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24 avril 2024

Tariq Ramadan a toujours hurlé avec les loups


J

C’est bien pour cela que je ne le soutiendrais jamais car il a hurlé avec les loups
Ginette

Le régime de Kadhafi est en train de s’effondrer. Personne ne sait exactement quand ni dans quel état – vivant ou mort – il sera trouvé. Mais la partie est finie. La Libye est à présent en train de tourner une sombre page de sa récente histoire. Le régime libyen était brutal et impitoyable envers ses opposants. Torture et exécutions sommaires ont reflété l’excentricité, la folie, ainsi que l’intelligence de Kadhafi. Le peuple libyen était assoiffé de liberté ; il a suivi les traces des Tunisiens et des Égyptiens. Nous devons rendre hommage à son courage, à son engagement, ainsi qu’à sa détermination. Personne n’aurait imaginé que Kadhafi partirait avant sa mort, car son comportement était si imprévisible qu’il aurait réprimé et tué sans une once de considération pour les conséquences. La fin de son règne fut plus aisée que prévu.

Pourtant, il faut se poser certaines questions essentielles. Contrairement à la Tunisie et à Égypte et leurs mobilisations non violentes, en Libye le mouvement de masse s’est transformé en guerre civile totale avec des armes lourdes utilisées par les deux côtés. L’OTAN, qui a d’abord justifié son engagement en prétendant protéger les civils, a aidé la résistance à gagner des combats sur le terrain. Nous savons que les agents de renseignements américains et européens ont conseillé les opposants sur le plan militaire quant à la meilleure stratégie à adopter pour renverser Kadhafi et ses fils. Cela s’est passé après que la France, suivie par trente pays, a officiellement reconnu le Conseil National de Transition en tant que représentant légitime du nouvel Etat libyen. Ce Conseil, présidé par d’anciens membres du régime, a à trois reprises annoncé de manière erronée qu’il avait arrêté les fils de Kadhafi. Dès lors, la question est la suivante : Comment a-t-on pu accepter de faire confiance aussi rapidement à un Conseil si curieux alors que tous les signes montrent qu’il s’agit d’un groupe de personnes et de visions très contradictoires ?

Il se peut effectivement que de sombres nuits soient derrière nous, mais qui peut prévoir de futurs jours ensoleillés ? La Libye est un pays riche et stratégique. L’intervention étrangère n’est pas un hasard. Qui contrôlera sa richesse, comment sera-t-elle utilisée et/ou répartie parmi les compagnies pétrolières occidentales transnationales (au lieu qu’elle ne le soit par le gouvernement chinois, qui avait des contrats avec la Libye et s’est opposé à la guerre) ? Pouvons-nous espérer un processus démocratique véritable et transparent ? Rien n’est moins sûr et rien n’est garanti, car il demeure difficile d’évaluer le niveau d’autonomie des forces d’opposition. La Libye a été contrôlée par un dictateur imprévisible et pourrait demeurer sous contrôle, exercé au moyen d’une pseudo démocratie non transparente. Notre joie de voir tomber le dictateur ne doit pas venir à bout de notre prudence quant à ce qui se prépare pour la Libye. Notre devoir moral est d’être aux côtés de ceux qui revendiquent la liberté sous un régime démocratique qui exerce un contrôle total sur les richesses du pays. En Libye, la partie est loin d’être finie.

Et en Syrie, elle n’est pas finie non plus. Plus de 2500 personnes ont à ce jour déjà été tuées par le régime de Bachar al-Assad, qui est en train de montrer son vrai visage. Parmi les victimes figurent des adolescents, des femmes et même des réfugiés palestiniens. En empêchant les médias internationaux de couvrir les événements et en étouffant la parole, le régime pensait qu’il serait capable de réprimer en silence. Sans alliés occidentaux, sans l’OTAN, sans “communauté internationale” et sans armes, les Syriens continuent de dire “Non ! Nous n’abandonnerons pas !”, et jour après jour ils manifestent et protestent. Jour après jour, ils ont été tués, les mains dépourvues d’armes, la poitrine innocente en avant. Nous ne devrions pas être naïfs concernant le mouvement d’opposition : il demeure un mélange étrange de forces et d’intérêts politiques (comme ceux qui se sont réunis en Turquie afin d’organiser et de coordonner la résistance). Néanmoins, il est de notre devoir moral, également, de dire à nos gouvernements occidentaux d’arrêter de supporter la démocratie du seul bout des lèvres, de ne pas attendre six mois avant de demander à Bachar al-Assad de partir. Six mois de bavardages, n’ayant abouti à aucun résultat. Il aurait été possible d’isoler le pays de manière efficace sans option militaire. Les pouvoirs occidentaux n’ont rien fait alors qu’il est consternant d’entendre le président vénézuélien Hugo Chavez appeler Bachar al-Assad “un humaniste, un frère”.

Nous devons rendre hommage au courage des Syriens, nos sœurs et frères en humanité. Leur mouvement non violent l’emportera, mais bien d’autres Syriens mourront en cours de route. Le mouvement de non violence syrien nous demande, en ce mois de Ramadan, de prier le 28 août pour les disparus et les morts. Prions et joignons-nous avec d’autres personnes dotées de conscience, croyantes ou non croyantes, au souvenir du sort de peuples innocents qui luttent pour leur liberté et leur dignité. Soyons dignes nous-mêmes en tant qu’êtres humains vivants en apportant notre soutien à la dignité de leurs morts.

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