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29 mars 2024

Le code noir, Colbert, la négrophobie d’Etat: le temps des réparations


Le code noir, Colbert, la négrophobie d’Etat: le temps des réparations

Dans une lettre ouverte au Ministre de la Justice, plusieurs intellectuels, militants politique, artistes et organisations anti-raciste soutiennent l’action symbolique menée par la Brigade Anti Négrophobie sur la statue de Colbert. « Réparer, c’est d’abord et avant tout rétablir la dignité bafouée des victimes du Code Noir, restaurer leur mémoire, restituer leur histoire volée… »

 

 

Monsieur le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux,

Le mardi 23 juin 2020, la statue de Colbert trônant à l’entrée de l’Assemblée nationale a été maculée de peinture rouge, couleur du sang versé par les victimes de l’esclavage négrier perpétré par la France pendant plusieurs siècles dans ses colonies et en Amérique, et taguée de l’inscription « NÉGROPHOBIE D’ÉTAT ».

L’auteur de cette action symbolique, Franco Lollia, porte-parole de la Brigade Anti Négrophobie et Guy Florentin avocat, expliquent :

Les Nostalgiques du régime esclavagiste du Sud des États-Unis défendent les statues des généraux confédérés « séparatistes » qui ont combattu l’Union pour maintenir l’esclavage des Noirs.

L’État français et les nostalgiques du temps béni des colonies défendent la statue de Colbert « séparatiste en chef », créateur du Code Noir promulgué en 1685 qui a évacué l’homme noir du genre humain : « déclarons les esclaves être meubles » (article 44).

Grâce au geste symbolique et pédagogique de la Brigade Anti Négrophobie, amplement divulgué par tous les médias, nul n’ignore désormais en France la présence statufiée de Colbert à l’entrée de l’Assemblée Nationale, et chacun a appris, en même temps, que cet auguste personnage est l’instigateur, l’inspirateur du Code Noir, qui, en raison de la seule couleur de peau, a légalisé la vente, l’achat, le vol, la déportation, le meurtre, le lynchage, le viol, d’un mot la déshumanisation d’enfants, de femmes et d’hommes, dans le but d’enrichir la France, et les a maintenus prisonniers de ce système de Terrorisme d’État jusqu’en 1848.

Il s’agit bien de terrorisme d’État, car les malheureux qui tentaient d’échapper à ce régime barbare avaient les oreilles coupées et étaient marqués d’une fleur de lys sur une épaule à la première tentative ; à la deuxième tentative, ils avaient le jarret coupé et étaient marqués d’une fleur de lys sur l’autre épaule, et à la troisième tentative, ils étaient punis de mort (article 38). Le prix de l’esclave puni de mort par son maître était estimé avant l’exécution et payé au maître, par le représentant de l’État (article 40).

Ces femmes et ces hommes n’avaient aucun recours, car l’accès aux tribunaux leur était interdit (article 31), même comme témoins. Ils pouvaient, en revanche, être poursuivis « criminellement » (article 32). Leurs enfants ne leur appartenaient pas et pouvaient leur être arrachés et vendus étant la « propriété » du maître.

Le Code Noir n’était donc pas la prétendue « œuvre humanitaire » ayant donné à l’homme Africain des droits qu’il n’aurait pas possédés avant sa promulgation.

C’est pour réparer l’oubli insupportable et insultant pour la mémoire des victimes et de leurs descendants que les militants de la Brigade Anti-Négrophobie dénoncent le Code Noir et Colbert depuis près de deux décennies par des moyens juridiques et pacifiques, dans l’indifférence totale d’une Nation qui prône la liberté d’expression, mais qui, dans la réalité, en réserve certains usages à des « communicants autorisés » qui monopolisent la parole et forgent l’opinion publique.

Les défenseurs de la mémoire de Colbert, au plus haut sommet de l’État, même ceux qui jusque là ignoraient l’existence du Code Noir, se sont levés d’un bond pour défendre leur héritage et l’histoire de France outragée par ceux qui « veulent réécrire l’histoire » et en imposer leur vision.

La réalité est que ces gardiens du Temple de l’Histoire, s’estiment les seuls détenteurs de la vérité historique, même quand cette « histoire » veut faire rentrer à toute force dans nos têtes à cheveux crépus « nos ancêtres les gaulois ».

Car, pour ces gardiens plus politiques qu’historiens, certes, Colbert est l’auteur du Code Noir, mais il a surtout été le grand ministre de la marine qui a contribué à la richesse, à la prospérité, à la puissance de la France. Peu leur importe que cette richesse, cette prospérité, cette puissance aient été puisées dans le sang et l’exploitation de millions et millions d’Africains volés, déportés, et forcés à travailler jusqu’à la mort dans les plantations, ces camps de torture et de concentration pour Noirs des colonies et des Amériques.

Pourtant, en 2001, la France s’est dotée d’une loi reconnaissant que l’esclavage des Africains pratiqué pendant plusieurs siècles était un crime contre l’humanité. Malgré cela, en 2020, le Responsable en Chef de ce Crime contre l’humanité, Colbert, trône encore à l’entrée du lieu de rassemblement des représentants de la Nation française dont la devise est « Liberté Égalité Fraternité », Nation qui a décrété dès 1789 que les « hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » (article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de du 26 aout 1789).

Il est vrai que Jules Ferry, fondateur de l’école publique laïque gratuite, nous a vendu la mèche à la tribune de la Nation, le 28 juillet 1885, en nous révélant, au cours d’un débat sur la politique coloniale de la France, que la  Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 n’avait pas été écrite pour les nègres. Et ce, bien après l’abolition de l’esclavage en 1848.

La Négrophobie légale d’État a donc survécu tranquillement à l’ombre des Lumières…

La loi de 2001 serait-elle devenue une simple opération de communication et d’auto-glorification de la France ? Dans les faits, cette loi n’a apporté aucun remède aux injustices sociale, économique et culturelle, accumulées depuis plusieurs générations, et héritées du Code Noir. Et, à l’exemple du décret d’abolition de 1848, elle exclut toute mesure visant à réparer les conséquences tragiques du traitement inhumain dont les descendants des victimes, quelle que soit leur classe sociale, portent encore les stigmates.

Le décret d’abolition de l’esclavage indemnisa de leur perte les « propriétaires » des prisonniers du Code Noir ; autrement dit, la République racheta aux colons leurs « propriétés humaines », en laissant ces femmes et ces hommes devenus « libres » démunis, sans ressources ni compensation, à la merci de leurs anciens bourreaux devenus leurs « patrons ».

Oui, le temps des vraies réparations est venu.

Réparer, c’est d’abord et avant tout rétablir la dignité bafouée des victimes du Code Noir, restaurer leur mémoire, restituer leur histoire volée, leur culture volée, leurs identités détruites, restituer à leurs descendants leur héritage économique et culturel volé, leur permettre de jouir pleinement de tous les droits contenus dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et notamment les droits à la liberté d’expression, et d’accès à une justice impartiale, pour statuer sur leur droit naturel à réparation, et non pas seulement pour les poursuivre « criminellement » (article 32 du Code Noir).

Cette réparation passe par l’affirmation et la reconnaissance que les êtres humains, volés, déportés et mis en esclavage dans les colonies françaises n’étaient ni des biens meubles, ni des sous-hommes, mais des êtres humains victimes de la plus grande des injustices, en raison de la couleur de leur peau, et au seul but d’enrichir la France.

Tant que la statue de Colbert trônera à l’entrée du lieu de rassemblement de la Nation française prétendument « une et indivisible », et donc anti-« séparatiste » c’est encore Jules Ferry qui continuera d’avoir le dernier mot.

Signataires individuels :

Maboula Soumahoro, Black History Month
Danièle Obono, députée de Paris, groupe La France Insoumise
Louis SalaMolins, philosophe
Cornel West, universitaire
Rokhaya Diallo, journaliste, réalisatrice
Françoise Vergès, politologue, féministe decoloniale antiraciste
Mireille Fanon MendèsFrance, Fondation Frantz Fanon
Olivier Besancenot, porte-parole NPA
Philippe Poutou, porte-parole NPA
Christine Poupin, porte-parole NPA
Chairman Fred Hampton Jr, Black Panther Party Clubs
Amzat Boukari, historien
Olivier Salès, University of Miami
Ralph Heynedels, University of Miami
Norman Ajari, docteur en philosophie
Tommy J. Curry, docteur en philosophie
Sarah Riggs, poétesse, New-York
Trica Keaton, Dartmouth College
Bruce Ykanji, CEO groupe Juste Debout
Tiga, journaliste
Gerty Dambury autrice, metteure en scène
Jalil Leclaire comédien, metteur en scène
Marina Monmirel, comédienne
Michèle Sibony, UJFP
Dominique Natanson, UJFP
Houria Bouteldja, PIR
Jawad Bachare,CCIF
Ghyslain Vedeux, président du Cran
Saimir Mile, La Voix des Rroms
Philippe Pierre Charles, responsable syndical et politique martiniquais
Omali Yeshitala, président du parti socialiste du peuple africain (ASAP)
Tafari Mugeri, président de la branche sud-africaine de l’organisation IPDUM
Nelson Maldonaldo Torrès, Rutgers University
Sadia Diawara, producteur audiovisuel

Signataires collectifs :

Brigade Anti Négrophobie
Uhuru Afrique
Unité Dignité Courage
Ligue de Défense Noire Africaine
Décoloniser les arts
Collectif Contre l’Islamophobie en France
Union Juive Française pour la Paix
Parti des Indigènes de la République
Fondation Frantz Fanon
Conseil Représentatif des Associations Noires
La Voix des Rroms
Union syndicale Solidaires
Nouveau Parti Anticapitaliste

 

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