Libye
La Libye semble s‘éloigner de plus en plus d’un consensus politique. La capitale Tripoli assiégée depuis le début du mois d’avril, pourrait devenir le théâtre de violents combats menaçant les civils, alors que les forces du maréchal Haftar progressent vers le centre-ville. S’il restait encore un espoir d’organiser des élections dans ce pays dans les prochains mois, il s’est définitivement évanoui.
Après la trêve relative imposée par le début du mois sacré du Ramadan, les combats ont de nouveau repris à Tripoli. Plus violents qu’ils ne l‘étaient lorsque le maréchal Haftar – considéré comme l’homme fort de l’Est – a lancé une offensive le 2 avril sur la capitale Tripoli où siège le gouvernement d’union nationale soutenu par l’ONU. Depuis quelques jours, les combats approchent lentement du centre-ville de la capitale comme l’ont confirmé à l’Associated un responsable de l’Armée nationale libyenne (LNA) dédiée à Haftar et un habitant de Tripoli.
Le bureau de presse de l’Armée nationale libyenne a notamment déclaré que les forces fidèles à Haftar avaient pris le contrôle de zones proches de l’aéroport international de Tripoli, qui avait été en grande partie détruit par la guerre civile après le renversement du guide Mouammar Kadhafi en 2011. Saraj al-Majbri, une aide du chef d’état-major de la LNA, a déclaré que ses forces avaient également progressé dans la région de Salah al-Deen, à quelques kilomètres du centre-ville.
Deux résidents qui se sont par ailleurs confiés à l’Associated sous le sceau de l’anonymat ont confirmé que de violents combats se déroulaient le long d’une route stratégique reliant la capitale à l’aéroport.
Le camp Haftar et celui du Premier ministre Fayez al-Sarraj refusent de céder à la requête d’un cessez-le-feu, s’accusant mutuellement de soutenir des milices. En visite en France, la semaine dernière, le maréchal Haftar a déclaré dans une interview publiée en France par le Journal du dimanche (JDD) qu’il ne cesserait son offensive que lorsque les “milices” auront quitté Tripoli.
Elections incertaines
“Bien sûr que la solution politique reste l’objectif”, a assuré le maréchal, pressé par de nombreux pays, dont la France, de cesser les combats qui font rage aux portes de Tripoli. “Mais, pour revenir à la politique, il faut d’abord en finir avec les milices. Le problème à Tripoli est d’ordre sécuritaire. Tant que des milices et des groupes terroristes y perdurent, il ne peut être résolu (…) La solution est de faire régner la paix et la sécurité à Tripoli, d’y ôter le poids que constituent les milices. Si celles-ci rendent les armes, alors il n’y aura même pas besoin de cessez-le-feu”, a-t-il estimé.
Outre les quelque 562 morts dont 40 civils, ces combats ont pour autre victime, les élections. Les camps rivaux avaient pourtant convenu d’organiser des élections générales en 2019 à l’issue d’une réunion à Abou Dhabi en février 2019. Une perspective qui s‘éloigne à mesure que la méfiance s’enracine, de même que les chances d’un accord politique s‘étiolent. Lors de son séjour parisien, le maréchal Haftar a du reste jeté du discrédit sur l’envoyé spécial de l’ONU en Libye, le diplomate Ghassan Salamé.
“M. Salamé multiplie les déclarations irresponsables. Il n’était pas comme ça avant, il a changé. D’un médiateur honnête et impartial, il est devenu un médiateur partial”, a lancé le chef de l’Armée nationale libyenne en réponse à M. Salamé qui affirmait le 21 mai devant le Conseil de sécurité de l’ONU que la Libye était “sur le point de tomber dans une guerre civile”.
Ce genre de propos révèle qu’il y a une opinion commune chez ces gens-là, qui parlent de partition et de conflits entre tribus. Mais, encore une fois, cette division est impossible car les Libyens resteront unis et la Libye restera un seul peuple. Tout le reste n’est que chimères”, a ajouté le maréchal.
La Libye en pleine crise depuis la chute du défunt guide Mouammar Kadhafi reste fortement sous le contrôle de diverses forces rivales. Ces rivalités pourraient s’accentuer avec l’entrée en jeu de puissances du Golfe rivales, accusées de vouloir utiliser la Libye comme “champ de bataille”.