Aller à…
RSS Feed

28 mars 2024

Le Tango sioniste : un pas à droite, un pas à gauche


France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.

 

Publié par Gilles Munier sur 27 Avril 2018,

Catégories : #Sionisme, #Israël, #Gaza, #Jérusalem, #Palestine

Gidéon Lévy (vidéo en v.o  – 52’46)

Revue de presse : Information Clearing House – extraits (7/3/18)*

Intervention de Gidéon Lévy à la conférence intitulée : « Le lobby israélien et la politique américaine 2018 » organisée à Washington le 2 mars 2018, au National Press Club, juste avant la réunion annuelle de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee).

Cette conférence qui a dénoncé une fois de plus l’influence du lobby israélien aux Etats Unis, était patronnée, comme les précédentes, par le magazine Washington Report on Middle East Affairs.

Grant Smith : Je suis très heureux d’accueillir de nouveau le chroniqueur de Haaretz, Gidéon Lévy, dont les colonnes du journal appelaient les Israéliens à une plus grande empathie envers les Palestiniens (…). Son opposition verbale à la dernière grande invasion et bombardement de Gaza a eu lieu sur une toile de fond caractérisée par un large soutien du public israélien à cette opération militaire et a donné la parole à ceux qui, secrètement, étaient contre mais par prudence n’osaient le dire (…).

Il a été le lauréat avec le pasteur palestinien Mitri Rabeh, du prix Olaf Palme en 2016 pour leur combat contre l’occupation et la violence.

Gidéon Lévy : Merci, Grant. C’est ma troisième apparition ici devant ce public merveilleux et je me sens chez moi. Je ne suis plus jeune, je vieillis. Vous avez l’énergie et êtes pleins de vie et de dévouement, alors que, moi, je suis de plus en plus désespéré. Mais cela me met au défi, car, lors de ma deuxième participation, ici, j’ai commencé mon allocution avec l’inquiétude de me répéter et que, vous, vous alliez vous ennuyer à mourir, car, à la fin, je suis un chanteur et cette chanson,  vous l’avez déjà entendue.

Mais les organisateurs ont été suffisamment subtils, cette fois-ci,  pour donner un titre à mon discours qui ne me permet pas de chanter. J’ai donc introduit une autre chanson  et je ferai de mon mieux. En hébreu, il y a une expression « nous sommes venus pour être forts et nous en sommes sortis plus forts ».

« La Conférence de l’AIPAC – politiciens, journalistes- ce que j’appelle la Conférence annuelle des Trafiquants de drogues. Ils discutent  du volume de drogues à fournir à ce drogué à l’occupation qu’est Israël… »

Vous avez peut-être la clé pour un changement, pour l’espoir car l’espoir d’un changement au sein de la société israélienne est très faible. Il n’existe pas….. Jamais comme maintenant ont les Etats-Unis et Israël partagé les mêmes valeurs. Le seul endroit sur terre où Donald Trump est aimé, adoré, admiré et apprécié est Israël. Le seul endroit où Netanyahou est admiré, adoré, apprécié, aimé, ce sont les Etats-Unis. Si ces valeurs ne sont pas partagées, que sont-elles alors ?  Quelques uns de mes anciens grands amis arrivent pour  le véritable événement, la Conférence de l’AIPAC – politiciens, journalistes – ce que j’appelle la Conférence annuelle des Trafiquants de drogues. Ils discutent  du volume de drogues à fournir à ce drogué à l’occupation qu’est Israël, combien de formules  d’amitié, ils exprimeront et combien d’argent et armes, ils lui feront parvenir. Je peux vous dire qu’aux Etats-Unis, en tant qu’Israélien, nous n’avons pire ennemi que le lobby juif. Nous n’avons pas de plus grand ennemi de la justice, de la paix et de l’égalité qui ceux qui pensent que, si vous fournissez plus de drogues à un drogué, vous êtes son ami, si vous le soutenez aveuglément, et automatiquement, quoi qu’il fasse, vous êtes son ami. Non, ce ne sont pas des amis mais des ennemis (…).

Le titre de mes lectures parle de sionisme et le sionisme est l’une des deux religions d’Israël et en tant que religion, vous ne pouvez la remettre en question. La seconde religion est, de toute évidence, la religion de la sécurité. Aussi, entre le sionisme et la sécurité, quiconque en Israël ose soulever une interrogation est immédiatement perçu  comme un traître. Il est impossible de décrire ce que signifie avoir des questions à propos du sionisme. Imaginez que vous questionniez aujourd’hui l’autre religion, si vous doutiez de l’affirmation que les Forces de Défense Israéliennes ne sont pas l’armée  la plus morale  au monde – disons qu’elle est la deuxième armée – comment osez-vous ?

Nous la buvons dans le lait de notre mère (…). Il est difficile, de l’extérieur, de comprendre comment une idéologie devient une portion de notre ADN, comment elle est devenue quelque chose qui doit être considérée comme acquise et qu’il n’y pas de place pour un point d’interrogation. Je sais comment j’ai grandi. Je sais ce que j’ai pensé de ceux qui, rares, rares, très rares, assuraient n’être pas sionistes ou, Dieu me garde, pas antisionistes. Ils étaient le diable mêmes, ils étaient juifs et israéliens.

Je n’ai pas souvenance d’une idéologie si totalitaire, si sainte, si bénie, que vous n’ayez  le droit de douter ou d’interroger – rien. Ni à propos du passé, de l’avenir, même du présent- rien (…) Vous ne faites pas partie de la société. Allez à Damas, allez à Gaza. Ne restez pas ici.

« Shimon Peres, qui ne cessait de parler de mettre fin à l’occupation, de dire qu’il n’était pas démocratique qu’un peuple en gouverne un autre… mais en fin de compte, Shimon Peres, prix Nobel de la Paix, est le père fondateur du projet des colonies… »

Ce qui me conduit au titre, parce que, si le sionisme est en jeu, nous devons faire face à la réalité, il n’y a aucune différence, en Israël, entre la droite et la gauche. Quand il s’agit de l’occupation qui fait partie intégrante du sionisme, il n’y a aucune réelle différence entre la gauche et la droite. Quand j’évoque la gauche et la droite, je veux dire cette prétendue gauche sioniste, travaillistes et autres, et l’extrême droite. La différence n’est que rhétorique (…) en fin  de compte, quand vous portez un jugement sur la  vraie politique, pas la rhétorique, vous constatez que la gauche et les travaillistes pratiquent une rhétorique commune beaucoup plus sympathique que les péchés que j’ai commis.

L’un de ceux-ci est d’avoir travaillé quatre ans avec Shimon Peres, qui ne cessait de parler de mettre fin à l’occupation, de dire qu’il n’était pas démocratique qu’un peuple en gouverne un autre. De belles idées que Benyamin Netanyahou et autres extrémistes de droite n’auraient pas prononcées ; mais en fin de compte, Shimon Peres, prix Nobel de la Paix, est le père fondateur du projet des colonies. Aussi, cette gentille rhétorique nous permet de donner à Israël un visage agréable avec les mêmes, mêmes crimes.

(…) Comme vous devez le savoir, l’occupation ne figure pas à l’ordre du jour. C’est l’une de ces choses, comme la pluie, le soleil, la force majeure ; quelque chose comme ça, mais moins. Car personne n’imagine que l’on puisse changer, cela ne nous bouleverse  pas, c’est la vérité. Cela se passe à une demi-heure de chez nous, qui en parle, qui s’en soucie ?

Pourtant, les crimes sont quotidiens, vraiment quotidiens. Les medias ne les mentionnent pas, et s’ils le font, c’est toujours selon une narration sioniste. Un terroriste de 12 ans, une fillette de 14 ans avec des ciseaux est une menace existentielle pour Israël. Une adolescente qui frappe un soldat mérite l’emprisonnement à vie, pas moins, une fille dont le cousin, une heure auparavant, a reçu une balle dans la tête des soldats israéliens, à 50 mètres de chez elle,  Maintenant, l’armée prétend que l’incident a été fabriqué. Quand Israël ose, ose prétendre que la blessure de cet enfant, Mohamed Tamimi, que j’ai rencontré quelques jours plus tard, qui a perdu la moitié de son cerveau, est une blessure fabriquée, alors vous vous apercevez qu’Israël est totalement désespéré. Si Israël a besoin de ce type de propagande, s’il s’abaisse en niant les tirs sur un enfant de 15 ans et affirme qu’il est tombé de bicyclette, vous comprenez que les choses empirent. Il y a peut-être un espoir pour un nouveau départ, mais pour l’instant, on en est loin.

Tout cela flotte au-dessus de la société israélienne comme si rien ne s’était passé. Je ne peux concevoir une société où le déni soit si généralisé, incluant tant la gauche que la droite, à l’exception des militants d’extrême-gauche. (….) Ils ne sont pas nombreux et totalement délégitimisés. Aussi,  quand je dis gauche, c’est la gauche travailliste ;  Yeshuati, la nouvelle promesse politique israélienne, peut-être, prochain premier ministre, Yair Lapid et le reste. Ils sont encore pires que l’extrême-droite, car ils se sentent bien dans leur peau, ils sont si humains, universels, avec un tel sens moral. L’extrême-droite au moins ne se cache pas. Oui, nous sommes des fascistes, disent-ils. Quel mal y-a-t-il ? Nous sommes juifs et avons le droit de l’être, car nous sommes le peuple élu, nous en avons le droit et personne ne peut nous dire ce que nous devons faire.

Quand arrive le tour du centre gauche, comme on l’’appelle (…), ce qu’il leur reste à faire est de gauche. (…) Vous vous sentez si bien avec vous-mêmes, vous n’êtes pas des fascistes, vous n’êtes pas de ces nationalistes racistes, vous êtes progressistes. Mais l’occupation doit se poursuivre et l’enfant, Ahmad Tamimi, doit rester en prison pour toujours et les crimes doivent continuer car nous n’avons pas d’autre option, ce qui m’amène à l’ensemble de valeurs qui, pour moi, constitue le noyau de la société israélienne, actuellement, trois ou quatre ensemble de valeurs, qui expliquent tout selon moi.

« Je ne me souviens pas d’une occupation où l’occupant se soit présenté comme une victime, pas seulement une victime mais la seule… Golda Meir, je la cite, avait dit que nous ne pardonnerons jamais aux Arabes de nous obliger à tuer leurs enfants… » 

La première, bien enracinée, admettons-le, est que nous sommes le peuple élu. Séculiers et religieux y croient même s’ils ne le reconnaissent pas.  Son application est simple : si nous le sommes, qui va nous dire ce que nous devons faire ? Qui êtes-vous ? Quelle est cette communauté internationale qui nous dira ce qu’Israël doit faire ? Le droit international, chose  merveilleuse qui ne s’applique pas à nous, qui s’applique ailleurs, pas à Israël, peuple élu. Vous ne comprenez pas ?

88% des demandeurs d’asile sont des Erythréens, reconnus comme réfugiés en Europe. Combien en Israël ? Moins de 1%, pourquoi ? Parce que nous sommes un cas spécial, vous ne vous attendez pas à ce que nous en absorbions 40 000 ? Nous ne pouvons, nous sommes le peuple élu et n’avons pas besoin de le prouver.

La deuxième, toujours bien ancrée, est que « nous sommes des victimes », pas seulement des victimes importantes, mais les seules victimes. J’ai en tête de nombreuses occupations, plus longues que celle d’Israël, plus brutales, même s’il devient de plus en plus ardu d’être plus brutale que l’occupation israélienne. Je ne me souviens pas d’une occupation où l’occupant se soit présenté comme une victime, pas seulement une victime mais la seule (…). Golda Meir, je la cite, avait dit que nous ne pardonnerons jamais aux Arabes de nous obliger à tuer leurs enfants. Nous sommes les victimes et sommes obligés de les massacrer – pauvres de nous- . En tant que victime et seule victime de l’histoire, nous avons le droit de faire ce que nous voulons (…).

Vient la troisième conviction, si profondément ancrée, qu’elle en est devenue un credo, encore une fois nié. Mais si vous grattez sous la peau de tout un chacun en Israël, vous la trouverez. Les Palestiniens ne sont pas des êtres humains comme nous. Ils ne sont pas comme nous. Ils n’aiment pas leurs enfants comme nous. Ils n’aiment pas la vie comme nous. Ils sont nés pour tuer. Ils sont cruels. Ils sont sadiques. Ils n’ont pas de valeur, pas de manières. Regardez comme ils nous tuent. Cela est très profondément installé dans la société israélienne et c’est là, peut-être, la question essentielle, car aussi longtemps qu’elle persistera, rien ne changera.  Aussi longtemps que la majorité des Israéliens ne percevra pas les Palestiniens comme des êtres humains à part entière – nous sommes tellement meilleurs qu’eux – nous sommes si développés, nous sommes si humains, plus qu’eux. (…) Vous avez donc une société convaincue de sa justice, avec peu d’interrogations. Quiconque ose soulever une question de manière systématique est immédiatement gommé, démoli. C’est incroyable comme ce  mécanisme fonctionne en Israël.

« La société israélienne, surtout ces dernières années, a l’intention ferme d’écraser toute critique qu’elle soit interne comme externe, à travers sa législation, ses campagnes, la presse. Et ce n’est que le commencement… » 

Nous parlons ici de l’efficacité du lobby juif, ainsi appelé en Israël Breaking the Silence (Brisons le silence). Pendant des années, nous avons rêvé du jour où les soldats se lèveront pour dire la vérité, pas Gidéon Lévy, le menteur, le traître qui vous raconte toutes sortes d’histoire sur les crimes israéliens. Non. Des soldats qui ont commis des crimes, viendront en témoigner. Voici. Plus de 1000 témoignages de soldats qui, avec courage, ont apporté leur version de ce qu’ils faisaient, depuis des années, dans les territoires occupés. Dans une société saine, cela eut été un raz-de-marée, une tempête. Nos fils ? Comment cela se fait-il ? Rien. Breaking the Silence a été aussitôt délégitimisé par le système politique avec la collaboration habituelle des médias. Je crains  que cette organisation ne soit totalement écrasée, mais c’est juste un exemple.

La société israélienne, surtout ces dernières années, a l’intention ferme d’écraser toute critique qu’elle soit interne comme externe, à travers sa législation, ses campagnes, la presse. Et ce n’est que le commencement. De cette manière, je peux dire qu’il y a une légère différence entre la soit disant gauche et la droite  car la première a un semblant d’engagement, au moins envers la démocratie pour les juifs, puisque, comme vous devez le savoir, Israël est le seul endroit au monde où il y a trois régimes.

L’un est la prétendue démocratie pour les citoyens juifs, qui, malgré ses failles, fonctionne toujours. J’ai une totale liberté en Israël, cela doit être dit, ici. J’écris ce que je veux, j’apparais à la télévision, je ne peux accuser que l’on me fasse taire, sauf les gens dans la rue qui n’aiment pas me voir, me crachent dessus, me menacent. Mais, au bout du compte, cette liberté que je n’estime pas acquise et ne durera pas, elle est là. Voilà le premier régime sur le devant de la scène.

« l’occupation militaire des territoires occupés est aujourd’hui, la tyrannie la plus brutale et la plus cruelle dans le monde… »

Puis vient le second régime : un régime très discriminatoire envers les Palestiniens. Les Palestiniens de « 48 », citoyens israéliens, 20% de la population, qui sont discriminés de toutes les manières, même s’ils possèdent des droits civils égaux. Ils peuvent voter, sont éligibles, ils peuvent  être élus, on peut voter pour eux.

Le troisième régime que, de toute évidence, Israël veut dissimuler est l’occupation militaire, le régime militaire des territoires occupés. Je me permets de dire ici que, sans doute aucun, il est la tyrannie la plus brutale, la cruelle de la terre. Pas moins que cela. Je le répète. – l’occupation militaire des territoires occupés est aujourd’hui, la tyrannie la plus brutale et la plus cruelle dans le monde. Comment peut-on affirmer qu’Israël est la seule démocratie au Moyen-Orient quand, dans son arrière-cour, il existe une tyrannie des plus  cruelles et brutales ? Comment pouvez-vous être à moitié démocratique ? Comment pouvez-vous être à moitié enceinte ? Pouvez-vous être démocratique en façade et une tyrannie, en coulisse ?

Se présente alors le mensonge que nous devons combattre, que tout est temporaire. Non, mes amis, le temporaire n’a jamais été envisagé. Ce n’est pas temporaire, et ne sera pas temporaire si cela dépend d’Israël. Il n’y a jamais  eu aucun homme d’Etat israélien, ayant un poste important et influent, premier ministre ou autre, qui ait véritablement cherché à terminer l’occupation- aucun. Certains voulaient gagner du temps afin de consolider l’occupation. D’autres encore cherchaient à gagner du temps grâce à des accords intérimaires simplement pour gagner du temps. D’autres aussi voulaient être reconnus dans le monde, être étreints comme des hommes de paix. Mais aucun d’eux n’avait l’intention d’en finir avec l’occupation. Comment le savez-vous ? Je ne sais pas ce qui est dans leurs cœurs ; je ne sais qu’une chose, à savoir qu’Israël n’a eu de cesse d’établir des colonies. Si on construit une maison dans les territoires occupés, on n’a pas l’intention de  mettre fin à cette occupation et ces bluffs doivent cessés.

*Source (version originale) : Information Clearing House

Traduction et Synthèse : Xavière Jardez

Conférence «« Le lobby israélien et la politique américaine 2018 » : Les interventions sur You Tube

Article de Gidéon Lévy sur France-Irak Actualité:

Gideon Lévy : « Ahed Tamimi est une héroïne, une héroïne palestinienne»

Israël : Apartheid et Démocratie

Jérusalem, capitale de l’apartheid, attend l’insurrection

Partager

Plus d’histoires deGAZA