Par Peter Wade et Patrick Reis (revue de presse : Rolling Stone – 24/3/20)*
Pendant que le monde se confine et tente d’enrayer la pandémie de coronavirus, le président américain s’apprêterait à remettre son pays au travail
Cela fait déjà plusieurs semaines que les épidémiologistes demandent au public d’ »aplanir la courbe » de l’épidémie de coronavirus en restant confiné. On ne sait pas combien de temps cela va durer – en particulier en l’absence de vaccin – et l’économie est en berne, car les entreprises sont de plus en plus nombreuses à fermer. Mais cela semble un peu moins déprimant quand on explique clairement ce qu’une telle mesure implique : Rester chez soi pour que les hôpitaux ne soient pas inondés de malades et puissent soigner tout le monde.
Mais Donald Trump ne semble pas l’entendre de cette oreille. Le président américain a tweeté dimanche soir : « Nous ne pouvons pas laisser la solution être pire que le problème. AU TERME DES 15 JOURS DE CONFINEMENT, NOUS PRENDRONS UNE DÉCISION QUANT À LA VOIE A EMPRUNTER ! » CNN a ensuite rapporté que Trump « préparerait le terrain pour assouplir les restrictions imposées au peuple américain » et que le CDC cherche un moyen pour que les entreprises rouvrent au début du mois d’avril.
Trump tient sans doute cette idée étonnante de Fox News. Le commentateur politique Steve Hilton a en effet déclaré sur la chaîne dimanche soir : « Vous pensez qu’il n’y a que le coronavirus qui tue les gens ? L’arrêt total de notre économie tuera aussi des gens. » Le principal conseiller économique de Trump, Larry Kudlow, a également déclaré : « Le président a raison, et nous allons devoir faire des compromis difficiles. »
Au bord du gouffre
S’il est vrai que le coronavirus aura des effets dévastateurs sur l’économie américaine, le pays demeure néanmoins l’un des plus riches du monde et peut emprunter de l’argent à des taux d’intérêt proches de zéro – ce qui devrait minimiser les dommages. Mais il est impossible de ramener les gens à la vie. Pourtant, la santé économique des Etats-Unis semble plus importante que celle de ses habitants pour Donald Trump.
Recommander aux Américains de continuer à faire comme si de rien n’était serait à coup sûr fatal à des milliers de personnes et entraînerait de toute façon l’arrêt de l’économie. Les hôpitaux seront débordés et manqueront d’équipements. Comme l’a montré le New York Times, sans distanciation sociale, le pays pourrait compter jusqu’à 9,4 millions de personnes infectées, et il est impossible que les hôpitaux puissent accueillir ne serait-ce qu’une fraction de cette population.
Seul le docteur Anthony Fauci – l’immunologiste qui dirige l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses – a tenu tête à Trump. Il a directement contredit ses déclarations, mais cela pourrait lui coûter cher. Le président a ouvertement déclaré qu’il « n’était pas d’accord » avec lui sur plusieurs points dont l’efficacité des médicaments contre le paludisme. Mais ça n’a pas empêché Fauci de plaisanter dans une récente interview : « À ma connaissance, je n’ai pas été viré« .
Le problème de la distanciation sociale est qu’il faut du temps pour prouver son efficacité. L’Italie ne voit que maintenant les résultats de ses efforts. Le nombre de décès dus au coronavirus a ralenti pour la deuxième journée consécutive lundi, deux semaines après que le Premier ministre ait mis tout le pays en quarantaine le 9 mars.
Traduit et adapté par Jessica Saval
*Source : Rolling Stone