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18 avril 2024

« L’Arabe ! Voilà l’ennemi. L’Islam, voici le Diable !… »


Publié par Gilles Munier sur 23 Octobre 2020, 11:47am

Catégories : #Islam

Pour mémoire: Extrait d’un livre écrit par Eugène Jung en… 1931: « Les Arabes et l’Islam en face des nouvelles Croisades ; Palestine et Sionisme ».

« L’Arabe ! Voilà l’ennemi. L’Islam, voici le Diable ! Tels sont les mots d’ordre qui circulent dans les Chancelleries, et que notre pays semble accepter, malgré des simagrées extérieures. On croit rêver (…). Nulle part on ne se préoccupe des résultantes de cette fâcheuse mentalité, du choc en retour qui peut atteindre l’Europe, de la force encore insoupçonnée qui, d’un jour à l’autre, se révèlera parmi ces nouveaux parias. Personne ne veut se rappeler que notre civilisation occidentale vient en majeure partie des milieux arabes et islamiques, et que le réveil de ces peuples, écrasés par l’oppression pendant des siècles, est plus imminent que jamais. Il ne faut pas oublier non plus que la jeunesse arabe et musulmane, fort instruite, si elle est moins pratiquante, est devenue par contre d’un nationalisme suraigu. Elle comprend son devoir et ne reculera devant rien pour réaliser ses légitimes aspirations.

Telles sont les considérations générales que nous tenons à faire connaître tout au moins à notre patrie, à la France, si intéressée à conserver ses anciens amis et à les transformer en solides alliées.

Que les autres nations continuent leurs errements qui cadrent bien avec leur mentalité ! Peu nous chaut. Nous, France, nous devons poursuivre notre route, droite, nette, franche, sans nous mettre à la remorque d’intrigants de tous genres, sans nous départir de notre libéralisme, sans faire dépendre notre politique extérieure de combinaisons de politique intérieure.

Nous écrivions récemment à propos du Maroc à une des plus éminentes autorités de l’Etat : “Je me demande quel mauvais génie incite cer­taines hautes personnalités à tout faire pour que du mal arrive à notre pauvre patrie !“.

Il faut que toutes les combinaisons louches aient une fin. Si nous ne savons plus en haut lieu ce qu’est le sentiment, si nous avons oublié les services im­menses rendus par nos contingents arabes et musul­mans pendant le guerre de 1914, et par tous les Arabes en général, si nous n’avons plus de cœur, nous devons tout au moins envisager notre intérêt. C’est moins noble, évidemment, mais plus vingtième siècle.

Dans cette étude, que nous ferons très courte, nous nous appliquerons à être impartial. Pour bien juger les gens et les faits il faut, disait mon père, le général Jung, historien, se mettre successivement de chaque côté de la barricade. Nous sommes catholiques de naissance, ce qui ne nous empêche pas d’apprécier comme il convient toutes les religions, entre autres l’IsIam dont la simplicité et l’universalité sont à admi­rer et à retenir.

(…)

L’Islam, avons-nous écrit l’année dernière, se ré­veille ; les Musulmans prennent conscience de leur nombre et par conséquent de leur force et de leurs droits. L’Islam se rend compte de la réalité d’un fait auquel il ne pouvait croire après les services rendus : les anciens Alliés se sont engagés à ne pas laisser les Musulmans élire un nouveau Calife, cette absence d’un chef spirituel devant amener, croyaient-ils, la disparition de cette religion. Le contraire se produit. Les Alliés ont pris leurs désirs pour la réalité ; il n’y a qu’à voir l’afflux des pèlerins à la Mecque, l’importance croissante des associations musulmanes dans le monde et le retentissement que chaque atteinte à l’Islam produit partout, tandis qu’autrefois ces actes restaient ignorés de la masse. L’affaire du Maroc est un exemple frappant de cet état d’esprit général, après celui provoqué par les exagérations sionistes.

L’Emir Chekib Arslan, dans “La Nation arabe“ de juin 1930, a nettement exposé la situation que crée la politique de coercition pratiquée par la France, par l’Angleterre et par les Hollandais dans les Indes Néerlandaises. “La coercition, dit-il, n’a jamais eu d’autre résultat que de produire le contraire de ce que l’on croyait at­teindre. Il en est de même de la politique dirigée contre la solidarité entre les Musulmans. Plus les puissances européennes qui ont des colonies peuplées de Musulmans s’efforcent d’empêcher ceux-ci de sympathiser avec leurs coreligionnaires, plus ils se montrent attachés à leurs frères oppresseurs, et plus aussi l’assimilation qu’on espérait devient difficile. En essayant d’empêcher les Berbères d’apprendre l’arabe, on n’a pas diminué leur attachement à l’Islam. Un homme politique français a dit : “Nous avons détaché la Tunisie de la Mecque“, mais il s’est bien trompé, car la Tunisie est restée tout aussi atta­chée qu’auparavant à la Mecque. La propagande des missionnaires catholiques ou protestants, dans le centre de l’Afrique, poursuivie avec beaucoup de zèle et de sacrifices, a eu incontes­tablement des résultats considérables. Huit millions de noirs ont embrassé le christianisme ; mais, par contre, le zèle chrétien a excité les musulmans, et les confréries religieuses musulmanes du Nord de l’Afrique ont converti, d’après l’aveu des mission­naires, quatre ou cinq fois plus de noirs à l’islamisme. Il est à noter que les nègres convertis ne sont pas moins antieuropéens que les nègres musulmans. Il y a deux ans, un congrès religieux protestant, où figuraient 400 représentants de toutes les Eglises protestantes, s’est tenu à Jérusalem. On y a pris des décisions où l’on a parlé ouvertement de l’évangé­lisation des Musulmans. Toute la presse musulmane a mené une campagne contre ce congrès qui fut une des raisons du mécontentement général des Arabes soumis à l’Angleterre. Il n’eut pour résultat qu’un réveil dans l’esprit des musulmans, et c’est ainsi que dans toutes les villes d’Egypte, de Palestine, de Syrie et de l’Irak, il se forma des sociétés de jeunes gens musulmans. Nous arrivons maintenant à notre conclusion. Le panislamisme, tel qu’on le conçoit en Europe, n’a jamais existé, n’existe pas et ne pourra pas exister. La solidarité morale existe et existera toujours entre musulmans. Plus on y mettra des obstacles, plus elle éclatera…“

C’est très justement raisonné. Seulement, contrai­rement à ce qui se passa entre les nations chrétiennes qui emploient toutes les armes pour se combattre, les peuples musulmans, même de langue différente, ont tendance à se soutenir et à se rapprocher, pour se dé­fendre contre des adversaires acharnés et sans parole, ligués dans l’espoir de les anéantir. Ce n’est pas là du panislamisme, mais l’effet de l’esprit de conservation, de la haine contre une oppression invraisemblable à notre époque, contre un abus de la force et contre un sectarisme inouï. Si même toute cette campagne religieuse aboutit un jour au véritable panislamisme et amène une union complète des musulmans du monde – et ils sont près de 400 millions, rappelons-nous ce chiffre – les nations, cause de cette modification d’attitude, ne pourront que s’en prendre à elles-mêmes du résultat obtenu.

À force de souffler du vent, on amène la tempête. Notons pour mémoire l’organisation politique de plus en plus grande de l’Arabie centrale, l’entente complète entre les souverains d’Arabie, de l’Irak et de Transjordanie, les traités d’amitié du premier avec plusieurs grandes puissances, dont tout récemment l’Allemagne, la grande faveur dont jouit en Asie Mi­neure l’idée de la confédération Arabe, les sérieux préparatifs, de la part de ces Etats, de défense contre toute agression, et les directives venant de la Mecque.

Nous terminerons cet exposé succinct en donnant cet avertissement aux grandes puissances qui ont re­nié leurs signatures : Attention ! Il vaut mieux, pour l’avenir, proposer immédiatement la juste remise en état des choses plutôt que d’y être contraint et forcé un jour prochain. Nous comprendra-t-on ? »

Eugène Jung (1863-1936): Vice-résident de France au Tonkin (en 1895). – Auteur d’articles sur la politique coloniale et la question d’Orient ainsi que d’ouvrages sur l’Islam. – Romancier et auteur dramatique

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