Pourquoi l’Arabie saoudite reporte-t-elle sa normalisation avec ‘Israël’ ?
1 novembre 2020
Actualité
Leila Mazboudi
Jeudi 15 octobre 2020
Dans les apparences, l’Arabie saoudite donne l’impression qu’elle souffle le chaud et le froid sur sa disposition à normaliser ses relations avec l’entité sioniste.
Officiellement, elle exclut pouvoir le faire pour le moment. Dans ses médias, elle exhorte à faire la promotion de la normalisation.
Lors des discussions avec des forums de l’Union européenne, le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal ben Farhane a informé ses interlocuteurs que son pays n’allait pas rejoindre les pays qui ont normalisé avec Israël, ont rapporté les médias israéliens. Leur assurant toutefois que le royaume n’allait pas entraver les tentatives des pays arabes de normaliser avec Israël.
Il ne l’a d’ailleurs pas fait avec les Emirats arabes unis et le Bahreïn, ses alliés les plus proches dans la région. Il ne les a même pas critiqués dans ses positions officielles. Et dans ses médias, il a sommé les journalistes à applaudir la démarche, comme l’a révélé le Washington Post,
« Il n’est pas permis aux journalistes saoudiens de critiquer les accords des EAU et du Bahreïn lui a confié un journaliste qui travaille pour un grand journal saoudien pour le WP. Alors que d’autres ont révélé avoir reçu l’ordre de la part des niveaux politiques les plus élevés de changer leur ligne éditoriale.
Ce qui est pour le WP «la preuve éclatante que les choses vont aller vers la normalisation ».
Reste à savoir pour quelles raisons l’Arabie peine-t-elle à passer à l’acte ?
Dans les déclarations officielles, Riad avance comme condition pour entreprendre le processus de normalisation « des progrès entre Israël et les Palestiniens », selon les propos de ben Farhane devant ses interlocuteurs européens.
Cette même raison avait été invoquée par ce dernier, lors de sa conférence de presse à Berlin avec son homologue allemand le 19 aout dernier, lorsqu’il avait dit que le royaume n’allait pas suivre au pas les EAU et le Bahreïn tant qu’Israël n’a pas conclu d’accord de paix avec les Palestiniens. Estimant que les mesures unilatérales israéliennes d’annexion de la Cisjordanie sapent les chances de deux Etats.
Riad fait figure qu’elle est attachée à la condition qui avait été stipulée par l’initiative de paix que les pays arabes avaient faite sous sa houlette, lors du sommet de la Ligue arabe en 2002 à Beyrouth.
Mais ses allégations de bienveillance aux droits du peuple palestiniens ne sont pas convaincantes pour autant du fait qu’elles sont contredites par le traitement de ses médias officiels.
En plus d’applaudir la normalisation, les journalistes sont sommés de mener une campagne contre les Palestiniens, les traitant d’incapables et d’incompétents de défendre leur cause et d’avoir perdu l’occasion de leur faire. Un véritable tapage y est axé sur cette thématique.
L’ex-chef des renseignements saoudiens Bandar ben sultane s’en est fait le chantre lors d’une interview la semaine passée pour la chaine saoudienne al-Arabiyat.
De plus, selon le WP, les journalistes saoudiens sont sommés de propager que la normalisation avait des aspects positifs pour le royaume et servait ses intérêts.
Dans le journal saoudien al-Jazeera, un chroniqueur réputé, Mohamad al-Cheikh a consacré sa chronique pour vanter les avantages de l’accord conclu entre Abu Dhabi et Tel Aviv. Et pour clamer qu’Israël n’est plus l’ennemi, mais l’Iran et la Turquie. Avançant qu’après l’ère du pétrole, les Etats du Golfe ont besoin de diversifier leur économie « Israël étant un partenaire de collaboration pour nous aider à moderniser ses pays ».
Paradoxalement, c’est dans cette contradiction entre les déclarations officielles saoudiennes qui feignent veiller aux droits des Palestiniens et le déchainement médiatique contre eux, tout en vantant les bienfaits présumés de la normalisation, qu’on peut déduire les réelles raisons des atermoiements saoudiens.
Elle montre que Riyad appréhende la réaction de l’opinion publique saoudienne et arabe par extension, qui refuse cette démarche.
Les responsables saoudiens ont pu être alarmés par les derniers chiffres scrutés par un institut israélien et qui montrent que sur les réseaux sociaux arabes, les avis sont à 90% défavorables aux accords conclus par Abu Dhabi et Manama.
Autre ballon d’expérience, le rejet par 50 personnalités artistiques et académiques originaires de plusieurs pays arabes que le festival cinématographique al-Jounat en Egypte d’honorer l’acteur français Gérard Depardieu, qui « adore Israël ». D’autres exemples hostiles pullulent dans les médias.
Il est clair que la direction saoudienne fait tout son possible pour inverser la tendance chez l’opinion publique saoudienne et arabe et passer le cap de la normalisation. Si elle n’y parvient pas, son leadership sur le monde arabe et islamique est compromis. Il lui est plus que jamais rivalisé par ses deux ennemis, Téhéran et Ankara, lesquels affichent, à des degrés différents, des positions pro palestiniennes.
Source: Divers