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26 novembre 2024

Les échanges israélo-marocains ? Un secret de Polichinelle qui se répand


 

France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.

Publié par Gilles Munier sur 12 Novembre 2018,

Catégories : #Maroc, #Algérie, #Sionisme, #Jérusalem, #Macron, #Palestine

 

Les deux pays n’ont peut-être pas de relations diplomatiques officielles mais cela n’a pas empêché les échanges à hauteur de 149 millions de dollars au cours des dernières années.

Par Sebastien Shehadi (revue de presse : Middle East Eye – 6/11/18)*

Les échanges israélo-marocains « secrets » le sont de moins en moins, en dépit du fait que le Maroc n’a aucune relation officielle avec Israël et que, dans le pays, une opposition politique se développe contre le renforcement des liens avec Israël.

Les récentes divergences statistiques constituent un bon début. Bien que les données officielles des échanges commerciaux du Maroc n’aient jamais mentionné Israël, les archives israéliennes font état de 37 millions de dollars d’échanges avec le Maroc en 2017, selon les données publiées par le Bureau central israélien des statistiques cette année.

Cela signifie que, sur les 22 partenaires commerciaux africains d’Israël, le Maroc figure parmi les quatre premiers pays en termes d’importations, et au neuvième rang des exportations, selon le Bureau central des statistiques. Cependant, avec 149 millions de dollars d’échanges commerciaux entre 2014 et 2017, ce partenariat n’est pas nouveau.

Le premier investissement étranger déclaré d’Israël dans le monde arabe est plus inhabituel : le géant israélien de la technologie agricole Netafim a créé une filiale pour 2,9 millions de dollars au Maroc l’année dernière, créant ainsi dix-sept emplois, selon fDi Markets, un service de données du Financial Times qui surveille les investissements de création transfrontaliers dans le monde entier depuis 2003. L’investissement de création désigne une entreprise établissant ses opérations dans un pays étranger à partir de zéro.

Cette évolution pourrait s’inscrire dans les tendances régionales plus larges. Les relations israélo-arabes s’améliorent, d’une part en raison de l’alliance de plus en plus forte contre l’Iran. La récente visite à Oman de Benyamin Nentanyaou, le Premier ministre israélien, illustre parfaitement ce réchauffement.

Des liens de longue date

L’investissement de Netafim est l’exemple le plus visible des liens économiques de longue date et « secrets » entre Israël et le Maroc, deux pays qui ont toujours entretenu des relations chaleureuses par rapport aux autres relations israélo-arabes.

Cependant, l’opposition de l’opinion publique, au Maroc, contre la normalisation avec Israël contribue à garder ces liens secrets.

Par exemple, en 2016, les ministres ont démenti tout lien commercial ou d’investissement avec Israël. Mohamed Abbou, alors responsable du commerce extérieur au ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Économie numérique, avait déclaré au Parlement : « Le Maroc n’a pas de relations commerciales avec cette entité [Israël] et est désireux de lutter contre l’entrée de tous les produits israéliens au Maroc. »

« Le gouvernement n’a jamais accordé de licence à quiconque pour importer des dattes ou d’autres produits israéliens », avait-t-il ajouté.

Ceci en dépit du fait que la société israélienne Netafim opère au Maroc depuis au moins 1994 par l’intermédiaire de sa filiale Regafim. Aujourd’hui, sous son propre nom, sa page Facebook marocaine compte actuellement plus de 26 000 mentions « j’aime ».

Fondé sur un kibboutz israélien en 1965, Netafim est le leader mondial des systèmes d’irrigation par goutte-à-goutte, une technologie dont elle fut pionnière. Selon son site Web, la société emploie 4 300 personnes et fournit des équipements et des services à des clients dans plus de 110 pays.

En février, la société a vendu 80 % de ses actions à Mexichem, un groupe mexicain de produits pétrochimiques, pour 1,5 milliard de dollars. Le kibboutz Hatzerim en conserve 20 % et le siège de Netafim reste en Israël.

« L’ouverture de la nouvelle filiale [au Maroc] fait partie de la croissance du marché et de notre volonté d’améliorer la qualité de notre service et de notre assistance à nos clients et partenaires au Maroc », explique Shavit Dahan, directeur de Netafim pour l’Afrique du Nord et de l’Ouest, à la Chambre de commerce France-Israël. La société a refusé de donner suite à nos sollicitations sur son investissement au Maroc.

La visibilité évidente de l’investissement de Netafim est inhabituelle dans la mesure où la plupart des échanges israélo-marocains semblent se dérouler en sous-main.

« Les relations économiques sont souvent difficiles à prouver, car les accords de commerce et d’investissement sont soit maintenus secrets, soit menés par des intermédiaires », note Bruce Maddy-Weitzman, expert en relations israélo-marocaines à l’université de Tel Aviv.

La Chambre de commerce France-Israël a noté l’année dernière que « de nombreuses entreprises marocaines et israéliennes recourent à des canaux commerciaux de plus en plus complexes… Les médias israéliens signalent régulièrement la signature d’accords commerciaux, de transactions financières ou de programmes de coopération avec les autorités gouvernementales ou le secteur privé… L’expérience israélo-marocaine la plus visible est celle de Netafim ».

Des liens historiques

Bien que les autorités marocaines minimisent tout lien, les liens commerciaux dans l’agriculture, l’armée et la technologie existent depuis des décennies, rappelle Ghafar, de même que les liens culturels et entre les peuples, relève Bruce Maddy-Weitzman.

Un quart de million de juifs vivaient autrefois au Maroc, qui abrite toujours la plus grande communauté juive du monde arabe. Bien qu’il n’en reste qu’environ 2 000 aujourd’hui, l’importante population de juifs marocains constitue un lien naturel entre les deux pays, affirme Bruce Maddy-Weitzman, expert en relations israélo-marocaines à l’Université de Tel Aviv. Les Marocains, ajoute-t-il, participent fréquemment aux foires agricoles high-tech israéliennes et des milliers de touristes israéliens visitent le Maroc chaque année.

Selon Claire Spencer, directrice du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord de Chatham House, « le Maroc valorise ses relations juives internationales. Il doit être le seul État arabe à avoir un ambassadeur itinérant pour les affaires juives, Serge Berdugo, et mentionne spécifiquement son héritage “hébreu” dans la Constitution révisée de 2011. »

Elle souligne également la montée en puissance de politiciens israéliens et de chefs d’entreprise d’origine marocaine, tels que Avi Gabbay, chef du parti travailliste israélien.

Cependant, les politiques marocains restent divisés sur leurs relations avec Israël. Les éléments nationalistes, conservateurs et islamistes arabes du pays – tels que le Parti de la justice et du développement (PJD), qui dirige le gouvernement – désapprouvent vivement ces relations, principalement encouragées par le roi Mohammed VI et ses conseillers. Plus tôt cette année, le prince héritier Moulay Hassan aurait reçu un Gulfstream G650 équipé de technologies israéliennes d’une valeur de vingt millions de dollars.

En effet, la présence de Netafim au Maroc a provoqué une manifestation de petite envergure lors d’un salon agricole à Rabat, en octobre 2017, au cours de laquelle quatre membres du BDS – le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre l’occupation israélienne de la Palestine – ont été arrêtés après avoir manifesté pacifiquement contre la présence de l’entreprise au salon et au Maroc. Exactement un an plus tard, les manifestants sont revenus au salon, ce qui a obligé Netafim à se retirer de la manifestation.

Les relations entre le Maroc et Israël ont été une source de discorde croissante au Maroc ces dernières années. En 2014, au moment de l’attaque israélienne sur la bande de Gaza qui a fait plus de 2 200 morts, cinq partis politiques ont réclamé un projet de loi criminalisant la « normalisation avec Israël ».

Les membres du Parlement marocain n’ayant pas encore adopté la loi, ils ont appelé à la réactivation de ce projet de loi après l’annonce du président américain Donald Trump de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem en décembre dernier.

La complexité et les divisions entourant les relations entre les deux pays étaient évidentes alors même que le bâtiment de l’ambassade des États-Unis a ouvert ses portes à Jérusalem en mai. Environ 10 000 Marocains ont manifesté à Casablanca fin mai à la suite de l’ouverture de l’ambassade et de la répression exercée par l’armée israélienne contre les manifestations à Gaza qui ont fait de nombreuses victimes.

Deux semaines plus tard, une délégation d’hommes d’affaires marocains et d’autres se sont rendus en Israël pour rencontrer des députés à la Knesset et d’autres responsables.

« Jusqu’à l’incident de Jérusalem, les échanges et les relations commerciales entre Israël et le Maroc étaient une question de discrétion », relève Claire Spencer. Désormais, ajoute-t-elle, ils sont confrontés à une interdiction pure et simple.

*Source : Middle Est Eye (en français)

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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