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29 mars 2024

La vocation politique de la religion


La vocation politique de la religion est inscrite dans sa genèse (2)

par Robert Bibeau

Par Khider Mesloub.

La première partie de l’article se trouve ici: https://les7duquebec.net/archives/261473

 

Avec la révolution néolithique, il en découle le passage de croyances fondées sur l’appartenance à la nature (animisme, totémisme) à des cultes fondés sur une création de la nature par un Esprit (Dieu), en vérité propriétaire d’esclaves ou patron déifiés. On passe de l’immanence de l’esprit à l’esprit de transcendance. L’esprit est expulsé de la nature créatrice vers le ciel des nouveaux maîtres de la terre, trônant dans les palais royaux et sacerdotaux. Cette expulsion de l’esprit animant la nature sacrée nourricière trouve sa justification dans le nouvel ordre de production destructeur de la nature, entamé à l’époque néolithique. L’exploitation féroce et effrénée de la nature exige sa désacralisation. La nouvelle classe dominante esclavagiste désacralise la nature pour la soumettre à son esprit de prédation, à son culte profanateur productiviste mercantile. Au même moment où elle désacralise la terre, livrée désormais à une surexploitation effrénée, à la rapacité insatiable des propriétaires d’esclaves, elle sacralise le Ciel pour offrir une nouvelle religion consolatrice (compensatoire) aux femmes et hommes nouvellement réduits en esclavage, supporter leurs souffrances laborieuses contraignantes et aliénantes.

On connaît la suite de l’histoire productiviste de l’économie (agriculture intensive, déforestation, extraction des énergies fossiles). Depuis le néolithique, la nature a été totalement exploitée, et avec le capitalisme elle sera bientôt définitivement épuisée. Grâce à cette désacralisation, la nature a été vidée, au sens figuré et au sens propre du terme, de sa substance (matérielle et spirituelle,), exploitée à outrance par les nouvelles classes mercantiles (propriétaires d’esclaves puis les industriels capitalistes). Depuis lors, la terre est devenue l’objet de toutes les destructions pour assouvir la faim inépuisable du dieu argent. Ce dieu argent, nouveau totem des créatures méprisables de notre civilisation marchande.

Pareillement, la religion ne s’élève jamais au-dessus de la société. La religion ne reflète que l’idéologie dominante de la société à l’origine de la fondation de cette religion. Une société fondée sur l’ethnie produit une religion ethnique. Il suffit de lire l’Ancien testament pour s’en convaincre qu’il a été écrit par et pour un peuple d’éleveurs. Une société où la femme est dominée produit une religion misogyne, comme l’islam, même si les musulmans prétendent le contraire. La lecture du Coran et la réalité quotidienne se chargent de démentir leurs élucubrations sur l’islam prétendument émancipateur de la femme : sourate Al Baqarah-223. « Vos épouses sont pour vous un champ de labour ; allez à votre champ comme [et quand] vous le voulez et œuvrez pour vous-mêmes à l’avance » ; le verset 34/38 de la sourate 4 : « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter les femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises ; elles conservent soigneusement pendant l’absence de leurs maris ce que Dieu a ordonné de conserver intact. Vous réprimanderez celles dont vous avez à craindre l’inobéissance ; vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez ; mais aussitôt qu’elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle. Dieu est élevé et grand ».

Dans cette glorification de la soumission tous azimuts, la femme, symbole de la sensualité, incarnation de l’amour, doit impérativement être assujettie (pour éviter l’amollissement de la société patriarcale violente, la dévirilisation de l’homme pétri de religiosité belliqueuse symbolisée par la divinité masculinisée : Dieu ; l’adoucissement et l’humanisation des mœurs rustiques diffusées par cette religion phallocratique), et donc être reléguée au rang d’être subalterne. Il n’est pas surprenant de relever que les termes « misogynie », « sexisme ou machisme » n’existent pas dans la langue arabe.

Une société dominée par le mode de production esclavagiste produira une religion légitimant l’esclavage, comme dans le judaïsme (il n’est donc pas étonnant que les sionistes s’appuient sur leur Thora pour justifier et légitimer leur entreprise colonialiste en Palestine).

Une société désespérée par l’échec d’une tentative de transformation sociale écrasée dans un bain de sang, produira une religion de la peine et de la consolation mystique dans l’isolement et la renonciation (comme c’est le cas de nombreuses sectes apocalyptiques ayant émaillé l’histoire). Une société dans laquelle une classe, autrefois opprimée, se voit devenir dirigeante produira une croyance qui justifie ce nouveau mode de fonctionnement social, comme c’était le cas pour le protestantisme face au catholicisme (on peut y inclure cette doctrine religieuse sécularisée nommée « stalinisme, nouvelle religion laïcisée – « athéisée » – d’une classe bureaucratique fraîchement arrachée à sa basse condition sociale paysanne, soudainement hissée au pouvoir par la grâce d’une révolution, qui dissimule son nom de révolution bourgeoise antiféodale).

À l’évidence, toute religion est politique. Toute l’histoire des religions nous le prouve. Aucune religion n’échappe à cette dimension politique inscrite dans son culte. De surcroît, au cours de l’histoire, la religion a toujours servi d’instrument d’asservissement pour les classes exploiteuses. Plus fondamentalement, toutes les religions sont expansives, se proclament « universelles », euphémisme pour désigner leur politique impérialiste. Le christianisme, à ses débuts, durant plus de trois siècles, a été une religion des opprimés. Émanation du judaïsme, cette nouvelle religion s’est bâtie contre la dépravation de la classe privilégiée judaïque alliée des Romains. La religion naissante chrétienne voulait révolutionner la société par la fin des injustices. C’est pourquoi elle a été condamnée et persécutée à la fois par la classe parasitaire sacerdotale rabbinique et les classes régnantes romaines. Par son message d’amour pour les opprimés, elle déclarait la guerre aux classes régnantes exploiteuses. Persécutée trois siècles durant par les Romains, elle a fini par être récupérée par le pouvoir romain décadent menacé d’effondrement.

En effet, à la faveur de la crise de l’empire romain envahi de toutes parts par des hordes de « barbares », l’empereur Constantin a fini par se convertir au christianisme, pour se concilier sa population opprimée menaçante progressivement christianisée. Dès lors, le christianisme était devenu la religion (politique) officielle des classes régnantes aristocratiques européennes. L’Église s’était installée au pouvoir. Elle s’était dotée d’une papauté alliée de la royauté. Ce tandem politico-religieux dominera le monde chrétien européen durant presque mille cinq ans. Ainsi, cette religion des opprimés s’était-elle métamorphosée, une fois intégrée dans les palais royaux, en religion politique impérialiste des souverains pontificaux et royaux.

L’Église a régné sur les âmes pour mieux dominer le corps de ses ouailles. Elle s’est nourrie du sang christique de ses adeptes, réduits en serfs producteurs des richesses accaparées par les institutions ecclésiastiques et nobiliaires. En outre, elle s’est livrée, en association avec les souverains royaux, à une politique d’impérialisme sous couvert de guerres de religion désignées sous le nom de Croisades. Elle a légitimé et béni les conquêtes colonialistes entreprises par le capitalisme naissant. Elle a religieusement cautionné et glorifié l’esclavage des Noirs. Elle a lâchement béni par son silence complice l’entreprise guerrière et exterminatrice des régimes impérialistes (Français, Britannique, Allemand, Américain).

L’islam n’est pas mieux loti. Dès sa naissance, il a affiché sa volonté d’expansionnisme territorial, son prosélytisme, sa nature impérialiste, en résumé : ses véritables ambitions politiques colonialistes et dominatrices. Cette religion, née dans le sable, bâtie par le sabre, en moins de deux décennies, a conquis par la force et converti par la contrainte plusieurs pays. Qui plus est, comme le christianisme, toute son histoire a été jalonnée de guerres et de conflits de pouvoir. Quasiment tous les successeurs du prophète Mohamed ont été assassinés par leurs proches collaborateurs dévorés d’ambitions politiques. La religion leur a servi de tremplin pour assouvir leur soif de pouvoir.

L’islam s’est propagé par la force, avec comme fondement l’appât du gain, galvanisé par l’esprit du lucre, non par la conviction religieuse ; par l’invasion guerrière des territoires, non par la conquête spirituelle des cœurs. Il ne faut pas oublier que les habitants des pays conquis devaient s’acquitter d’un impôt, payer un tribut. C’est pour échapper à cette imposition forcée qu’ils avaient préféré se convertir à la nouvelle religion conquérante.

Ainsi, la violence en islam imprègne sa politique culturelle et cultuelle dès sa fondation. L’islam, surgi accidentellement, tel un volcan soudainement en éruption, dans une société tribale marquée par la violence, demeure toujours prisonnier de l’esprit politique dominateur et expansionniste qui a présidé à sa fondation.

Dans sa genèse comme aujourd’hui, historiquement l’islam a été fondé par l’esprit de conquêtes et l’ambition de la puissance de l’argent.  Récemment, Daech ne s’était-il pas imposé et enrichi grâce aux butins de guerre (comme aux temps de la fondation de l’islam) et au contrôle du pétrole, du gaz, la vente des femmes. Le pouvoir islamique, dans sa phase d’expansion politique, s’est bâti sur l’esprit de domination plus que le respect des hommes. Dès les premiers temps de l’islam, les califes avaient soumis les opposants et banni ou condamné toute personne tentée par le questionnement du fonctionnement de la société et du pouvoir. Car, selon le pouvoir islamique, seul Dieu, par le biais de ses représentants terrestres autoproclamés, peut réfléchir sur l’organisation de la société et définir les normes morales. Dans la société islamique, le croyant n’a rien à compléter, à modifier, à transformer. Il doit se contenter d’obéir aux préceptes dictés par le texte sacré et ses gouvernants sacralisés.

De nos jours, l’islam s’est encore amplement dévoyé par sa politisation extrémiste. Nul besoin de retracer en détails les ravages de l’islam politisé ou de la politisation de l’islam actuellement en œuvre dans tous les pays musulmans, renouant ainsi avec ses orientations belliqueuses originelles, ses mœurs guerroyantes de sa genèse, de sa tribale jeunesse. Qu’il nous suffise de rappeler les points saillants suivants. Sa volonté totalitaire de régenter la vie de son adepte depuis le berceau jusqu’à la tombe, dans ses moindres attitudes, illustre sa nature foncièrement despotique. L’islam a toujours été l’allié objectif des dictatures politiques, des despotismes culturels, des totalitarismes sociétaux. Il faut vivre dans un pays musulman pour mesurer le poids de son absolutisme autocratique. Ennemi de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, l’islam obère tout progrès de développement démocratique et économique. Sa focalisation obsessionnelle pour les préceptes du passé, lui fait oublier les principes progressistes du présent, et ignorer totalement la nécessité d’élaborer la planification du futur. Cette religion de l’autruche se voile la face pour ne pas avoir à devoir affronter la réalité, à bâtir une existence laborieuse fondée sur la production de l’être social terrestre fondé sur le travail, et non sur la spéculation spirituelle accomplie dans la prosternation devant les puissants, ces dieux terrestres, incarnation du Dieu céleste, extasiés d’être révérés avec autant de servitude volontaire religieusement ployée et déployée.

Au sein de la société islamique, le moi, autrement dit la mentalité de l’homme musulman, conditionnée et psychiquement structurée par la religion, n’est pas déterminé par son monde intérieur, mais par les textes coraniques et l’influence omnipotente de la communauté. Dans la culture musulmane, la société ordonne à la conscience de l’individu d’accomplir une unique mission : se soumettre scrupuleusement au texte coranique. Ainsi, être musulman signifie abdiquer son individualité pour se dissoudre dans la communauté. En islam, il n’y a pas de subjectivité.

Cependant, il en était ainsi du judaïsme et du christianisme (y compromis sa variante orthodoxe) du temps de leur règne despotique et meurtrier sous le féodalisme triomphant. C’est l’expansion du mode de production capitaliste dans les pays occidentaux qui a relégué ces religions à un rôle subalterne, périphérique, d’assistant des basses œuvres du capital triomphant. Le retard économique du monde arabe et d’autres peuples du Tiers-monde féodal (primitif, paysan colonisé), explique seule la prévalence et la pérennisation de cette mystique religieuse archaïque. Et la résurgence du djihadisme ne constitue qu’une réaction de survie de la part des anciennes classes dominantes archaïques que le grand capital international instrumentalise pour servir ses intérêts et ralentir le développement économique de ces pays pourvus d’importantes richesses naturelles, convoitées par les puissances impérialistes.

Pour ce qui est de l’Algérie, l’islam radical est apparu au lendemain de l’indépendance de l’Algérie. Il n’est pas inutile de noter d’emblée la coïncidence historique entre la naissance de l’État-nation algérien et le surgissement de l’islamisme. En effet, on ne peut pas comprendre et expliquer l’apparition de l’islamisme sans le situer dans le prolongement de la fondation de l’État algérien. Sans édification de l’État algérien, pas d’enfantement de l’islam radical. Sans structures étatiques éducatives et médiatiques instituées au lendemain de l’indépendance, l’islamisme n’aurait jamais vu le jour. Il serait demeuré dans la nuit de ses ténébreuses et sages pratiques locales – tribales. En résumé, durant des siècles, les Algériens observaient un islam traditionnel villageois fondé sur la tolérance. Une fois l’Algérie indépendante, l’islam se politise ou plutôt la politique s’islamise, comme il est de coutume dans un pays musulman où la religion est érigé en religion d’État. L’islam est instrumentalisé par le régime dictatorial algérien aux fins d’asservissement du peuple et de dévoiement de la politique. L’islam a été délibérément introduit dans l’espace politique pour contrer les forces oppositionnelles bourgeoises et socialistes progressistes. De toute évidence, l’institutionnalisation de la religion s’est traduite par la régression de sa dimension tolérante et de sa « mission spirituelle ». L’islam est devenu un simple instrument politique au service des États musulmans despotiques.

Le judaïsme, religion minoritaire millénaire, était au XIXème siècle, à la faveur de l’émancipation des Juifs opérée en Europe, en voie d’extinction. En effet, par son émancipation, une grande majorité de Juifs s’était intégrée, voire totalement assimilée à sa société d’« accueil », son pays « adoptif » (la France, l’Allemagne, l’Autriche, l’Angleterre, les États-Unis, etc.). Cette religion opprimée, de tout temps « apolitique », dépourvue de toute dimension universelle (car elle ne s’adonne plus au prosélytisme), et donc de toute ambition de domination, va se fourvoyer dans l’impérialisme européen triomphant du XIXème siècle, et se dévoyer dans la religion colonialiste et raciste prépondérante à l’époque (le christianisme sous toutes ses variantes totalitaires chapeauté par le capitalisme triomphant). Tout se passe comme si, devant le déclin de l’emprise du judaïsme sur ses ouailles converties au capitalisme libéral et libre penseur, réalité illustrée par l’éloignement de la religion ou conversion au protestantisme ou au catholicisme d’une importante frange judaïque, les instances rabbiniques politisées, soucieuses de stopper l’hémorragie religieuse, ont confectionné un dérivatif politique pour réanimer la foi juive au moyen d’une entreprise impérialiste de création d’un foyer juif sur la base du mythe d’une ancienne nation juive détruite. C’est la naissance du sionisme, antithèse du judaïsme pacifique millénaire, le début de la religion judaïque dévoyée vers un projet politique raciste colonialiste issu de l’impérialisme européen. La suite, tout le monde la connaît : la fondation coloniale de la Palestine par des sionistes, justifiée et légitimée au nom de l’irrationnel et fallacieux « droit de réappropriation » du sol palestinien effectivement habité durant l’Antiquité par des populations sémites disparates de confession judaïque, mais converties ultérieurement, au fil des siècles et des vicissitudes de l’histoire, au christianisme, puis à l’islam, devenues ainsi palestiniennes (ironie de l’histoire, les protagonistes instigateurs du mouvement sioniste, citoyens européens, américains ou autres, n’appartiennent absolument pas au rameau « racial » sémitique, autrement dit ce ne sont pas des sémites, mais issus des populations turcophones (les Khazars) d’Asie Centrale, converties tardivement au judaïsme, conversion opérée à partir du VIIème siècle ; et les populations établies en Palestine, aujourd’hui arabes et musulmanes et moindrement chrétiennes, sont les véritables descendantes des multiples tribus antiques de confession judaïque, autrement appelées Juifs).

Rien de nouveau sous le Ciel de Dieu, de Yahvé ou d’Allah : la politique poursuit sa voie serpen-tueuse au service de la religion, et la religion poursuit sa route tor-tueuse au moyen de la politique.

 

« Le degré d’inhumanité d’une religion en garantit la force et la durée : une religion libérale est une moquerie ou un miracle. »  Emil Michel Cioran.

 

Khider Mesloub 

 

Robert Bibeau | 25 janvier 2021 à 0 h 25 min | Mots-clés : doctrine, torah | Adresse URL : https://les7duquebec.net/?p=261475
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