Depuis des mois, Bouteflika n’est présent que sous la forme dune photo dans un cadre. Ses partisans sont surnommés « cadristes »!
Par Makhlouf Mehenni (revue de presse : Tout sur l’Algérie – 4/3/19)*
Bouteflika a finalement déposé son dossier de candidature au Conseil constitutionnel quelques heures avant l’expiration du délai légal. Pas tout à fait, puisque c’est son nouveau directeur de campagne, Abdelghani Zaâlane, muni d’une procuration, qui l’a fait à sa place.
Le dossier a été accepté par le Conseil et il n’y pas de doute qu’il sera validé. Sauf que la procédure est truffée d’incohérences et d’anomalies qui sautent aux yeux.
Il y a d’abord l’absence du principal concerné. Bouteflika n’a pas déposé son dossier en mains propres et c’est une première. La loi électorale, qui définit la procédure de confection et de dépôt des dossiers de candidature pour l’élection présidentielle, n’exige certes pas explicitement la présence physique du candidat, mais ne fait aucunement référence à la possibilité de dépôt par procuration.
La présence du candidat est suggérée par l’esprit du texte. Abdelwahab Derbal, président de l’instance indépendante de surveillance des élections, l’a dit hier sans ambages avant même l’arrivée de Zaâlane au Conseil constitutionnel. « Pour les élections législatives, le candidat tête de liste doit déposer le dossier de candidature et il peut être remplacé par son second. En ce qui concerne les présidentielles, c’est le candidat qui doit déposer son dossier, la loi est claire », tranchait Derbal à partir de Relizane.
D’autres juristes pourraient faire dire au texte autre chose, mais moralement, l’entorse ne passe pas. Pour l’obtention d’un banal document d’identité, la présence de l’intéressé au dépôt du dossier est exigée dans les mairies du pays. C’est la loi et il ne peut en être autrement pour une entreprise aussi sérieuse que la candidature à l’élection présidentielle.
L’anomalie appelle une autre quand on sait les raisons qui ont empêché Bouteflika de venir lui-même effectuer la procédure. Il est malade, hospitalisé dans un pays lointain. Dans la pile de documents fournis, il y a évidemment un certificat médical… de bonne santé !
Qui l’a délivré et qu’a-t-il mis dedans ? Un médecin assermenté peut-il dresser un tel constat de l’état d’une personne incapable de se déplacer même en chaise roulante et d’apposer sa signature au bas d’un document ? Plus grave encore, le président était toujours hospitalisé en Suisse au moment du dépôt de candidature.
On n’est pas loin de l’usage de faux car, encore une fois, l’exemple nous vient du bas de l’échelle des démembrements de l’Etat : pour postuler à un poste de standardiste ou de secrétaire dans l’administration, on exige un certificat de bonne santé, plutôt deux, un de médecine générale et un autre de phtisiologie. C’est encore la loi.
En déposant le dossier de Bouteflika, son directeur de campagne a lu au passage une longue lettre dans laquelle le président-candidat fait une série d’engagements et de promesses d’ouverture démocratique. Cherchez l’erreur. Le candidat est alité, amoindri au point de ne pas pouvoir aller lui-même accomplir une procédure légale, mais il a trouvé la force de rédiger un long texte présenté comme fondateur de la deuxième République. Abdelmalek Sellal n’est plus là pour assurer que le président a rédigé de sa main chaque mot du message, peut-être que cette fois personne ne le dira, mais officiellement, la lettre est de Bouteflika. C’est à prendre ou à laisser.
Enfin, Bouteflika promet une grande révolution. Il s’engage même à quitter le pouvoir. Le tout s’il est réélu le 18 avril prochain. Sauf qu’il ne dit pas comment il compte se faire réélire par un peuple qui a envahi les rues pour exiger son départ. Le constat n’est pas le fait d’opposant aigris, mais du président lui-même. C’est écrit dans son message.
*Source : TSA