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19 avril 2024

Les réseaux sociaux ? (étude)


 

France-Irak Actualité : actualités du Golfe à l’Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak et du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne.

Publié par Gilles Munier sur 26 Août 2019, 07:01am

Catégories : #Turquie, #Erdogan

Par Kudret Bulbul (revue de presse : TRT en français – 20/8/19)*

A l’époque où nous vivons, nous témoignons d’une forte notion de réseau social. Les conséquences des heures passées chaque jour par les hommes sur les réseaux sociaux suscitent des débats. Les réseaux sociaux sont, pour certains, un milieu d’anarchie où l’homme est l’ennemi de l’homme. Pour d’autres, c’est une situation naturelle où toute chose est libre et joyeuse mais nécessite un aménagement.

Comment devons-nous évaluer les réseaux sociaux ? Il faut premièrement noter que même si nous l’évaluons ou pas, le réseau social continue son cours dans son coin. Toutefois cela ne nous empêche pas d’évaluer la situation.

Un milieu qui propose une plateforme libre et gratuite à l’expression de toute idée…

Parlons d’abord de ses bienfaits. Les réseaux sociaux proposent des moyens uniques à ceux qui ont des « idées », qui souhaitent les faire savoir, qui désirent connaitre celles des autres et qui veulent savoir ce que pensent les autres fractions de la société. Il est possible de faire connaitre votre idée à l’échelle nationale et globale à des personnes que vous ne pourrez pas joindre dans la vie réelle. Vue sous un autre angle, cela vous permet de découvrir ce que pensent les gens qui vous sont très loin dans la vie réelle.

En plus, le partage des idées ne nécessite pas beaucoup de capital. Autrefois il fallait des moyens financiers considérables pour publier un journal local ou fonder une radio ou une télé. Grâce au réseau social, il est possible pour chacun de partager ses idées avec de grands publics à des coûts beaucoup plus réduits.

D’autre part, ces idées peuvent être partagées de façon incontrôlée et sans aucune restriction. La libre circulation des idées menace surtout les sociétés et régimes fermés. Le changement à l’issue du Printemps arabe des régimes arabes qui ont pu maintenir leur existence pendant plusieurs décennies de façon fermée, semble principalement être causé par les réseaux sociaux. Car grâce aux outils des réseaux sociaux les foules avaient plus facilement pu s’organiser et réagir.

Un milieu où tout mensonge peut circuler et les foules peuvent être manipulées…

D’autre part, les réseaux sociaux sont des plateformes où tous les mensonges et calomnies peuvent facilement être propagés. Il est parfois impossible de distinguer le vrai du faux sur les réseaux sociaux.

Ce ne sont pas seulement les idées, mais aussi toutes notions immorales, irrégulières et criminelles qui peuvent être propagées. Il est convenable pour tout type d’attaque. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que le fondateur de Facebook, Zuckerberg ait utilisé un ruban adhésif pour couvrir la caméra et le microphone de son ordinateur pour se protéger des hackeurs.

Par l’intermédiaire des réseaux sociaux, les foules sont ouvertes aux manipulations directes étant données qu’elles sont directement accessibles. Cette situation peut aussi être parfaitement valorisée par les services de renseignements et les organisations qui souhaitent se servir des foules à leurs propres fins. Nous avons pu tous voir comment les foules ont pu être manipulées en Turquie à Taksim à cause de quelques arbres dans le parc Gezi. Nous savons aussi le lien étroit entre l’Institut de la société ouverte et les mouvements appelés la révolution jaune, orange ou la révolution du velours.

Lorsqu’on parle des points négatifs des réseaux sociaux, il ne faut certainement pas oublier les trolls. Il est possible de mener une forte propagande par des faux comptes pour modeler l’actualité ou porter atteinte à des personnes ou établissements qui semblent être contre.

Sous l’impulsion des trolls, nous observons des situations post-réelles dans les réseaux sociaux où la vérité n’a aucun sens et l’image créée remplace la réalité. Pour les trolls le réseau social n’est ni un réseau ni social, c’est seulement un moyen d’attaque.

Combien y-a-t-il de services de renseignements possédant les informations recueillies par les réseaux sociaux ?

Une situation qui nous échappe lorsque nous évaluons les réseaux sociaux est l’immense connaissance que ces entreprises ont sur nous. Je ne parle pas des informations personnelles que nous partageons sur ces plateformes. Les réseaux sociaux ont accès aux analyses d’identité, de valeurs ou d’opinions politiques des communautés, individus ainsi que de toutes fractions y compris religieuses, séculaires et ethniques, à partir des commentaires, likes et partages. On dit même que ces entreprises analysent mieux que les amis les plus proches, l’identité des personnes à partir d’un nombre réduit de likes. Dans ce contexte, ces entreprises sont comme des télé-écrans, citées dans le roman 1984 de George Orwell, surveillant le monde entier avec les données en possession. Cette situation donne une force inimaginable aux sociétés, aux services de renseignements et aux Etats qui travaillent étroitement avec elles. Ce n’est pas pour rien qu’elles offrent gratuitement tant de services. Imaginez que par nos commentaires, nous donnons à ces entreprises les informations sur les types de réactions à des événements de types différents dans certains pays et par certaines fractions. Nos commentaires, likes et partages sur les réseaux sociaux peuvent être associés aux sondages d’opinion publique réalisés chaque jour sur des échantillons de plusieurs millions de personnes. Les entreprises font des analyses à long terme sur ces informations/données. Même les personnes, les établissements et les communautés ne doivent pas avoir ces analyses détaillées et de long terme sur eux. Ces analyses n’ont pas seulement une seule dimension. Elles peuvent en avoir plusieurs notamment sur leurs identités, leurs choix sociaux, culturels et politiques, leurs tendances d’achat, leurs réactions aux développements dans le monde extérieur, leurs défauts et leurs échappatoires. Ceci est une situation dont tous les Etats doivent tenir compte pour leur avenir.

La génération dont je fais partie, c’est-à-dire des gens au-dessus d’un certain âge, se sert ou pas des réseaux sociaux dans une certaine mesure. Mais les personnes d’un âge plus bas naissent et grandissent dans les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux deviennent peu à peu le seul milieu de socialisation pour les enfants dans une atmosphère où les enfants grandissent sans surveillance à cause de l’affaiblissement des relations familiales et où les milieux scolaires et réels perdent leur sens. Vers où peuvent être conduits nos enfants par une plateforme remplie de mensonges, de trolls, de désinformations et de déformations et où il n’y a aucune règle et vertu ? Quel monde cette situation peut-elle créer ?

Je ne suis pas totalement sans espoir. Comme je viens de le dire, les réseaux sociaux offrent de bons moyens malgré tous les éléments dévastateurs. Il est parfaitement possible de bien les valoriser à condition de savoir quel type de milieu est-il. Ce qu’il faut faire pour nos enfants, ce n’est pas de les laisser se socialiser sur les réseaux sociaux mais de les autoriser à utiliser ces plateformes après avoir remplis nos responsabilités et après qu’ils se soient socialisés dans une certaine mesure. Comme dans la métaphore de compas de Mevlana, il faut les autoriser à s’éloigner autant qu’ils peuvent à partir du moment où ils ont un pied solidement fixé. Mais si l’un des pieds est mal fixé, il pourrait ne pas être possible de sortir des plateformes accédées.

En conclusion, comme pour les processus de mondialisation, que nous évaluions ou non, les réseaux sociaux continuent leurs cours dans leurs coins. Ce que nous devons faire, ce n’est pas d’être pour ou contre mais de multiplier les bienfaits et réduire les méfaits de ces outils pour nous, notre famille, notre pays et toute l’humanité.

Une étude du Prof. Dr. Kudret Bulbul, doyen de la Faculté des Sciences politiques de l’université Yildirim Beyazit d’Ankara.

*Source : TRT en français

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