Les forces du Maréchal Khalifa Haftar, pressées par ses soutiens étrangers d’en finir avec l’assaut interminable de Tripoli, continuent d’avancer vers la capitale dans le cadre d’une nouvelle offensive qualifiée de « décisive ».
Sentant un danger imminent, le président du Gouvernement d’Union Nationale (GNA), Fayez al-Sarraj, le seul qui soit reconnu par les Nations Unies, a officiellement appelé à l’aide cinq pays « amis »: l’Algérie, les États-Unis, l’Italie, le Royaume-Uni et la Turquie.
Dans le camp rival, les forces de Haftar sont soutenus financièrement et militairement par l’Arabie Saoudite, l’Éypte, les Émirats Arabes Unis, la France et la Russie. Les États-Unis soutiennent également Haftar mais de façon bien plus discrète que celle des autres pays.
Des cinq pays « amis » auxquels le président du Gouvernement d’Union Nationale de Libye a adressé une demande d’aide, seule la Turquie est disposée à envoyer une force dite de réaction rapide à Tripoli dans le cadre d’un Accord militaire bilatéral.
L’Algérie ne semble pas disposée à bouger le moindre petit doigt en Libye et se contente de renforcer le déploiement de dizaines de milliers de troupes et d’avions d’attaque au sol le long de ses frontières avec la Libye.
Les États-Unis et le Royaume-Uni attendent l’émergence d’un pôle de puissance en Libye pour le soutenir et abandonner al-Sarraj à son sort.
L’Italie, un pays membre de l’OTAN soutient Tripoli et est en rivalité totale avec la France en Libye mais n’osera jamais s’opposer à Washington sur le dossier libyen. Reste la Turquie.
Dans les faits, toutes les données convergent vers une intervention militaire turque en Libye. L’opposition de l’Égypte et son hostilité envers la Turquie, en grande partie motivées par l’idéologie mais surtout par l’émergence de la Turquie comme un leader régional, ne dépassera pas le cadre de la rhétorique belliqueuse en cas d’intervention militaire turque directe en Tripolitaine.
Dans le cas encore improbable où Le Caire opterait pour une confrontation armée avec la Turquie en Libye, l’Égypte n’a quasiment aucune chance de l’emporter. La Turquie est toujours un pays membre de l’OTAN et un des alliés les plus proches de l’actuelle administration Trump.
Le seul pays qui pourrait interférer de façon plus ou moins efficace contre une intervention militaire turque directe en Libye demeure la Russie dont le soutien à Haftar étonne l’Algérie et il demeure clair que c’est là un des principaux points de divergence entre Alger et Moscou.
Les Algériens ne considèrent nullement Haftar comme digne de confiance ou fiable et le perçoivent plutôt comme un simple agent d’une stratégie internationale qui le dépasse. Pour sa part, le Maréchal Khalifa Haftar est résolument hostile à l’Algérie et ce sentiment est hérité du temps de l’ancien régime de Gaddafi.
Piégé par sa politique de non-intervention, mais également par ses liens de coopération étroite dans le domaine de l’industrie militaire avec les Émirats Arabes Unis, le commandement militaire algérien n’interviendra pas dans un conflit qu’il considère « provoqué » par le désastre de l’intervention de l’OTAN en Libye en 2011.
Par contre, l’opinion algérienne, de plus en plus turcophile depuis quelques années, est majoritairement favorable à une alliance militaire avec la Turquie pour intervenir en Libye. Indubitablement, le pouvoir Algérien ne suivra jamais cette voie car il considère toujours la Turquie comme un membre de l’OTAN et donc une partie du problème.
Les États-Unis jouent sur les deux tableaux et soutiennent simultanément les deux belligérants en Libye. Les médias mainstream ont une fâcheuse tendance à présenter la guerre civile libyenne comme une lutte entre un Gouvernement d’union nationale opposé à un Parlement armé lequel se serait exilé à Tobrouk en Cyrénaïque, lui même soutenu par l’Armée Nationale Libyenne dirigée par Haftar.
Cette description est pour le moins mensongère dans la mesure où les forces de Haftar, lesquelles se sont arrogées le droit d’usurper la qualité de forces armées, sont considérées comme de simples milices que les soutiens étrangers de Haftar ont mieux armées. Quand au Parlement, il est composé des seigneurs de guerre, des chefs de milices plus ou moins autonomes et réclamant chacune un apanage et le contrôle de ressources dans un fief. La situation est encore plus complexe au Fezzan où les rapports de forces sont encore plus profondément marquées et imbriquées. En filigrane se dressent les ombres des partisans de l’ancien régime qui se sont réarmés ou encore les grands contrebandiers qui contrôlent les bandes armées au Sahel et qui se sont alliés objectivement à des réseaux luttant contre la présence militaire étrangère au Mali, au Niger, au Burkina Faso et au Tchad.
En tout état de cause, la Libye qui demeure un pays très riche en pétrole, attise beaucoup de convoitises et de rivalités géostratégiques dont les soubresauts risquent d’embraser la méditerranée centrale après avoir emporté le Sahel. Entre la résurrection du Mehter turc (un ancien orchestre militaire des Janissaires) et un tyran sanguinaire soutenu par les grandes puissances, la dance risque de ne pas être de tout repos. La déstabilisation de la Libye par l’OTAN a eu des conséquences désastreuses sur l’Europe (multiplication par un facteur de 250 du flux migratoire) et le Sahel dont une grande partie échappe désormais à tout contrôle.
source :
https://strategika51.org/2019/12/21/la-libye-entre-le-rythme-du-mehter-et-la-dictature-dun-nouveau-tyran-africain-soutenu-par-les-grandes-puissances/Le président turc Recep Tayyip Erdogan a effectué ce mercredi une visite surprise à Tunis où il a évoqué avec son homologue tunisien le conflit en Libye et les tensions régionales.
M. Erdogan qui a rencontré pour la première fois le président Kais Saied, entré en fonctions le 23 octobre, a déclaré lors d’une conférence de presse avoir évoqué la coopération avec la Tunisie pour aider à un règlement du conflit libyen.
« Nous avons discuté des moyens de coopérer pour parvenir à un cessez-le-feu en Libye dans le cadre de la relance du processus politique », a dit le président turc.
« L’impact des développements négatifs en Libye ne se limite pas à ce pays, mais touche aussi les pays voisins surtout la Tunisie », a-t-il ajouté.
C’est pourquoi, pour le président turc, la Tunisie a un rôle majeur à jouer dans la recherche de solutions à la crise. Il a remercié le président tunisien pour ses efforts dans ce sens, rappelant la réunion de lundi à Tunis avec des représentants du Conseil suprême des tribus et des villes libyennes pour discuter de la possibilité de lancer une initiative pour une sortie de crise en Libye.
« Nous avons discuté des actions à entreprendre pour un cessez-le-feu et un retour à un processus politique en Libye, et la coopération à mettre en place dans cet objectif », a-t-il expliqué, avant d’ajouter : « Je suis convaincu que la Tunisie aura des apports très importants et constructifs en soutiens aux efforts pour un retour de la stabilité en Libye. »
Concernant le protocole d’accord signé entre la Turquie et la Libye, le chef de l’État turc a critiqué la position d’Athènes. « La Grèce n’a pas son mot à dire dans ce domaine », a-t-il lancé.
Sur la Libye, commentant les informations faisant état de la présence de mercenaires soudanais et des forces russes aux côtés des forces pro-Haftar, M. Erdogan a déclaré : « Je me demande ce qu’ils font en Libye et à quel titre ces 5 000 Soudanais et ces 2 000 autres de la compagnie russe Wagner s’y trouvent. Qu’ont-ils à faire sur place et quelles sont leurs connexions ? »
Sur l’éventuel envoi de soldats turcs en Libye, le Président Erdogan a d’ailleurs répondu : « Nous ne sommes jamais allés là où on ne nous a pas invités. Si nous devions être conviés, nous étudierons le sujet. »
« Nous agissons [en Libye] avec M. al-Sarraj qui a une reconnaissance internationale, ce qui n’est pas le cas de Haftar », a-t-il poursuivi, critiquant ainsi ceux qui entretiennent des liens ou des contacts avec le général à la retraite Haftar qui mène une campagne militaire pour prendre le contrôle de Tripoli, et ainsi, du pouvoir en Libye. Dans ce sens, il a très fermement dénoncé la présence de combattants étrangers, mercenaires, en Libye.