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10 octobre 2024

3 mois d’enfermement en rétention : 2019 marque un tournant dans la répression des personnes étrangères


LA CIMADE

2 janvier 2019

Du 2 janvier au 1er avril 2019, La Cimade témoigne quotidiennement de la nouvelle durée de rétention. Pendant 90 jours, depuis l’intérieur des centres de rétention, une chronique de la honte se déroule via un fil Twitter : #3MoisDerrièreLesBarbelés

Le 2 janvier 2019, la durée maximale d’enfermement en rétention des personnes étrangères a doublé. L’administration a désormais 90 jours, contre 45 auparavant, pour expulser du territoire les personnes privées de liberté dans les centres de rétention administrative (CRA). Cette disposition de la loi Asile et Immigration, très controversée jusqu’au sein des rangs de la majorité présidentielle, marque un tournant répressif sans précédent.

Pas moins de 50 000 personnes subissent la privation de liberté en rétention chaque année en France ; elles sont désormais menacées de trois mois d’enfermement sans avoir commis aucun délit. Les familles avec enfants sont également concernées. Ceci dans un contexte où le nombre de personnes emmenées de force dans ces prisons qui ne disent pas leur nom explose[1]. Un contexte marqué par un niveau de tensions, de violences, de violations des droits que les intervenant·e·s en rétention n’avaient jamais constatées auparavant. Les traumatismes que cette violence institutionnelle implique seront considérablement amplifiés par cette nouvelle durée délétère.

Les chiffres démentent le gouvernement : une rétention plus longue n’a jamais permis d’expulser plus. Mais la France banalise désormais la privation de liberté sous prétexte de faux arguments d’efficacité.

Ce doublement de la durée maximale de rétention a été voté sans prendre en compte l’analyse des organisations non gouvernementales ou des autorités administratives indépendantes pourtant unanimement critiques[2], sans prendre en considération les éléments objectifs à disposition, et sans évaluation sérieuse. Elle est dictée par l’obsession de dissuader les personnes étrangères, de réprimer plutôt que de protéger. Cette politique revendique une amélioration du taux d’expulsion des personnes étrangères visées par une mesure d’éloignement, sans tirer aucune leçon du passé :

  • entre 1981 et 2011, la durée maximale de rétention est passée de 7 à 45 jours sans que ce taux ne varie sensiblement ;
  • au contraire, en 2011, après son augmentation de 32 à 45 jours, le nombre de personnes expulsées depuis les CRA de métropole a baissé (31 % en 2010, puis 20 à 29 % entre 2012 et 2016).

Alors que le Conseil d’État s’était interrogé sur la pertinence de cette mesure[3], la commission des lois du Sénat était plus explicite dans son analyse du projet de loi :  « cette mesure d’affichage ne s’attaque pas à la véritable cause des taux dérisoires d’éloignement : la mauvaise volonté de certains pays tiers pour accueillir leurs ressortissants et leur délivrer des laissez-passer consulaires. En 2016 sur l’ensemble des laissez-passer consulaires demandés (5 859), ce n’est que dans 3 % des cas que les documents de voyage sont arrivés trop tard (170), alors que dans 50 % des cas le pays n’a tout simplement jamais répondu ».

Des milliers de personnes vont ainsi subir ce qui s’apparente à une véritable peine de prison. Alors que la France est déjà le pays européen qui prononce le plus de « mesures d’éloignement » (plus de 100 000 obligations de quitter le territoire par an), c’est aussi le pays européen qui enferme le plus, au mépris des droits. Ainsi, le taux d’annulation des procédures par les juges frôle les 40 % : autant de personnes enfermées illégalement par l’administration.

Entrer en France, avoir le droit d’y résider, renouveler un titre de séjour, est toujours plus difficile. L’enfermement, le contrôle, la répression prennent le pas sur le respect des droits les plus fondamentaux, et notamment sur le droit de circuler librement. Ce sont ces droits qui devraient guider, entièrement, les politiques migratoires françaises et européennes.

C’est au nom de ces principes que La Cimade appelle à la fermeture des centres de rétention administrative.

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