L’alliance du prédicateur Mohamad Ben Abdel Wahhab et d’Ibn Saoud
Le prédicateur saoudien Mohamad Ben Abdel Wahhab (1703-1791) se considérait comme investi d’une grande mission divine, à savoir combattre le polythéisme et l’idolâtrie, partant du constat que les croyants étaient retombés dans leurs vieilles habitudes, le culte païen.
Abdel Wahhab s‘est mis à inonder de messages les Rois, Princes et Hommes de religion, suivant en cela l’exemple du Prophète Mohamad, les incitant à se dégager de l’obscurantisme.
Originaire du village d’Al Ayni, Abdel Wahhab va transformer sa bourgade natale en centre de diffusion de sa pensée. Selon l’adage bien connu «Nul n’est prophète dans son pays», son enseignement n’a rencontré aucun écho. Il décida alors de migrer vers Ad Dariyah, siège du pouvoir d’Ibn Saoud, en 1747, avec lequel il scella une alliance, fondée sur une répartition des rôles: Le pouvoir spirituel à Mohamad ben Abdel Wahhab, le pouvoir temporel à Ibn Saoud.
La population d’Ad Daryah se transforma aussitôt en partisans (Ansar) du prédicateur, renforcés par ses fidèles accourus venus de son village natale, qu’il qualifiera de «Mouhajirine» (Emigrés).
La fusion des deux groupements donnera naissance à «Ahl At Tawhid» -Les gens de l’Unicité. Les autres groupements seront stigmatisés en deux catégories, les «Kouffar», les mécréants, ou pis «Al Mounafikoune», les hypocrites. Sa classification faite, Abdel Wahhab entreprit d’élargir son audience
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Trois cents (300) raids de conquêtes en 20 ans
En 20 ans, ses troupes ont lancé 300 raids contre les idolâtres de la Péninsule Arabique, soit en moyenne 15 raids par an. Les raids ne visaient pas tant le pillage des biens mais également la conversion des populations à la doctrine de l’Imam, le Wahhabisme.
Ousmane Ben Bichr, historien du wahhabisme auteur de l’ouvrage «La Gloire et l’Histoire du Najd», dresse le bilan suivant de la conquête wahhabite: «Les raids visaient le pillage sous couvert de considérations religieuses. Elles ont fait des dizaines de milliers de victimes. Le nombre des personnes ayant fait l’objet d’un déplacement de forcé équivalait à la moitié de la population du Najd (Centre du Royaume) et de la région de Yamama (sud du Najd), et de Bahreiïn, l’archipel situé dans le golfe arabo-persique.
…«Dans les années qui ont suivi la mort du prédicateur, les raids et déplacements forcés de population ont concerné le Hedjaz, le Yémen, l’Irak, le Sultanat d’Oman jusqu’aux confins du Levant» fin de citation.
Cette conquête a été menée au nom d’un hadith attribué au prophète prescrivant de «Dégager tous les idolâtres de la Péninsule Arabique».
L’interprétation wahhabite de la religion musulmane a transformé en un vaste cimetière la terre des Musulmans, s’accompagnant de la destruction de bon nombre de stèles et édifices religieux édifiés par la population en lieu de recueillement et de prière.
La destruction des sites archéologiques et des éléments constitutifs du patrimoine est une marque de fabrique de la doctrine wahhabite ( cf à ce propos, la destruction des Bouddhas de Bamyân (Afghanistan) par les Talibans et les stèles de Tombouctou (Mali) par Ansar Edddine.
Au son des tambours et des chants religieux, les adeptes du prédicateur wahhabite ont détruit tous les édifices religieux y compris à La Mecque et Médine, sans pour autant parvenir à démolir le mausolée du Prophète, pas plu que le dôle le surplombant, en application des préconisations du prédicateur.
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Le pillage de la tombe du prophète Mohamad à Médine
En Mars 1803, les combattants wahhabites ont renoncé à détruire le mausolée du prophète, sous l’effet de la colère populaire, mais ont réussi néanmoins à s’emparer de la couronne de Kisra Ana Charoune, de l’épée d’Haroun Ar Rachid, du collier de Zoubeida, épouse du Calife de Bagdad, des objets et pierres précieuses offertes par les princes de l’Inde en vue d’honorer la tombe du Prophète.
Lors de la mainmise wahhabite sur le mausolée, ce lot d’objets précieux s’est malheureusement dispersé, égaré dans le feu de l’action.
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Profanation de la tombe d’Hussein Ben Ali à Kerbala
La profanation du mausolée du prophète Mohamad n’est en rien comparable à celle subie à Kerbala (Irak) par la tombe d’Hussein Ben Ali, petit-fils du prophète.
Saoud Ben Abdel Aziz, grand père de Saoud le Grand (Saoud Al Kabir), a mobilisé une armée de 400 cavaliers et 600 fantassins pour la conquête de la ville sainte chiite d’Irak. L’attaque a été lancée le 22 avril 1802, correspondant au 18 Zoul Hijja 1216 de l’Hégire), le jour même de la commémoration du martyr d’Hassan et d‘Hussein, les deux petits-fils du Prophète, traditionnellement marqué par un pèlerinage de recueillement des chiites à la ville de Najaf, haut lieu saint chiite au sud de Bagdad.
Saoud lança à cette occasion son attaque contre cette ville paisible, désertée par la grande majorité de sa population en pèlerinage à Najaf. Provocation supplémentaire, il immobilisa son cheval à l’intérieur du mausolée, convia ses partisans à boire le café dans l’enceinte sacrée, avant d’ordonner la destruction systématique du mausolée, arrachant l’or du plafond, détruisant lustres et miroirs, emportant les tapis de valeur recouvrant le sol de la mosquée.
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De l’Animosité entre Saoudiens et Turcs
La haine que les Wahhabites ont suscitée à leur encontre du fait de leur férocité et leur intolérance dogmatique se retournera contre eux. Leur capitale Ad Darhya sera conquise et détruite par les Ottomans sous la conduite d’Ibrahim Pacha.
Le chef turc s’empara du chef des wahhabites, Abdallah Ben Saoud, le traîna jusqu’à Istanbul et le condamna à mort par empalement. Méthode d’exécution passive, le supplice du pal est réputé pour être particulièrement douloureux et spectaculaire, à l’instar d’une crucifixion.
Quant au Cheikh Souleymane Ben Abdallah Ben Cheikh Mohamad Ben Abdel Wahhab, l’historien du wahhabisme Ousmane Ben Bichr fait le récit suivant de sa mise à mort dans son livre «La gloire sur le chemin du Najd «Al Majd Fi Tariq Al Najd»): «Capturé, le petit fils du prédicateur a été directement traîné jusqu’au cimetière. Ibrahim Pacha ordonna à un grand nombre de ses soldats de diriger leur fusils vers le saoudien et de tirer à bout portant. Le corps déchiqueté du religieux sera collecté morceau après morceau avant d’être mis sous terre».
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Les confidences de Saint John Philby sur le Roi Abdel Aziz
Le capitaine William Shakespeare, homonyme du grand poète anglais, en service commandé auprès du Roi Abdel Aziz, tué en 1915 lors de la bataille opposant le Roi Abdel Aziz à la tribu Al Rachid, rapporte les propos suivants tenus par le Roi saoudien: «L’idolâtre est à mes yeux préférable au turc».
Ce propos est consigné par Saint John Philby dans ses mémoires «Mission au Najd 1917-1918, page 23).
Philby, espion anglais, devenu par la suite grand conseiller du Roi Abdel Aziz, rend compte des confidences du souverain qui considérait que «Les gens de la Mecque sont des idolâtres».
Rapportant une conversation avec le Roi Abdel Aziz, Philby mentionne les propos suivants : Roi Abdel Aziz: «Si tu me donnes en mariage ta fille, je l’épousera sans demander que mes enfants soient des Musulmans. Mais je n’épouserai jamais la fille du Cherif Hussein de la Mecque, ni aucune fille de La Mecque. Pas plus qu’aucune fille idolâtre».