Quels sont les scénarios géopolitiques pour l’après-pandémie du Coronavirus ?
18 avril 2020
Luc MichelVendredi 17 avril 2020 LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/ « Nous traversons ce qui, à tous les égards, est une grande crise, il est donc naturel de supposer qu’elle se révélera être un tournant dans l’histoire moderne. Dans les mois qui ont suivi l’apparition de COVID-19, la maladie causée par le nouveau coronavirus, les analystes ont différé sur le type de monde que la pandémie quittera dans son sillage. Mais la plupart soutiennent que le monde dans lequel nous entrons sera fondamentalement différent de ce qui existait auparavant. Certains prédisent que la pandémie entraînera un nouvel ordre mondial dirigé par la Chine; d’autres pensent que cela déclenchera la disparition du leadership chinois. Certains disent que cela mettra fin à la mondialisation; d’autres espèrent qu’il inaugurera une nouvelle ère de coopération mondiale. Et d’autres encore projettent de faire monter le nationalisme, de saper le libre-échange et de conduire à un changement de régime dans divers pays – ou tous ces éléments » L’avenir n’est écrit nulle part. Il n’y a pas un chemin déterminé pour l’après-pandémie, mais des scénarios variés pour des futurs possibles. J’ai traité ce madin pour LIGNE ROUGE sur AFRIQUE MEDIA cet important sujet complexe : * Voir sur LUC-MICHEL-TV : * Thème de l’émission : LES QUESTIONS SOULEVEES Je soulève et je réponds aux questions suivantes : Après avoir regardé mon analyse, je vous invite à approfondir les éléments géopolitiques de celle-ci. La Pandémie est parcourue de conflits (vois mes analyses sur les « guerres du coronavirus ») et partant ceux-ci détermineront le monde futur de l’après-pandémie. Au premier plan de ces conflits la confrontation Chine vs USA. La pandémie a vu à son stade actuel la chute de l’Occident, son déclassement, sa « tiers-mondisation » (1). Mais certains en on tiré des conclusions aventureuses. Les américains, et leurs vassaux français, n’ont pas dit leur dernier mots. Et leurs théoriciens et géopoliticiens y voient même une « accélération de l’Histoire », que Washington entend dominer … # ELEMENTS POUR COMPRENDRE MON ANALYSE 1- Le géopolitogue américain Michael Beckley (2) défend l’idée que « l’empire du Milieu, plutôt que d’être ascendant, est en fait en perte de vitesse, ce qui le rend d’autant plus dangereux ». Le Point (Paris ce 10 avril) commente ses thèses : « La question n’est pas de savoir si une puissance en proie a des difficultés économiques va rechercher l’expansionnisme international, mais celle de savoir quelle forme cet expansionnisme prendra ». « La question n’est pas de savoir si une puissance en proie à des difficultés économiques va rechercher l’expansionnisme international, mais celle de savoir quelle forme cet expansionnisme prendra. » Selon Michael Beckley – qui résume ses thèses dans l’influente revue conservatrice FOREIGN AFFAIRES, celle de Albright ou Brzezinski – , « la thèse géopolitique le plus en vogue, de nos jours, est celle de l’ascension de la Chine, qui progressivement va supplanter l’hégémonie américaine à l’échelle mondiale. Les signes de cette irrésistible ascension ne sont-ils pas omniprésents ? Les investissements chinois couvrent toute la planète. La marine chinoise patrouille le long des principales voies maritimes, tandis que Pékin colonise lentement la mer de Chine méridionale. Et, pendant ce temps, le pouvoir chinois étouffe toute opposition interne et entonne le péan du nationalisme ». Il définit l’histoire géopolitique de notre temps comme « la mort lente de l’hégémonie américaine en faveur d’une Chine montante. Les signes avant-coureurs de l’ascension de Pékin sont partout. Les investissements chinois à l’étranger couvrent le monde. La marine chinoise patrouille les grandes voies maritimes, tandis que le pays colonise la mer de Chine méridionale au ralenti. Et le gouvernement réprime la dissidence à la maison tout en administrant une bonne dose de propagande nationaliste ». Mais le capitole est (déjà) proche de la Roche tarpiéenne pour Pékin : « La nouvelle affirmation de Pékin ressemble à première vue à la marque d’une puissance et d’une ambition croissantes. Mais en fait ce n’est rien de tel. Les actions de la Chine reflètent un profond malaise parmi les dirigeants du pays, alors qu’elles luttent contre le premier ralentissement économique soutenu de leur pays depuis une génération et qu’elles ne voient aucune fin. La situation économique de la Chine s’est régulièrement dégradée depuis la crise financière de 2008. Le taux de croissance du pays a chuté de moitié … » (3) 2 Richard Haass, le Président du puissant ‘Council on Foreign Relations’, sort un livre en mai : “The World: A Brief Introduction” (le 12 mai chez Penguin Press). Comme Beckley, il résume ses thèses pour FOREIGN AFFAIRS (4) : « La pandémie va accélérer l’histoire plutôt que la remodeler » et « Toutes les crises ne sont pas un tournant » : « Nous traversons ce qui, à tous les égards, est une grande crise, il est donc naturel de supposer qu’elle se révélera être un tournant dans l’histoire moderne. Dans les mois qui ont suivi l’apparition de COVID-19, la maladie causée par le nouveau coronavirus, les analystes ont différé sur le type de monde que la pandémie quittera dans son sillage. Mais la plupart soutiennent que le monde dans lequel nous entrons sera fondamentalement différent de ce qui existait auparavant. Certains prédisent que la pandémie entraînera un nouvel ordre mondial dirigé par la Chine; d’autres pensent que cela déclenchera la disparition du leadership chinois. Certains disent que cela mettra fin à la mondialisation; d’autres espèrent qu’il inaugurera une nouvelle ère de coopération mondiale. Et d’autres encore projettent de faire monter le nationalisme, de saper le libre-échange et de conduire à un changement de régime dans divers pays – ou tous ces éléments. » Pandémie n’implique donc pas révolution : Il est trop tôt pour prédire la fin de la crise elle-même. Que ce soit dans six, 12 ou 18 mois, le calendrier dépendra de la mesure dans laquelle les gens suivront les directives de distanciation sociale et l’hygiène recommandée; la disponibilité de tests rapides, précis et abordables, de médicaments antiviraux et d’un vaccin; et l’étendue de l’aide économique accordée aux particuliers et aux entreprises. Pourtant, le monde qui sortira de la crise sera reconnaissable. Affaiblissement du leadership américain, coopération mondiale défaillante, discorde des grandes puissances: tout cela caractérisait l’environnement international avant l’apparition de COVID-19, et la pandémie les a mis en relief plus que jamais. Ce sont probablement des caractéristiques encore plus importantes du monde qui va suivre. » Au cœur du monde à venir se pose la question de l’hégémonie américaine ou se son leadership : « L’une des caractéristiques de la crise actuelle est un manque marqué de leadership américain. Les États-Unis n’ont pas rallié le monde dans un effort collectif pour affronter le virus ou ses effets économiques. Les États-Unis n’ont pas non plus rallié le monde pour suivre son exemple dans la résolution du problème chez eux. D’autres pays se prennent en charge du mieux qu’ils peuvent ou se tournent vers ceux qui ont dépassé le pic d’infection, comme la Chine, pour obtenir de l’aide. Mais si le monde qui suit cette crise sera un monde dans lequel les États-Unis dominent de moins en moins – il est presque impossible d’imaginer quiconque écrit aujourd’hui sur un «moment unipolaire» – cette tendance n’est pas nouvelle. Cela est évident depuis au moins une décennie. Dans une certaine mesure, cela résulte de ce que Fareed Zakaria a décrit comme «la montée du reste» (et de la Chine en particulier), qui a entraîné une baisse de l’avantage relatif des États-Unis, même si leur force économique et militaire absolue a continué de croître. Mais plus encore, c’est le résultat d’une volonté américaine défaillante plutôt que d’une baisse de la capacité américaine. Le président Barack Obama a supervisé un retrait de l’Afghanistan et du Moyen-Orient. Le président Donald Trump a surtout utilisé le pouvoir économique pour affronter ses ennemis. Mais il a essentiellement mis fin à la présence américaine en Syrie, et cherche à faire de même en Afghanistan, et, ce qui est peut-être plus important, a montré peu d’intérêt soit pour les alliances, soit pour le maintien du rôle de chef de file traditionnel des États-Unis dans la résolution des principaux problèmes transnationaux. Bien avant que COVID-19 ne ravage la terre, l’attrait du modèle américain avait déjà décliné de façon abrupte. » Haass rappelle que cette problématique est déjà celle qui a amené Trump, le choix du militarisme américain (5), au pouvoir : « La perspective de ce changement était une grande partie de l’attrait du message de Trump «l’Amérique d’abord», qui promettait que les États-Unis seraient plus forts et plus prospères s’ils faisaient moins à l’étranger et concentraient leurs énergies sur les questions intérieures. Ce point de vue implicite reposait sur l’hypothèse qu’une grande partie de ce que les États-Unis faisaient dans le monde était un gaspillage, inutile et sans rapport avec le bien-être national. Pour de nombreux Américains, la pandémie renforcera probablement ce point de vue malgré le fait qu’elle devrait plutôt mettre en évidence la façon dont le bien-être intérieur est affecté par le reste du monde; Les États-Unis, diront-ils, devront se concentrer sur le redressement et consacrer des ressources aux besoins nationaux plutôt qu’à l’étranger, au beurre plutôt qu’aux armes à feu. C’est un faux choix, car le pays a besoin et peut se permettre les deux, mais il est probable qu’il sera tout de même argumenté. » 3- Le général français Dominique Delawarde (6) identifie un nouveau courant complotiste, le « complotiste atlantiste », alimenté par les USA et l’OTAN. Le génral commence par régler le compte du complotisme ‘dans lequel je vois moi une falsification incapacitante de l’Histoire) : « La pandémie qui frappe principalement les pays de la coalition occidentale, le confinement forcé qui en découle pour la population de la majorité d’entre eux et le temps libre gracieusement offert à de nombreux citoyens ont favorisé la recherche d’information et les échanges par internet. Comme souvent, les parties complotistes de la société ont proposé des réponses, évidentes pour elles, mais peu convaincantes, in fine, aux questions les plus fréquentes que chacun se pose sur cette pandémie. » Dalawarde identifie un nouveau complotisme, « un complotisme atlantiste » : « Le complotisme atlantiste est clairement anti-chinois et anti-russe (normal puisqu’il est atlantiste). Je rappelle, à ceux qui l’ignorent, que la Chine et la Russie sont les deux «menaces majeures» présentées dans la «National Defense Strategy» US de février 2018 et que, jusqu’à preuve du contraire, l’Amérique est le chef de meute incontesté de l’OTAN. » A l’origine de cette désinformation atlantiste, nous retrouvons de vieilles connaissances : « On retrouve très facilement les «sites sources» des fakes news, des allégations et des insinuations malveillantes contre la Chine et la Russie. Ce sont le plus souvent des sites anglosaxons, souvent d’ONG qui s’autoproclament indépendantes, mais déjà connues pour être financées par Monsieur SOROS ou la CIA. Ces allégations et insinuations sont souvent reprises par des journalistes mainstream européens très peu regardants sur leurs sources ». Que nous disent ces «complotistes» atlantistes? La deuxième raison est de tenter de rebâtir «une cohésion otanienne», face à un adversaire commun (imaginaire), le duo Chine-Russie. Cette cohésion a été mise à mal par la gestion du «chacun pour soi» de l’épidémie Covid-19 en occident. Le manque de solidarité de l’UE et de l’OTAN à l’égard de l’Italie, la piraterie US sur les cargaisons de masques destinées à la France resteront dans les mémoires » … NOTES ET RENVOIS : (1) Cfr. LUC MICHEL’S GEOPOLITICAL DAILY/ GEOPOLITIQUE DU CORONAVIRUS: COMMENT LA PANDEMIE PROVOQUE LA CHUTE ET LA ‘TIERS-MONDISATION’ DU PREMIER MONDE OCCIDENTAL !? (2) Michael Beckley est professeur agrégé de science politique à l’Université Tufts et chercheur invité Jeane Kirkpatrick à l’American Enterprise Institute. Ses recherches sur les relations américano-chinoises ont reçu des prix de l’American Political Science Association et de l’International Studies Association et ont été présentées par de nombreux médias, notamment le Financial Times, les Affaires étrangères, Foreign Affairs, le New York Times, le NPR et le Washington Post. Auparavant, Michael a travaillé pour la Kennedy School of Government de Harvard, le département américain de la Défense, la RAND Corporation et le Carnegie Endowment for International Peace. Il continue de conseiller des bureaux au sein de la communauté américaine du renseignement et du département américain de la Défense. (3) Michael Beckley, “The United States Should Fear a Faltering China. Beijing’s Assertiveness Betrays Its Desperation”, FOREIGN AFFAIRS, USA, October 28, 2019. (4) Richard Haass, “The Pandemic Will Accelerate History Rather Than Reshape It. Not Every Crisis Is a Turning Point”, FOREIGN AFFAIRS, USA, April 7, 2020. (5) Cfr. Luc MICHEL pour EODE THINK TANK/ (6) Dominique Delawarde, général (2s), ancien chef du bureau Situation-Renseignement-Guerre Électronique de l’Etat-major Interarmées de Planification Opérationnelle. Il fait le point, tous les jours, sur la pandémie Covid-19. (Sources : Afrique Media – Le Point – Foreign Affairs – EODE Think Tanks) LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE * Avec le Géopoliticien de l’Axe Eurasie-Afrique : * Luc MICHEL (Люк МИШЕЛЬ) : Le sommaire de Luc Michel |
Source : Luc MICHEL |