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18 novembre 2024

La Chine et la Russie s’allient pour mettre fin à la suprématie du dollar


La Chine et la Russie s’allient pour mettre fin à la suprématie du dollar

par lecridespeuples

La Chine et la Russie ont réduit de moitié environ leur utilisation du dollar dans leurs accords commerciaux au cours des cinq dernières années. La part du billet vert dans le commerce entre les deux pays est tombée sous les 50% pour la première fois.

Source : Financial Times, 17 août 2020

Traduction : lecridespeuples.fr

La Russie et la Chine s’associent pour réduire leur dépendance vis-à-vis du dollar, une évolution qui, selon certains experts, pourrait conduire à une « alliance financière » entre les deux pays.

Au premier trimestre de 2020, la part du dollar dans les échanges commerciaux entre la Russie et la Chine est tombée en dessous de 50% pour la première fois, selon des données récentes de la Banque centrale de Russie et du Service fédéral des douanes.

Le billet vert n’a été utilisé que pour 46% des échanges entre les deux pays. Dans le même temps, l’euro a atteint un sommet historique de 30%, tandis que les monnaies nationales respectives, la rouble et le remnibi (RMB) représentaient 24%, également un nouveau sommet.

La Russie et la Chine ont considérablement réduit leur utilisation du dollar dans le commerce bilatéral au cours des dernières années. Pas plus tard qu’en 2015, environ 90% des transactions bilatérales étaient effectuées en dollars. À la suite du déclenchement de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et d’une poussée concertée de Moscou et de Pékin pour s’éloigner du dollar, ce chiffre était tombé à 51% en 2019.

Alexey Maslov, directeur de l’Institut d’études sur l’Extrême-Orient de l’Académie des sciences de Russie, a déclaré à Nikkei Asian Review que la « dé-dollarisation » Russie-Chine approchait d’un « moment décisif » qui pourrait élever leur relation à une alliance de facto.

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Part du dollar en pourcentage dans les échanges commerciaux entre la Russie et la Chine

« La collaboration entre la Russie et la Chine dans le domaine financier nous indique qu’ils sont finalement en train de trouver les paramètres d’une nouvelle alliance bilatérale », a-t-il déclaré. « Beaucoup s’attendaient à ce que ce soit [seulement] une alliance militaire ou une alliance commerciale, mais maintenant, l’alliance évolue davantage dans la direction bancaire et financière, et c’est ce qui peut garantir l’indépendance des deux pays. »

La dé-dollarisation est une priorité pour la Russie et la Chine depuis 2014, date à laquelle les deux pays ont commencé à étendre leur coopération économique à la suite de l’éloignement de Moscou de l’Occident suite à la crise ukrainienne et à l’annexion de la Crimée. Le remplacement du dollar dans les accords commerciaux est devenu une nécessité pour contourner les sanctions américaines contre la Russie.

« Toute transaction électronique qui a lieu dans le monde et implique des dollars américains est à un moment donné validée par une banque américaine », a déclaré Dmitry Dolgin, économiste en chef d’ING Bank pour la Russie. «  Cela signifie que le gouvernement américain peut dire à cette banque de geler certaines transactions. »

Le processus a pris de l’ampleur après que l’administration Trump a imposé des droits de douane sur des centaines de milliards de dollars de produits chinois. Alors que précédemment, Moscou avait pris l’initiative de la dé-dollarisation, Pékin en est venu à la considérer également comme vitale.

« Ce n’est que très récemment que l’État chinois et les principales entités économiques ont commencé à penser qu’ils pourraient se retrouver dans une situation similaire à celle de nos homologues russes : être la cible des sanctions et même potentiellement être exclus du système Swift », a déclaré Zhang Xin, chercheur au Center for Russian Studies de l’Université normale de Chine orientale de Shanghai.

En 2014, la Russie et la Chine ont signé un accord d’échange de devises sur trois ans d’une valeur de 150 milliards de RMB (24,5 milliards de dollars). L’accord a permis à chaque pays d’avoir accès à la monnaie de l’autre sans avoir à l’acheter sur le marché des devises étrangères. L’accord a été prolongé de trois ans en 2017.

Un autre jalon est survenu lors de la visite du président chinois Xi Jinping en Russie en juin 2019. Moscou et Pékin ont conclu un accord pour remplacer le dollar par des devises nationales pour les règlements internationaux entre eux. L’accord a également appelé les deux parties à développer des mécanismes de paiement alternatifs au réseau Swift dominé par les États-Unis pour la conduite du commerce en roubles et en renminbi (RMB).

Au-delà du commerce en monnaies nationales, la Russie accumule rapidement des réserves de renminbi aux dépens du dollar. Début 2019, la banque centrale de Russie a révélé qu’elle avait réduit ses avoirs en dollars de 101 milliards de dollars, soit plus de la moitié de ses actifs en dollars existants. L’un des plus grands bénéficiaires de cette initiative a été le renminbi, qui a vu sa part des réserves de change de la Russie passer de 5% à 15% après que la banque centrale a investi 44 milliards de dollars dans la monnaie chinoise.

À la suite de ce changement, la Russie a acquis un quart des réserves mondiales de renminbi.

Plus tôt cette année, le Kremlin a autorisé le fonds souverain russe à commencer à investir en renminbi et en obligations d’État chinoises.

La poussée de la Russie pour accumuler du renminbi ne consiste pas seulement à diversifier ses réserves de change, a expliqué M. Maslov. Moscou souhaite également encourager Pékin à s’affirmer davantage pour contester le leadership économique mondial de Washington.

« La Russie a une position considérablement plus décisive envers les États-Unis [que la Chine] », a déclaré M. Maslov. « La Russie a l’habitude de se battre, elle ne négocie pas. Une façon pour la Russie de rendre la position de la Chine plus décisive, plus disposée à se battre, est de montrer qu’elle soutient Pékin dans le domaine financier. »

Cependant, détrôner le dollar ne sera pas facile.

Jeffery Frankel, économiste à l’Université de Harvard, a déclaré à Nikkei que le dollar jouissait de trois avantages majeurs : la capacité de maintenir sa valeur sous la forme d’une inflation et d’une dépréciation limitées, la taille même de l’économie nationale américaine et le fait que les États-Unis aient des marchés financiers qui sont profonds, liquides et ouverts. Jusqu’à présent, a-t-il soutenu, aucune monnaie rivale ne s’est montrée capable de faire mieux que le dollar sur les trois points.

Pourtant, M. Frankel a également averti que si la position du dollar est sûre pour le moment, la montée en flèche des dettes et une politique de sanctions trop agressive pourraient éroder sa suprématie à long terme.

« Les sanctions sont un instrument très puissant pour les États-Unis, mais comme tout outil, vous courez le risque que d’autres commencent à chercher des alternatives si vous en faites trop », a-t-il déclaré. «  Je pense qu’il serait insensé de supposer qu’il est gravé dans le marbre que le dollar sera à jamais incontesté en tant que monnaie internationale numéro un. »

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