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17 novembre 2024

Non, Aïcha Kadhafi n’a pas écrit de «lettre à l’Algérie»


13:21 25 Décembre 2020
Afrique

rte
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Une «lettre à l’Algérie» portant la signature d’Aïcha Kadhafi a circulé sur la Toile, revenant notamment sur les conditions de fuite des proches de l’ex-dirigeant libyen vers ce pays voisin. Une source proche des Kadhafi a démenti à Sputnik qu’Aïcha en soit l’auteure. Elle a reconstitué les faits et abordé les projets politiques de Saïf al-Islam.

Diffusée sur les réseaux sociaux le 14 décembre dernier, une lettre prétendument signée par Aïcha Kadhafi, la fille du «guide de la Révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste», rend hommage à l’Algérie et à son peuple. Reprise même par certains médias nationaux, ce texte explique comment, sur le conseil de son père, elle aurait réussi à quitter le territoire libyen avec des membres de sa famille pour se réfugier en Algérie.

 

Les faits remonteraient au printemps de l’année 2011, lors des raids aériens menés par certains pays de l’Otan contre les positions des troupes restées fidèles à Mouammar Kadhafi, notamment le quartier-général de Bab al-Aziziya, une des principales résidences de la famille de l’ancien dirigeant libyen. 

«Lorsque l’OTAN a bombardé mon pays et a démoli Bab al-Aziziya, nous nous sommes enfuis à Syrte parce que c’est le lieu de naissance de mon père, mais les traîtres nous ont suivis. Nous avons fui vers Bani Walid, qui a beaucoup résisté, et les cheikhs des tribus nous ont promis qu’ils mourraient pour nous (…)», raconte le texte imputé à Aïcha Kadhafi.

La «lettre» poursuit: «Nous avons dit à mon père que c’est à lui de prendre la décision de choisir où nous devions aller et que nous serions d’accord sans hésitation. Il a soupiré à plusieurs reprises puis a dit: « Allez en Algérie, allez en Algérie, je n’ai vu aucun mal de leur part depuis cinquante ans! En Algérie, vous vivrez libres ».»

«Arme de destruction massive»

En fait, ce texte est présenté par son auteure présumée comme un signe de solidarité avec le peuple et les dirigeants algériens consécutif aux attaques subies par l’Algérie dans le sillage de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Selon les propos de Mouammar Kadhafi, d’après cette lettre attribuée à sa fille, l’Algérie est un pays qui a la capacité de résister aux puissances occidentales.

«L’Algérie ne vous livrera pas à l’OTAN et l’OTAN n’osera pas entrer en Algérie, j’en suis sûr!! L’Algérie dispose d’une arme de dissuasion massive depuis 1973 et l’a mise à la disposition des pays arabes pendant la guerre d’Octobre contre Israël. Mais les traîtres arabes en ont parlé à l’Amérique et à Israël, ce qui a poussé l’Algérie à nier! L’Algérie ne vous livrera ni à la Cour internationale de justice ni à aucun pays ou organisme qui en aurait fait la demande !», lit-on encore dans cette missive ce qui est supposée citer Kadhafi.

L’armée algérienne possédant l’arme nucléaire et l’utilisant comme moyen de dissuasion tout en cachant son existence? Une fable qui jette le discrédit sur l’authenticité de cette lettre qui s’est pourtant répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux algériens.

Contactée par Sputnik, une source de la famille de Mouammar Kadhafi a confirmé que cette missive adressée à l’Algérie était fausse et que Aïcha Kadhafi n’en était pas l’auteure.

«Ce texte est plein de contrevérités. Quiconque connaît les événements qui se sont produits en Libye en 2011 sait que cette lettre est fausse.»

Ainsi Khamis Kadhafi, le plus jeune des fils de Mouammar Kadhafi, n’a jamais pu discuter du plan de fuite avec son père puisqu’il est mort durant la première semaine des frappes aériennes de la coalition internationale, contrairement à ce qui est affirmé dans le texte.

«Tout ce qui s’est dit sur Khamis n’est que mensonges. Idem pour Aïcha et sa mère qui ne se sont jamais réfugiées à Syrte, comme l’avance l’auteur de cette lettre. Mouammar leur avait interdit de se rendre dans sa ville natale. Elles sont parties directement à Bani Walid (180 km au sud-ouest de Tripoli) avec Hannibal, le cinquième de la fratrie, et son épouse. Ils ont ensuite été rejoints par Mohamed, l’aîné des Kadhafi, son épouse, ses enfants et sa mère, la première épouse de Mouammar. À la fin du mois d’août 2011, le clan est parvenu à traverser la frontière algérienne pour se réfugier dans la ville de Djanet», explique notre source.

Alger dans la gêne

Les autorités algériennes ont accepté d’accueillir la famille Kadhafi pour des raisons «strictement humanitaires».

«Nous en avons informé le secrétaire général des Nations unies, le président du Conseil de sécurité et le président du Conseil exécutif du Conseil national de transition (CNT)», précisait alors le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères.

Aïcha, qui devait accoucher en urgence, était en fait le principal facteur humanitaire. Le 30 août, elle a donné naissance à Safia-Djanet, en hommage à la ville qui l’a accueillie avec les siens. Après l’accouchement, toute la famille est restée deux semaines dans une résidence appartenant à une grande entreprise publique algérienne. Les Kadhafi ont ensuite été installés à Oran, dans la demeure de l’ancien Président Chadli Bendjedid.

Mais tout a changé quelques semaines plus tard. Fin novembre, après avoir vu les images de la mort de Mouammar Kadhafi, sa fille a fait une déclaration sur la chaîne syrienne Arraï pour appeler les Libyens à se soulever contre les «traîtres du CNT». La sortie médiatique d’Aïcha a provoqué la colère d’Alger. Les responsables algériens ont alors décidé de priver tous les membres de la famille de leurs téléphones portables et de tout autre moyen de communication.

«L’appel lancé par Aïcha a mis dans la gêne l’Algérie car les principaux membres de la  famille Kadhafi étaient sous le coup de poursuites de la cour pénale internationale. Toute la famille a été sommée de ne plus s’adresser à la presse, condition sine qua non pour continuer à profiter de l’hospitalité et de la sécurité du pays hôte.»

La famille s’est retrouve isolée «jusqu’à l’intervention d’un cousin influent qui est parvenu à négocier un asile au sultanat d’Oman», ajoute le proche de la famille Kadhafi.

Saïf al-Islam prépare son retour

Le sultan Qabus ibn Saïd a imposé lui aussi ses conditions: pas de déclaration à la presse et pas de politique en échange de la sécurité et de la possibilité d’avoir une existence sereine. Le deal est accepté par Aïcha, Hannibal et sa famille, et par leur mère. Ils sont alors partis pour Mascate dans l’avion personnel du sultan. Mohamed a décidé de rester en Algérie. Après quelque temps, Hannibal, qui était allé lui aussi à Mascate, s’est finalement rendu avec son épouse au Liban.

 

Aïcha, Mohamed et Hannibal sont depuis restés très discrets. Leur frère, Saïf al-Islam Kadhafi, qui était présenté comme successeur de son père à la tête de la Jamahiriya, l’est beaucoup moins. Arrêté en novembre 2011 par une milice de Zenten, région située à l’ouest de la Libye, il a été condamné à la peine capitale par contumace par un tribunal de Tripoli en juillet 2015. Une année plus tard, ses geôliers de Zenten ont décidé de le libérer. Mais le fils cadet de Mouammar Kadhafi est toujours recherché par la Cour pénale internationale. 

«Saïf al-Islam a beaucoup collaboré avec la justice française dans le cadre de l’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle du Président Sarkozy en 2007. Il demeure optimiste et espère que la procédure de la CPI prendra fin bientôt. Mais il n’est pas resté inactif puisqu’il a engagé un véritable travail de proximité auprès des plusieurs tribus libyennes. Au courant du mois de novembre, il a d’ailleurs réussi à mettre un terme à un conflit entre deux familles de la ville de Sebha (sud libyen)», assure notre source.

Pour l’interlocuteur de Sputnik, le retour de Saïf al-Islam en politique n’est pas une vue de l’esprit. «Il se prépare activement. Il estime être la personne idoine qui peut engager la Libye sur la voie de la réconciliation.» À Tripoli, cela ne semble pas poser de problème en prévision des élections générales prévues pour la fin de l’année prochaine. Dans une interview accordée ce lundi 21 décembre au Figaro, Ahmed Maitig, puissant numéro 2 du GNA, le gouvernement d’union nationale de Tripoli, a indiqué: «Je ne m’oppose à la candidature d’aucun Libyen tant qu’il n’y a pas de problème juridique.»

Reste à savoir si le maréchal Haftar, adversaire des dirigeants de Tripoli, partage la même position. Mais le dernier mot reviendra au peuple libyen qui est seul compétent pour accepter le retour de l’héritier de Mouammar Kadhafi.

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