LA PALESTINE SERA LIBÉRÉE

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