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Népotisme, corruption, sénilité… L’Algérie, pays des leurres politiques

Publié par Gilles Munier sur 6 Juillet 2018, 07:22am

Catégories : #Algérie, #Tunisie, #Maroc, #Macron

Par Bachir Djaider (revue de presse : Le Matin d’Algérie – 3/7/18)*

Plus on s’intéresse à la politique de l’Algérie, plus on s’aperçoit que le mal est profond. Plus on creuse, plus le mur des fondations contemporaines apparaît pourri, plus la racine du mal qui les ronge recule toujours plus profond et toujours plus loin. On a beau zappé la chaîne de la corruption, on se retrouve à celle de la « fornication » et de la cocaïne.

Ces véritables leurres sont souvent agités par le pouvoir politique pour résoudre les contradictions entre les projets qu’il veut imposer et les choix de la société, souvent occultes. On cherche la stabilité dans l’instabilité et le confort dans l’inconfort. Devant l’ambivalence du discours politique, les gouvernés n’ont d’autres choix que de faire le zapping permanent du politique. De Gaulle disait que la vieillesse est un naufrage, mais en Algérie, le club du troisième âge n’accorde pas crédit à la sénilité.

Le bâton de la vieillesse est rangé au fond des caves pour une deuxième vie, s’il en existe ! Le poids des âges n’a nullement effréné la fringale du trône, et à en croire leur ambition, ces personnes cacochymes se prennent pour des Highlanders. Penseraient-ils que leur requiem ne se chanterait jamais ? La sénescence exhale un remugle de chancissure.

Ceux qui nous gouvernent font litière des revendications émanant de ce qu’ils considèrent comme la lie de l’humanité. On ne peut adhérer au credo politique véhiculé par une poignée d’affabulateurs s’adjugeant toutes les richesses du pays au nom de la légitimité historique. Les caisses de l’État sont vidées jusqu’au trognon. Le nationalisme factice et le patriotisme postiche sont anachroniques. Vous parlez de changement! Lequel ? Un changement de caméléon.

Les discours captieux ne panseront pas les plaies, ne consoleront pas les damnés de cette patrie. Répéter à satiété leur lugubre ritournelle tend à la dérision, débitant une tirade à vriller les tympans. Et quand le radotage et les harangues farfelues ne tiennent pas la route, le discours vire en prêchi-prêcha. Moraliser le peuple au nom de la révolution, au nom des martyres et, par-dessus tout, l’unité nationale.

C’est un crime de lèse-majesté que de s’attaquer au deus ex machina. Toute honte bue, ils ne reculent devant rien pour gonfler leurs comptes bancaires, qui sont au bord de l’éclatement. Mettre son âme et son honneur à l’encan sans vergogne.

Le branle-bas de combat à l’approche des présidentielles de 2019 décontenance ceux qui ne connaissent pas la vraie image de l’Algérie. Des candidatures burlesques et des mises en scène qui ne servent qu’à combler le vide démocratique. La simplification abusive des maux qui secouent l’Algérie n’est que pure démagogie. Dans ce chaos qui ne dit pas son nom, l’Algérie risque de finir sur la chaussée. Corruption popularisée, fuite des cerveaux, dépendance chronique des hydrocarbures, banalisation de la violence…Des ingrédients qui renseignent sur la mauvaise santé d’un pays qui navigue à vue.

Tout le monde l’aura remarqué, dans la presse, ils sont presque tous «anti-système », mais derrière le rideau, ils appartiennent tous à la même secte. Tout ce beau monde n’hésite pas de cracher dans la soupe alors même que la quasi-totalité l’ont mangée et la mangent, (certains avec goinfrerie), depuis leur première crise d’acné.

Ce leurre, qui a poussé longtemps le bas peuple à croire que les lendemains chanteraient, que la corruption s’éclipserait, la croissance y reviendrait, le chômage y reculerait…Mais, que dalle ! Les prédictions du pouvoir en place sont déphasées. Et pour cause. La jeunesse brade la mer au péril de leurs vies, la corruption est à son apogée, l’inflation est galopante, le tissu social est lacéré, des projets budgétivores sans fin…L’Algérie accuse un retard criant en termes de compétitivité dupliquée d’un déphasage ahurissant par rapport au monde moderne qui ne cesse de se métamorphoser.

Dans cette Algérie qui s’est intégralement organisée autour du culte de l’argent et dans lequel le vrai pouvoir est donc d’abord économique, les gestionnaires et bénéficiaires de la gigantesque pompe à fric ont besoin de marionnettes serviles pour manipuler les troupeaux : la classe politique. C’est simple à comprendre : grâce à ces derniers, ils ont toutes les clefs du pouvoir : Aucun ministère ne leur échappe. Leur influence est omniprésente, ils ont le beurre, l’argent du beurre. En grosso modo, ceux qui détiennent le commandement sont ceux qui détiennent l’argent.

Dans le cas où des velléités de rébellion se font sentir ou se mettent à prendre forme, la puissance de l’argent vient poser un verrou de sécurité complémentaire pour rendre aléatoire toute tentative de déstabiliser le régime en place. Et pour les plus faibles et les « brebis égarées » comme aiment les appelées les gardiens du sérail, la prison saura les mâter pour ne plus cracher dans la soupe. La thèse de la manipulation est systématiquement accompagnée d’une délégitimation des demandes de la rue.

Et quand vint la campagne électorale, l’antagonisme de facette n’est qu’un secret de polichinelle. Radoter les mêmes rengaines devant un parterre d’auditoires amorphes où les rencontres ressemblent beaucoup plus à une orgie de bobards. Ils ne font que rebattre les oreilles de l’assistance avec leur histoire d’un avenir meilleur et des slogans caducs. Un univers réduit à la cacophonie. Tout ce charivari n’est qu’un blanchiment d’idées visant à jeter de la poudre aux yeux, faisant croire que tout roulent sur des roulettes et rien ne peut chambarder la stabilité du pays.

La monotonie des discours en fredonnant la même chansonnette depuis belle lurette, et qui crève les tympans. Le citoyen lambda ne prête plus l’oreille, étant donné qu’il en a par-dessus la tête. À trop vouloir répondre au désespoir provoqué par les inégalités par une redistribution clientéliste de logements sociaux ou par le subventionnement de produits importés qui, in fine, ne profitent qu’aux spéculateurs, la marmite risque d’exploser un jour ou l’autre. L’irrationalité économique d’un État rentier qui, en finançant des contrats de première embauche à hauteur de 50 euros par mois, ne fait qu’immobiliser les jeunes diplômés.

Renouveler derechef cette cascade de couacs, échaudée par la déconfiture managériale et ébranlée par de retentissants fiascos judiciaires équivaudrait à un retour au totalitarisme absolu. Et la boucle est bouclée ! Sommes-nous voués à la damnation ? Pouvions-nous échapper à l’autocratie version infernale ? Se claquemurer dans la bulle Algérie ne fera qu’accentuer l’anomie et l’individualisme. La méthode Coué serait la panacée aux multiples dysfonctionnements gangrénant la vie politique en Algérie. L’entretien du mythe citoyen modèle comme l’entendent nos politiciens, obtempérant au doigt et à l’œil sans montrer le moindre agacement quant aux exigences du maître.

Faire partie de la famille des « Bni oui-oui » ouvrirait des portes aux novices. Il suffirait de montrer sa carte d’adhésion pour que le génie de la lampe d’Aladin exauce les vœux. Nul besoin d’être un modèle de stakhanovisme, où le fruit du travail est récompensé à sa juste valeur.

Prononcer des philippiques contre des politiciens au service du roi est passible de lourdes peines, sans parler des préjudices moraux et physiques. Dans un système fonctionnant à la bouée de sauvetage, le petit peuple est considéré comme le bas-fond de l’humanité. Le monde lilliputien auquel appartiennent des écuyers au service du roi ne fait qu’avachir davantage les professionnels de la paresse. Le fauteuil est si doux qu’il prolonge le farniente. Il est grand temps de rompre avec la politique politicienne, car le mirage politique s’égaillera d’un jour à l’autre.

La longévité au pouvoir de ces personnes vieilles comme Mathusalem a chaviré le bateau Algérie, et à ce rythme, il coulera en plein océan. Un vieux dicton dit que : « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait », c’est valable sous d’autres cieux, mais en Algérie, on peut inverser la donne est dire : « Si jeunesse pouvait, si vieillesse savait ».

Bachir Djaider est journaliste et écrivain

*Source : Le Matin d’Algérie

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