Plus de 10 milliards des 16 milliards d’euros appartenant à la Libye, gelés par l’ONU en Belgique après la guerre menée en 2011 contre l’état libyen, auraient disparu entre 2013 et 2016 des banques qui les abritaient. De quoi relancer les interrogations sur le sort des milliards libyens disparus en 2011.
Décidemment, en ce moment, Libye rime avec argent. Depuis la chute du guide Libyen, les dossiers financiers s’accumulent autour du pays, riche Etat pétrolier. Outre l’instruction ouverte par la justice en France, avec la mise en examen de Nicolas Sarkozy, l’argent libyen fait parler de lui dans plusieurs affaires.

Il faut dire que les chiffres les plus fous et les plus flous tournent autour de ces avoirs. Si les sommes enregistrées dans la LIA (Libyan Investment Authority, le fonds souverain libyen) sont quantifiables, d’autres sommes auraient été placées directement dans tous les centres financiers de la planète. «Comme les trésors légendaires, la fortune de l’état libyen est entourée d’une part de mystère. D’abord, personne n’en connaît le montant exact : entre 500 et 800 milliards de dollars, selon les experts consultés».

Farhat Bengdara, l’ex-gouverneur de la Banque centrale de Libye, estimait les actifs libyens en février et en mars 2011 à 168 milliards de dollars (environ 116 milliards d’euros). Sans que l’on sache trop bien comment ils se répartissaient entre la LIA et d’autres institutions (dont la Banque centrale).

L’agent libyen fait donc fantasmer. La Libye a créé en 2006, lorsque le pays revient sur la scène internationale, un fonds souverain (LIA, Autorité libyenne d’investissement), destiné à gérer les revenus, énormes, du pétrole. Les investissements étaient les bienvenus.

L’argent de ce fonds, riche à milliards, était bien sûr convoité par toutes les institutions financières de la planète. Pendant la crise de 2007-2008, les dollars libyens sauvent même des banques européennes au bord de la rupture.

A l’époque le fonds libyen d’investissement, a massivement investi dans les grandes entreprises mondiales, a aussi réalisé de nombreux investissements sur le continent africain. Il disposait notamment d’actifs dans les télécommunications en Côte d’Ivoire, au Niger et en Guinée, ainsi que dans les secteurs de l’hôtellerie (Mali, Ouganda), du textile ou du commerce de détail (Kenya, Ouganda). Des opérations lancées par la LIA tentaient de rendre plus opérationnels ces investissements comme dans l’entreprise OilLibya.

La guerre de 2011
Après la chute des régimes tunisien et égyptien, la Libye connaît, elle aussi, une vague de contestation, notamment dans l’est de son territoire. Mais là, les pays occidentaux décident d’intervenir, d’abord pour des «raisons humanitaires» avant d’opter pour le renversement de l’état.

«En 2011, après la chute de l’état en Libye et avant même la mort du Guide, une incroyable chasse au trésor internationale a démarré. En jeu: environ 800 milliards de dollars, placés un peu partout dans le monde par l’état libyen. Le Conseil de sécurité de l’ONU en a très rapidement décrété le gel pour que cette manne ne revienne pas dans les mains du clan déchu mais puisse, au contraire, aider le nouveau pouvoir en place à reconstruire le pays. D’où vient tout cet argent? Du pétrole, en grande partie. Dans les années 2000, la Libye a investi les recettes de ses hydrocarbures, via la Libyan Investment Authority (LIA), une holding chapeautant plusieurs fonds souverains », écrit le journal belge Le Vif qui a publié l’information sur la disparition de l’argent libyen des banques belges.

Des affaires avec des banques européenne ou américaine
Ces derniers mois ont révélé que l’argent libyen n’était pas perdu pour tout le monde. Les nouveaux gestionnaires du fonds, aujourd’hui basé à Malte, entendent bien essayer de récupérer l’argent perdu, selon eux, dans de mauvaises opérations, réalisées par les premiers responsables de la LIA. Ils ont donc mis en cause certaines banques en les accusant d’avoir profité de l’argent libyen avant 2011.

Deux affaires judiciaires ont opposé la LIA à la banque française Société Générale et à la banque américaine Goldman Sachs. Dans le premier dossier, la Société générale a accepté une transaction, évitant un procès. Accord qui a nécéssité une provision de plus de 900 millions d’euros dans les comptes de la banque. En revanche dans le conflit avec la société américaine, le fonds libyen a perdu son procès dans lequel il réclamait 1,2 milliards de dollars.

Ces demandes sont intervenues après la guerre. Le fonds était la proie des différentes factions libyennes… qui ont finalement réussi à s’entendre pour assurer une gestion de la LIA en nommant en commun un administrateur en 2015. Comme quoi les différents clans libyens sont parfois capables de se mettre d’accord grâce à l’argent volé.

Mais l’argent de la LIA constitue-t-il toute la fortune de la LIbye ? Sans doute pas. Il est difficile d’en savoir plus. Même l’ONU, qui avait gelé les fonds libyens lors de la guerre contre la Libye, avant d’en débloquer une partie, s’y perd. Un «rapport de 299 pages, publié début juin 2017 par le groupe d’experts sur la Libye du Conseil de sécurité des Nations unies, établit une liste de pays africains dans lesquels “serait cachée, depuis 2011, une grande partie de cette fortune, disséminée au-delà des frontières libyennes», rapporte le journal canadien Globe and Mail.

Selon ce rapport, l’argent libyen se retrouve un peu partout en Afrique. «Le rapport contient des photos de boîtes en acier verrouillées à Ouagadougou, contenant prétendument l’argent libyen, et une licence d’exportation de 560 millions de dollars en espèces. Il contient également des photos de piles de boîtes verrouillées portant le logo de la Croix-Rouge dans une pièce d’Accra, capitale du Ghana. Des sources ont indiqué qu’un nombre inconnu de biens libyen étaient conservés dans ces boîtes dans les locaux d’Accra d’une « organisation internationale des droits de l’homme »».

Toujours dans ce rapport, revient le nom de Bachir Saleh, présenté comme l’homme qui gère les fonds libyens. Bachir Saleh, c’est aussi l’homme qui avait été exfiltré de France entre les deux tours de la présidentielle française de 2012…

Pendant que les banques se battent sur l’argent libyen et que la Libye subit les conséquences d’une crise politique prolongée, le Bureau des affaires humanitaires des Nations Unies et ses partenaires ont lancé un appel de 313 millions de dollars pour couvrir les besoins de base de 940.000 personnes dans le pays, qui ont besoin d’assistance et de protection. On est loin des 800 milliards que détiendrait le pays…

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