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26 avril 2024

Sarkozy-Kadhafi: l’enquête de la justice accable le réseau Djouhri


https://www.mediapart.fr/journal/france/210819/sarkozy-kadhafi-l-enquete-de-la-justice-accable-le-reseau-djouhri?utm_source=20190822&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-20190822&M_BT=1599463600023

 PAR FABRICE ARFI

Le clan Sarkozy a des raisons de s’inquiéter. Les derniers développements de l’enquête judiciaire dans l’affaire des financements libyens montrent combien les policiers et les juges ont avancé dans leurs investigations sur l’homme d’affaires Alexandre Djouhri, visé par un mandat d’arrêt. Son bras droit, l’ex-banquier Wahib Nacer, a été mis en examen.

 

Il ne manque presque plus que lui. Menacé d’une extradition par la Grande-Bretagne, contre laquelle il ferraille de toutes ses forces devant les tribunaux de Londres, l’homme d’affaires Alexandre Djouhri est désormais l’un des rares acteurs centraux du dossier des financements libyens à ne pas être passé dans le cabinet des juges d’instruction en charge de cette affaire d’État à tiroirs.

Car il est peu de dire que l’affaire libyenne recèle, à la manière des poupées gigognes, plusieurs volets comme autant d’histoires imbriquées qui forment au bout du compte la trame d’un grand soupçon, celui des compromissions systémiques d’un clan politique français (les sarkozystes) avec une dictature étrangère (la Libye de Mouammar Kadhafi).

Alexandre Djouhri, à Londres, où il se bat contre une
possible extradition.
Alexandre Djouhri, à Londres, où il se bat contre une possible extradition.

Sur ce grand échiquier où se mêlent des suspicions de financements politiques et d’enrichissements personnels, l’enquête judiciaire a, depuis son déclenchement en 2013, la lourde tâche de remonter plusieurs filières tortueuses. Celles-ci sont pour l’essentiel incarnées par deux hommes de l’ombre, appelés pudiquement « intermédiaires », qui ont la particularité de se haïr bien que travaillant au service du même clan politique : Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri.

Les derniers développements de l’enquête, dont Mediapart a pu prendre connaissance, montrent combien les policiers et les juges ont avancé dans leurs recherches visant Alexandre Djouhri – pour ce qui est de Ziad Takieddine, voir ici –, réclamé par la justice française pour une longue liste de délits présumés : « corruption active », « faux et usage de faux », « complicité de détournement de fonds publics », « recel et blanchiment de détournement de fonds publics » et « blanchiment de fraude fiscale ».

Parmi les éléments récemment rentrés dans la procédure du pôle financier du tribunal de Paris figure l’audition menée par le juge Serge Tournaire, le 19 février dernier, à Djibouti, d’un pivot du réseau Djouhri, l’ex-banquier Wahib Nacer. L’homme de l’ombre de l’homme de l’ombre, en quelque sorte.

Visé dans un premier temps par un mandat d’arrêt, Wahib Nacer a été mis en examen pour « complicité de corruption active et passive »« blanchiment de corruption en bande organisée »« blanchiment de fraude fiscale en bande organisée »« complicité de détournements de fonds publics » et « recel ».

Au fil des 36 pages de son interrogatoire, les questions du juge et les réponses de Wahib Nacer, le plus souvent embarrassées quand elles ne sont pas incohérentes, dessinent le tableau de la future mise en cause pénale d’Alexandre Djouhri si les autorités anglaises venaient à confirmer sa remise à la France, déjà validée une première fois par la justice – Djouhri a fait appel de la décision.

Né en 1944 à Djibouti, Wahib Nacer a fait l’essentiel de sa carrière au sein de la banque Indosuez, qui sera avalée au milieu des années 1990 par le Crédit agricole, pour le compte duquel il a travaillé ensuite à Genève. Longtemps domicilié en Suisse, tout en étant propriétaire d’un vaste patrimoine en France, Wahib Nacer vit désormais dans son pays natal, où le juge Tournaire est donc allé l’interroger et le mettre en examen.

Wahib Nacer dit connaître Alexandre Djouhri depuis le début des années 2000. Leur relation d’affaires pouvait ressembler au départ, au pire, à un trou noir et, au mieux, à un palais des glaces financiers, jusqu’à ce que l’enquête des policiers de l’Office anticorruption (OCLCIFF) et des juges d’instruction fasse émerger plusieurs « opérations suspectes » désormais au cœur du dossier libyen.

Les voici.

 500 000 euros pour Claude Guéant, bras droit de Nicolas Sarkozy

Ce fut, en 2013, l’étincelle de l’incendie judiciaire. Quand les policiers ont découvert lors d’une perquisition au domicile de Claude Guéant un bordereau bancaire retraçant l’arrivée de 500 000 euros en mars 2008 sur son compte à la BNP, l’éternel bras droit de Nicolas Sarkozy a raconté aux enquêteurs une histoire qui, six ans plus tard, est à dormir debout pour les juges. Ou, pour reprendre leur expression consignée dans plusieurs actes d’instruction, relève d’une « justification mensongère ».

Claude Guéant, le 28 septembre 2015, au tribunal de
Paris. © Reuters
Claude Guéant, le 28 septembre 2015, au tribunal de Paris. © Reuters

La somme prodigieuse, qui a permis à Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence de la République, de s’acheter un joli appartement à 715 000 euros derrière l’Arc de triomphe, à Paris, proviendrait officiellement de la vente de deux petites toiles de peinture hollandaise à un avocat de Malaisie.

Souci : les deux peintures, des marines du peintre flamand Andries van Eertvelt (1590-1652) acquises pour 500 000 euros, n’en valaient en réalité pas plus de 30 000. Double souci : la facture produite par l’acheteur n’a rien d’un document authentique au regard du nombre d’erreurs qu’il contient (fautes d’orthographe grossières sur le nom des peintures et du peintre, le symbole monétaire accolé au prix de vente n’était pas en euros, aucun élément concret d’identification sur le vendeur, etc.).

L’argent venait donc d’ailleurs et, pour l’enquête judiciaire, cet ailleurs s’appelle aujourd’hui Alexandre Djouhri. Avec le recul, le circuit emprunté par l’argent de Claude Guéant ressemble à un labyrinthe à l’échelle planétaire, qui semble avoir été conçu pour perdre la trace de ceux qui s’y aventureraient.

En vain.

Le service de renseignements économiques Tracfin a d’abord établi que quelques jours avant de verser 500 000 euros à Claude Guéant, l’avocat de Malaisie (le soi-disant acheteur des toiles) avait perçu exactement la même somme en provenance du compte d’un membre d’une famille de milliardaires saoudiens, les Bugshan. Or, Khaled Bugshan, interrogé et « ne variant jamais dans ses déclarations », selon les juges, a affirmé ne pas connaître Guéant et n’avoir réalisé aucun investissement en Malaisie en 2008.

En revanche, il a assuré que ce virement a été opéré à la demande de Wahib Nacer, un proche de la famille, qui a la main sur plusieurs comptes des Bugshan tout en étant en lien d’affaires avec le directeur de cabinet de Kadhafi, Béchir Saleh. Un intime de Djouhri, aussi.

Finalement interrogé en février 2019 sur les déclarations de Bugshan au sujet des 500 000 euros de Guéant, Wahib Nacer a livré une réponse qui ne manque pas de souplesse : « Je ne lui ai pas demandé, mais je n’irai pas jusqu’à dire qu’il ment. »

Faut-il comprendre que quelqu’un d’autre que lui a formulé cette demande ? Le fait est que le RIB du compte à la BNP de Claude Guéant, sur lequel sont arrivés les 500 000 euros suspects, a été retrouvé en perquisition au domicile suisse… d’Alexandre Djouhri. Devant les juges, Claude Guéant n’a pas su expliquer ni comment ni pourquoi son RIB s’était retrouvé chez Alexandre Djouhri, qui est « clairement à la manœuvre », d’après les magistrats.

Les Bugshan, qui ont déposé une plainte en Suisse en 2016, affirment avoir été abusés. Cela paraît aussi être l’avis des juges d’instruction, qui notaient en 2017 dans une demande d’entraide pénale avec Djibouti : « Il semblerait que Wahib Nacer ait abusé de ses relations de confiance avec Khaled Bugshan pour utiliser son compte saoudien dans le cadre d’une opération de blanchiment visant à faire parvenir discrètement, avec la complicité de l’avocat malaisien [ …], à Claude Guéant des fonds d’origine indéterminée, mais qui ne sauraient correspondre à la vente de deux tableaux et qui sont plus vraisemblablement la contrepartie de services rendus par Claude Guéant à un moment où il occupait une place centrale dans l’appareil étatique français. »

Durant son audition devant le juge Tournaire, au cours de laquelle il a beaucoup répété des phrases comme « je ne sais pas », « je n’en sais rien » et « je n’ai pas d’observation », Wahib Nacer a en revanche assuré ne pas être « gestionnaire des comptes [des Bugshan – ndlr] au sens strict. Je n’avais pas accès aux ordinateurs ni aux mots de passe ».

Contacté par Mediapart, Claude Guéant a indiqué pour sa part avoir déjà répondu aux juges et ne souhaite pas « en dire davantage pour l’instant ». « Je souligne seulement que les constructions intellectuelles qui ont pu être échafaudées ne correspondent pas à la vérité », a-t-il ajouté, maintenant sa version initiale sur l’origine de ses 500 000 euros. Lors de sa dernière audition par les juges, qui l’ont mis en examen notamment pour « corruption », Claude Guéant a surtout opposé son droit au silence à cinquante et une reprises.

 La vente surfacturée d’une villa de Djouhri à un fonds libyen

Le 23 janvier 2008, deux mois avant l’arrivée miraculeuse de 500 000 euros sur son compte bancaire personnel, Claude Guéant recevait dans son bureau de la présidence de la République Béchir Saleh, le directeur de cabinet de Kadhafi, qui est venu accompagné d’Alexandre Djouhri ; ce dernier a rendu visite cinquante-neuf fois à Guéant à l’Élysée entre 2007 et 2011, et quatorze sur la même période à Nicolas Sarkozy.

Or, Alexandre Djouhri et Béchir Saleh vont se retrouver cette même année 2008 au cœur d’un incroyable montage financier qui va permettre, selon les juges, au premier de vendre à un prix exorbitant un bien immobilier à un fonds souverain libyen dirigé par le second (lequel conservera une partie des sommes).

Le bien en question, cédé pour 10 millions d’euros alors qu’il n’en valait tout au plus « que » 1,8, est une villa située à Mougins (Alpes-Maritimes), propriété depuis 1998 de Djouhri.

Comme dans l’affaire des 500 000 euros de Guéant, la famille saoudienne Bugshan a surgi dans le décor et, une fois de plus, elle a démenti formellement tout lien avec l’opération. Schématiquement, les juges soupçonnent Alexandre Djouhri et Béchir Saleh d’avoir organisé, avec l’aide du banquier Wahib Nacer, la vente surfacturée de la villa de Mougins à la Libye, « en plaçant » le Saoudien comme écran de manière à éviter une vente directe à Alexandre Djouhri.

Béchir Saleh. © dr
Béchir Saleh. © dr

Pour opacifier au maximum la transaction, la vente de la maison est passée par une société au Panama, baptisée Bedux Management Inc., dont l’ayant droit officiel serait Bugshan, lequel l’a pourtant catégoriquement démenti. Et de fait, Wahib Nacer, qui a réalisé le montage, a été incapable devant le juge Tournaire de produire le moindre écrit ou la moindre signature prouvant que Bugshan était bien l’ayant droit de Bedux, qui recevra le produit de la vente. « Nous ne fonctionnons pas comme cela », s’est contenté de répondre l’associé de Djouhri.

Pour les juges, le nom des Bugshan est donc susceptible, une fois de plus, d’avoir été utilisé pour dissimuler le véritable rôle d’Alexandre Djouhri, qui dément pour sa part tout lien avec cette transaction en général et la société Bedux en particulier.

Sollicités, Alexandre Djouhri et son avocat, Me Francis Szpiner, ont refusé de répondre aux questions de Mediapart.

Précautionneux pour ne jamais apparaître nulle part, Alexandre Djouhri a pourtant laissé cette fois-ci des traces derrière lui.

Ainsi, quand un premier contrat de vente de la villa de Mougins est signé en mai 2008, à Tripoli, entre Bedux (représenté par Wahib Nacer) et la Libye (représenté par Béchir Saleh), le vol en jet privé Genève-Tripoli-Paris qui a trimballé Wahib Nacer a été payé par… Alexandre Djouhri. « Je ne savais pas que le vol avait été financé par Alexandre Djouhri, et si tel est le cas, je ne sais pas pourquoi il l’a fait », a répondu benoîtement Wahib Nacer devant le juge Tournaire.

Par ailleurs, l’enquête a montré qu’en juillet 2008 plus de 3 millions d’euros ont été versés au bénéfice d’un compte de Bedux ouvert au Crédit agricole Suisse avec la mention « AD », comme Alexandre Djouhri. « AD, pour moi, c’est un mystère », a expliqué sans rire Wahib Nacer, chez qui les documents bancaires ont été trouvés. « Quand je notais AD, cela pouvait être Alexandre Djouhri, ou quelqu’un d’autre », a ajouté le banquier, sans jamais dire qui.

L’enquête a enfin mis en évidence que quand Alexandre Djouhri demandait à Wahib Nacer de lui verser de l’argent, les fonds étaient immédiatement prélevés sur un compte Bedux, ce qui laisse clairement supposer que Djouhri a le pouvoir de faire transférer des fonds de cette coquille panaméenne avec laquelle il dit pourtant n’avoir aucun lien.

Le nom de Claude Guéant est également apparu dans ce volet de l’affaire libyenne. À deux reprises, en octobre 2008 puis en mars 2009, Alexandre Djouhri a envoyé des fax au secrétaire général de l’Élysée au sujet d’une dette fiscale de 1,5 million d’euros liée à la villa de Mougins. L’intermédiaire a manifestement profité d’une oreille attentive au sommet de la République. Une collaboratrice d’Éric Woerth, alors ministre du budget, écrira plus tard dans un courrier que le dossier de la villa de Mougins « a fait l’objet d’une intervention auprès du cabinet du ministre » et que par conséquent il fallait « surseoir » à tout recouvrement de la dette.

Mais ce n’est pas tout. Les enquêteurs vont finir par faire une découverte cruciale. En mars 2010, le compte saoudien à l’origine des 500 000 euros versés à Guéant est crédité de 600 000 euros avec l’argent libyen de Bedux. Une sorte de compensation après coup.

La boucle est bouclée.

 Des commissions sur la vente d’Airbus à Kadhafi

Outre une éventuelle intervention auprès de Bercy au sujet des ennuis fiscaux de la villa de Mougins, Claude Guéant est-il soupçonné d’avoir utilisé sa position de pouvoir au cœur de l’appareil d’État en faveur d’Alexandre Djouhri ? La réponse est oui, selon l’enquête judiciaire.

Cette contrepartie porte sur des commissions que l’intermédiaire réclame avec insistance – et de longue date – sur la vente par EADS de douze Airbus à la Libye de Kadhafi en 2006.

Selon une note de juillet 2010 de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, désormais DGSI), Béchir Saleh, toujours lui, aurait négocié avec Djouhri des commissions en rapport avec le marché des Airbus. D’ailleurs, en 2006, quand Djouhri ouvrait discrètement un compte à Singapour au sein de la banque UBS, il indiquait à son conseiller qu’il s’apprêtait à percevoir 2 millions d’euros ponctionnés sur la vente d’avions au régime libyen.

À plusieurs reprises, Alexandre Djouhri est intervenu auprès de cadres d’EADS pour toucher ce qu’il estime être son dû. L’un des principaux dirigeants de la multinationale, Marwan Lahoud, a confirmé aux enquêteurs avoir été approché par un Djouhri « particulièrement menaçant » pour que l’entreprise lui paye, non plus 2 millions d’euros, mais plus de 12 millions de commissions. Marwan Lahoud a parlé au sujet des mots prononcés par Alexandre Djouhri d’« une menace assez froide, évoquant des violences physiques dont il aurait été l’auteur ».

Surtout, le dirigeant d’EADS a indiqué qu’en 2009, alors secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant lui a « très poliment » demandé de regarder la situation d’Alexandre Djouhri sur cette histoire de commissions liées aux avions libyens.

 La fuite de France du bras droit de Kadhafi après des révélations de Mediapart

Alexandre Djouhri, Claude Guéant et Béchir Saleh forment un trio omniprésent à toutes les périodes clés de l’affaire libyenne.

Le 3 mai 2012, cinq jours après des révélations de Mediapart sur les soupçons de financements libyens du clan Sarkozy, un fric-frac d’État était organisé pour permettre l’exfiltration de Béchir Saleh, l’homme de tous les secrets de Kadhafi, qui se trouvait alors en France sous la protection de l’administration Sarkozy malgré une notice rouge d’Interpol le visant.

Nicolas Sarkozy et Alexandre Djouhri. © Reuters et
DR
Nicolas Sarkozy et Alexandre Djouhri. © Reuters et DR

À l’époque des faits, Claude Guéant est le ministre de l’intérieur de Nicolas Sarkozy. Or, c’est le patron de la DCRI placé sous son autorité directe, Bernard Squarcini, qui, main dans la main avec Alexandre Djouhri, a rendu possible cette exfiltration spectaculaire, comme Mediapart l’a déjà raconté.

Les policiers ont depuis obtenu la preuve que c’est Alexandre Djouhri qui a commandé le jet privé qui a permis à Béchir Saleh de prendre la fuite en toute tranquillité, direction le Niger puis l’Afrique du Sud. Le vol, qui a coûté 94 700 euros, a été réglé par un avocat djiboutien, à la fois cousin et beau-frère de Wahib Nacer.

Toute la documentation bancaire liée à ce rocambolesque épisode de l’affaire libyenne a été retrouvée en perquisition dans les bureaux de Wahib Nacer. « Je ne suis pas au courant de l’intervention de Djouhri dans cette exfiltration », a assuré l’intéressé au juge Tournaire.

Quand il a été interrogé en garde à vue sur cette cavale spectaculaire, Nicolas Sarkozy avait assuré n’être au courant de rien, à commencer par la présence de Béchir Saleh sur le sol français. Les policiers en étaient restés interdits : « Comprenez-vous que nous puissions nous interroger sur la position de M. Guéant, ministre de l’intérieur et supérieur hiérarchique de M. Squarcini, compte tenu de sa proximité avec vous, et notamment sur le fait qu’il ne vous avait pas informé ou rendu compte de l’exfiltration de M. Saleh à un moment où celui-ci fait la une de la presse. »

Sarkozy, pour se défendre, n’avait pas hésité à lâcher Guéant : « Claude Guéant a été pendant des années un collaborateur remarquable, qui a exercé des missions que je lui ai confiées de manière infatigable, professionnelle et loyale. À la minute où il est nommé ministre de l’intérieur, il n’est plus mon collaborateur […]. Il avait dès lors sa propre existence politique, sa propre marge de manœuvre opérationnelle comme ministre. »

Les juges ont eux aussi confié leur incrédulité à Nicolas Sarkozy : « Il semble difficilement concevable que le ministre de l’intérieur et le directeur du renseignement aient pu organiser entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012 l’exfiltration du territoire français de Bachir Saleh, ancien directeur de cabinet de Kadhafi, sans que vous l’ayez su, au moment même où vous proclamiez dans les médias qu’il serait arrêté s’il était découvert en France ? […] Nous vous rappelons qu’il serait parti avec l’aide des autorités alors que vous étiez chef de l’État. »

Nicolas Sarkozy avait répondu : « Quelles autorités ? Pas la mienne. À ce que je sache, M. Djouhri ne faisait pas partie des autorités. Et quelqu’un a-t-il dit que j’avais demandé ou autorisé cette exfiltration. Bien sûr que non ! »

Outre ses relations avec Alexandre Djouhri, Béchir Saleh est aussi désigné dans les carnets manuscrits datant de 2007 de l’ancien premier ministre libyen, Choukri Ghanem, comme l’un des dignitaires du régime à avoir financé la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

Choukri Ghanem a été retrouvé mort dans le Danube, à Vienne, en avril 2012, dans des conditions qui n’ont toujours pas été élucidées.

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