Aller à…
RSS Feed

29 mars 2024

«Séparatisme»: 100 voix musulmanes disent Stop


« Les gouvernements changent mais les obsessions demeurent ». À l’issue du discours d’E. Macron sur le « séparatisme islamique », plus d’une centaine de citoyens issus de la société civile disent Stop. « Stop à la stigmatisation des femmes musulmanes, Stop à la surenchère de débats politiques et médiatiques vides de toute substance, Stop aux disqualifications par capillarité, Stop, oui. Sans défiance ni complaisance. »

Du « Kärcher » de Nicolas Sarkozy à « l’Apartheid » de Manuel Valls, des « sauvageons » de Jean-Pierre Chevènement à « l’ensauvagement » de Gérald Darmanin, les habitants des quartiers populaires et plus particulièrement les musulmans font l’objet d’une attention de l’État toute particulière. Une telle obsession en temps de crise sanitaire et économique sans précédent susciterait l’étonnement, si elle n’était le fruit d’une stratégie politique mûrement réfléchie.

Nous assistons malheureusement, dans de longs silences coupables, à la mise sous contrôle et sous accusation constante de millions de citoyens, dont le seul tort est d’avoir choisi l’Islam pour religion et/ou d’hériter d’une couleur de peau qui déplait aux extrêmes, pour des raisons le plus souvent électorales.

À moins que ce soit « le nombre qui pose problème », comme le rappelait Claude Guéant.

Ainsi les gouvernements successifs n’ont eu de cesse, un mandat après l’autre, une nomination après l’autre, de rejouer le grand soir où enfin l’on viendrait à bout de la chimère que l’on s’était si besogneusement échinés à créer : la menace musulmane.

Plutôt que la nécessaire lutte contre le terrorisme comme un phénomène criminel, le président Macron participe aujourd’hui par son discours à construire le problème musulman, en visant les fidèles et leur foi. Cette « cinquième colonne » qui « gangrène la République », la fait trembler sur ses fondements et la menace… d’un bout de tissu.

Sur Marianne, c’est un bonnet phrygien.

Sur Maryam, le danger d’un « islam politique ».

Mais qu’on nous réponde : si la République a traversé les heures noires de l’histoire, les temps d’oppression, les guerres et les épreuves pour finalement s’effondrer sur elle-même quand quelques-uns de ses enfants prient et croient en Dieu, n’est-ce pas qu’elle s’est déjà abimée ? Si le simple fait d’être identifiables en tant que musulmans fait de nous des citoyens d’exception malgré notre engagement au quotidien dans la société, que reste-t-il des promesses d’égalité écrites sur le fronton de nos mairies ? Et si notre Nation tremble dès qu’elle entend que certains de ses citoyens sont musulmans, n’est-ce pas qu’elle est devenue bien fragile ?

Cette fragilité qui fait vaciller nos élites, quand la question des privilèges est posée. Cette fragilité qui agite de manière fébrile les commentateurs de nos chaînes d’infos à longueur d’antenne. Cette fragilité qui insuffle et normalise la délation au sein même de nos services publics, sitôt qu’un enfant musulman évoque le nom de Dieu.

Le chef de l’État, déjà en campagne, prétend désormais lutter contre le « séparatisme ». Lui aussi donnera des coups de menton et lui aussi donnera des gages. Il « restaurera l’ordre républicain », frappera un « grand coup dans la fourmilière », « sans déni ni tabou », loin de toute « bien-pensance ». S’il n’est donné aucune définition précise et objective des concepts qui sont ainsi agités, l’objectif est clair : restreindre une fois de plus les libertés, renforcer une politique d’exception et accroître le contrôle organisationnel, idéologique et théologique des communautés musulmanes. Ainsi parla Jupiter.

Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, seuls les schèmes de l’extrême droite et de la réaffirmation nationaliste en sortent validés. Plus grave encore : en officialisant toujours plus avant la politique du soupçon, on termine de décourager tous les musulmans qui essaient de faire œuvre commune, lassés de lutter pour faire entendre raison à une idéologie islamophobe devenue un dogme politique.

Nous disons STOP.

Stop à la stigmatisation des femmes musulmanes, qu’elles portent ou non un foulard, dont les choix vestimentaires sont devenus un objet de débat national. Stop au dévoiement des services publics à des fins de surveillance des usagers et personnels musulmans. Stop à la volonté délibérée de l’État, hier comme aujourd’hui, d’interagir avec les communautés musulmanes sur le mode du contrôle et de l’injonction, avec la constante volonté de choisir ses interlocuteurs, au mépris des choix et des voix des premiers intéressés.

Stop à la surenchère de débats politiques et médiatiques vides de toute substance. Stop à la mise en accusation de tout intervenant, musulman ou non, qui ne souscrit pas aux discours racistes devenus omniprésents sur nos écrans. Stop aux obsessions textiles, de nos caleçons sous la douche à nos jupes à l’école. Celui-ci a une barbe. Celle-ci a un foulard. Celui-ci une kippa. Celle-ci, une robe là-bas. Stop à l’inaction du CSA, censé garantir l’intégrité des discours radio-télévisés, qui n’essaie même plus de faire semblant, quand des milliers de saisines l’alertent chaque année sur les dérives d’émissions devenus des espaces de haine et de lynchage collectif.

Stop à la lâcheté politique qui consiste, pour éviter de « laisser ces thèmes à l’extrême droite », à les intégrer puis à les normaliser au sein de partis se disant « républicains ». Stop aux disqualifications par capillarité et aux attaques ad hominem, à défaut de débats d’idées et de projets collectifs. Stop aux fausses consciences du progrès, dont l’universalisme trop souvent incantatoire, les rend aveugles aux couleurs sauf pour discriminer.

Stop à la complaisance et à l’aliénation de trop de cadres musulmans, qui ont intériorisé les stigmates au point de se les approprier, faisant de la diabolisation de leurs coreligionnaires un moyen de se signaler, ici pour un poste, là pour une récompense. À remplacer la dignité par la docilité, ils oublient qu’en jetant en pâture aux racistes les barbus et les enfoulardées, ce sont eux qui constitueront les futures cibles de ceux dont ils cherchent si ardemment l’approbation.

Stop, oui. Sans défiance ni complaisance.

Nous, femmes et hommes musulmans, reprenons le contrôle de nos vies, de nos choix, de nos voix, de nos projets.

Sereinement, calmement, dignement, librement. Nous tendons la main à la collectivité : nous n’aspirons qu’à vivre à égalité – réelle et non décrétée –, plus encore, en fraternité.

Il est temps de nous entendre.

Pour signer le texte :  « Stop à la stigmatisation des musulmans, Non à une politique d’exception ! »


Signataires :

Nadia Aabida, Accompagnante des élèves en situation de handicap
Lahcen Abarri, Docteur en psychologie
Farida Abdelazim, Maman au foyer
Wissam Abichou, Cheffe d’entreprise
Lamine Aboubacar, Consultant Informatique
Moumainn Abouzayd, ORL et chirurgien cervico-facial
Youcef Achmaoui, Enseignant et imam
Fatiha Ajbli, Sociologue
Torya Akroum, Cheminote et militante
Shamir Alibaksh, Avocat
Hussam Alolaiwy, Ingénieur commercial
Kevin Anjjar, Reporter
Ghassane Baaziz, Cadre dans l’industrie pharmaceutique
Ibrahim Bechrouri, Doctorant en géopolitique et enseignant des universités
Aurélia Belahouel, Psychologue
Manel Belgourari, Gestionnaire recouvrement
Samira
Benmansour, Ingénieure commerciale
Feiza Ben Mohamed, journaliste
Yasmina Bennani, Journaliste
Nabil Berbour, Directeur de campagnes
Karima Berkouki, Juriste et Présidente associative
Sabrina Boubekeur, Educatrice spécialisée
Taha Bouhafs, Journaliste
Amina Boussenane, Responsable Bureau Etudes Ingénierie
Youcef Brakni, Militant associatif
Laurent Brieu, Développeur web
Enis Chabchoub, Consultant – Formateur informatique / Président associatif
Chakil Omarjee, Enseignant et imam
Brahim Charafi, Enseignant Chercheur
Misba Chaudary, Notaire
Hassanali Chaudhary, Data scientist
Farida Chebbah, Infirmière
Kaoutare Choukour, Avocate
Réda Choukour, Statisticien
Anas Daress, Ressources humaines
Benjamin De Amaral, Ingénieur en mathématiques financières
Hadjera Dellouche, Comptable
Abdelaziz Derdouri, Aumonier
Bassam Djebali, Infirmier
Djibril Doucouré, Diplômé en sciences politiques
Ali El Baz, Militant associatif
Fadma El Hadouchi, Hypnothérapeute
Badreddine El Kima, Responsable d’exploitation et cadre associatif
Zyad El Mejandel, Project Management officer
Ahmed Elfeky, Ingénieur
Ibn Arabi Elgoni, Consultant marketing
Hamza  Esmili, Chercheur et professeur de sociologie
Samira Essabar, Responsable marketing
Mounir Ezzaraoui, Enseignant
Khadija Fadel, Formatrice, juriste
Maryem Gargoubi, Journaliste
Mihane Giagnolini, Cadre dirigeant
Najoua Guelzim, Nutritioniste
Sefen Guez Guez, Avocat
Suat Gurcu, Consultant
Karima Haddadou, Naturopathe
Hasna Haïk, Écrivaine et artiste
Agnès Hmito, Fonctionnaire
Souad Husson, Coach parental
Aboubakar Islamov, Etudiant en architecture
Hicham Ismaili, Vidéaste
Fatima Jeffali, Responsable en Ressources humaines
Nezha Kandoussi, Formatrice en langues
Faïza Kaouachi, Assistante de direction
Anasse Kazib, Cheminot, syndicaliste
Hassiba Kechiche, Responsable de Projets / Administratrice chez Etudiants Musulmans de France
Mehdi Ketfi, Manager conseil
Rodoine Lajnef, Ingénieur aéronautique
Saïd Lasmak, Consultant stratégie d’entreprise
Anila Lehmer, Directrice d’établissements d’hébergement d’urgence et de réinsertion sociale
Hasna Louz, Avocate
Said Maadi, Gestionnaire de patrimoine bâti
Yannis Mahil, Doctorant
Karima Manaa, Infirmière en psychiatrie
Melina Maouche, Gérante d’auto-école
Djamel Maoui, Dessinateur Projeteur
Naziha Mayoufi, Enseignante
Islem Mestari, Étudiant en Histoire
Salima Mimoun, Sage femme
Boutouil Mohamed, Chef d’entreprise
Hannan Mohammad, Directeur associé dans le conseil en gestion des risques financiers
Hamza Mokhtari, Ingénieur en sécurité informatique / conseiller Municipal délégué au numérique
Saïd Moktafi, Directeur d’institut
Rabab Mosbah, Chirurgienne et gynécologue
Hafida Moujoud, Ingénieure pédagogique
Barbara Moullan, Formatrice fait religieux et laïcité
Marwan Muhammad, Statisticien
Amine Nait Daoud, Cadre dirigeant
Abdel Noubli, Courtier en Assurance
Najate Ochbouk, Data Scientist
Aicha Ouattou, Packager/intégratice d’application
Ayoub Ouchani, Étudiant en classe prepa
Azdine Ouis, Militant Associatif et Politique
Chadia OurabahMedjdoub, Assistante juridique
Fatmatül Pralong, Enseignante agrégée
Princess Aniès, Artiste, productrice, réalisatrice
Ali Rahni, Acteur associatif et militant EELV
Kawthar Raji, Professeure en communication digitale
Abderahmane Ridouane, Président du rassemblement des musulmans de Pessac
Jélane SaadAbouzayd, Doctorante ENS en Biologie du cancer
Montassir Sakhi, Doctorant en sociologie des religions
Samra Seddik, Sage-femme, présidente associative
Wadah Seddik, Responsable commercial
Samia Segueni, Agent administratif
Florim Selmani, Enseignant
Thomas Sibille, Libraire
Leila Sihabi-Namli, Co-gérante/directrice administrative
Omar Slaouti, Conseiller municipal à Argenteuil
Jamila Tanadrte, Maman à plein temps
Myriam Terristi, Etudiante
Charlotte Vrignaud, Éducatrice spécialisée
Zine Yahoui, Ingénieur Télécom
Melike Yazir, Journaliste

Partager

Plus d’histoires deDroit de l'Homme