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26 avril 2024

« Les États-Unis ont une longue histoire de racisme »


Interview

Dr. David Schultz :
Mohsen Abdelmoumen

Dr. David Schultz. DR.

Lundi 20 juillet 2020

English version here

Mohsen Abdelmoumen :  Votre travail remarquable s’est soldé par un constat sans concession dans votre livre ”American Politics in the Age of Ignorance”. Comment expliquez-vous que les États et les décideurs politiques reproduisent les mêmes politiques qui ont échoué ?

Dr. David Schultz : Il y a plusieurs raisons. L’une d’elles est en réalité la question du manque de connaissances et de temps où les décideurs politiques cherchent des solutions à des problèmes communs et sont enclins à chercher ailleurs des réponses ou des solutions possibles. Ainsi, le concept de diffusion des idées politiques d’une juridiction à l’autre l’explique. Mais il y a aussi d’autres facteurs. Le rôle des lobbyistes et des intérêts particuliers qui font avancer un agenda politique, dotés du pouvoir de l’argent pour permettre la mise en œuvre des programmes politiques. On peut également souligner l’incapacité à s’engager réellement dans une politique basée sur des faits ou des preuves pour guider les prises de décision.

Votre livre “Election Law and Democratic Theory” fait état d’un déficit démocratique. Ne faut-il pas approfondir le débat à propos du droit électoral ou tout simplement de la pratique démocratique ?

Oui, le but de mon livre est de faire valoir que la loi électorale a besoin d’une théorie plus approfondie de la démocratie et de la pratique démocratique pour la guider et l’informer. Le droit électoral implique souvent des choix normatifs difficiles concernant les droits spécifiques des individus par rapport au gouvernement ou à d’autres individus. Tels que ceux dont les droits à la liberté d’expression prévalent. Une théorie de la démocratie est nécessaire pour guider le droit électoral et aider à éclairer ces choix.

Peut-on dire qu’un président qui brandit la bible sur fond de révolte est le président de tous les Américains ? 

Il ne l’est plus, surtout dans une culture qui est multireligieuse et aussi de moins en moins religieuse. Peut-être qu’à une certaine époque, les États-Unis étaient de nature chrétienne dans la pratique (bien que non constitutionnellement), mais c’est moins le cas aujourd’hui et l’appel présidentiel aux symboles religieux est source de division.

L’une des conséquences du règne de Donald Trump n’est-elle pas la crise que vivent les USA avec ce grand soulèvement populaire suite à l’assassinat de George Floyd ?

George Floyd devait arriver. Les États-Unis ont une longue histoire de racisme qui remonte à leur fondation et l’inégalité raciale a stagné au cours des 25 à 50 dernières années. L’utilisation de la force par la police contre les personnes de couleur est également devenue un sérieux problème. Les politiciens ont promis des réformes, mais peu de choses ont été mises en place. En conséquence, lorsque Floyd a été tué, cela a débouché sur une frustration et une colère de plusieurs années.

Votre article “The Covid-19 Bailout: Another Failed Opportunity at Structural Change” est très intéressant. La crise du Covid-19 a mis à nu le système capitaliste. Ne pensez-vous pas qu’il y a beaucoup de leçons à retenir de la crise du Covid-19 ? Le moment n’est-il pas propice pour un vrai changement au lieu d’opter pour la réforme d’un système moribond ?

Le Covid-19 a révélé beaucoup de faiblesses dans le capitalisme non régulé. Il a notamment souligné les faiblesses de la forme de capitalisme que les États-Unis pratiquent ainsi que de leurs infrastructures de santé publique. De réels changements dans ces deux domaines sont probablement nécessaires pour faire face aux futures pandémies ainsi qu’aux inégalités de la société américaine.

Vous avez écrit “What If They Held a Revolution and No One Came?” dans lequel vous faites un constat pertinent. Ne pensez-vous pas que pour qu’il y ait un changement radical, il faut qu’il y ait une gauche authentique ? La gauche américaine n’est-elle pas à reconstruire ?

Aux États-Unis, la gauche a toujours été faible et divisée. De plus, la gauche aux États-Unis est différente de la gauche dans d’autres pays. En effet, la gauche ici n’est ni socialiste ni communiste et n’est peut-être même pas aussi progressiste que les partis sociaux-démocrates de Scandinavie. Elle est divisée sur la question de savoir si la classe, l’identité ou les intérêts devraient être le ciment pour maintenir la gauche unie.

Comment expliquez-vous l’incapacité des démocrates à constituer une véritable alternative à Donald Trump ?

Le Parti démocrate américain est un parti plutôt centriste, mais il est divisé en interne avec une ancienne et une nouvelle génération de membres qui partagent des visions du monde et des positions politiques différentes. Cela signifie que le parti n’a pas un programme clair comme Trump, ce qui rend plus difficile de leur trouver un candidat de premier choix. De plus, pour comprendre la politique américaine, il faut aussi saisir comment notre fédéralisme et les taux de participation électorale de certains groupes affectent la sélection des candidats et les élections. Le résultat est qu’un Biden peut souvent être le candidat de compromis même s’il n’est pas le candidat de premier choix pour beaucoup.

Quelle est votre analyse concernant les évènements graves que connaissent les États-Unis après l’assassinat de George Floyd par des policiers de Minneapolis ?

Il s’agissait d’un événement grave mais, comme indiqué plus haut, il n’était pas inattendu. Le racisme et l’usage excessif de la force par la police sont des problèmes qui se posent depuis des années. La question est maintenant de savoir si la réaction à la mort de Floyd entraînera un changement de politique progressiste ou une réaction conservatrice. Les deux sont possibles.

Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

Qui est le Dr. David Schultz ?

Dr. Schultz est professeur de sciences politiques à l’université Hamline. Il enseigne dans un large éventail de cours de politique américaine, notamment la politique et l’administration publiques, les campagnes et les élections, et l’éthique gouvernementale. David est également professeur à la Hamline and University of Minnesota Schools of Law où il enseigne le droit électoral. David est l’auteur de 30 livres et de plus de 100 articles sur divers aspects de la politique américaine, de la loi électorale, des médias et de la politique, et il est régulièrement interviewé et cité dans les médias locaux, nationaux et internationaux sur ces sujets par des journaux tels que le New York Times, le Wall Street Journal, le Washington Post, The Economist et la National Public Radio. Ses livres les plus récents sont Presidential Swing States: Why Only Ten Matter (2015), Election Law and Democratic Theory (2014), et American Politics in the Age of Ignorance: Why Lawmakers Choose Belief Over Research (2013). Trois fois boursier Fulbright et ayant beaucoup enseigné en Europe, le professeur Schultz est le lauréat du prix national Leslie A. Whittington 2013 pour excellence dans l’enseignement des affaires publiques.

Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour publication

 

 

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Source : Mohsen Abdelmoumen
https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/…
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