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16 avril 2024

Affaire Navalny – Interview de Guennadi Ziouganov, secrétaire général du Parti communiste de la Fédération de Russie


Publié par Gilles Munier sur 12 Février 2021, 10:58am

Catégories : #Russie, #Poutine

Revue de presse : Histoire et société (4/2/21)*

Ziouganov: le Kremlin craint moins Navalny que la gauche

Un texte tout à fait important pour comprendre ce qui se passe en Russie face à l’offensive multiforme menée par les Etats-Unis et leur provocateur Navalny, le président du parti communiste renouvelle l’alternative : soit on est pour l’indépendance nationale, la souveraineté russe et alors il faut s’appuyer sur le peuple, soit comme l’oligarchie on est prêt à sacrifier cette indépendance et alors un “opposant” comme Navalny est pratique pour dévoyer la colère et interdire le combat des communistes. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoire et société)

L’injustice du gouvernement pousse les citoyens à la révolte

https://svpressa.ru/politic/article/288951/

Interview de Ziouganov par Andrei Polounine, « Svobodnaïa Pressa » (SP)

Le 2 février, une session du tribunal de district de Simonovsky sur l’affaire Alexei Navalny s’est tenue dans les locaux du tribunal municipal de Moscou. Le tribunal a annulé la condamnation avec sursis de Navalny dans l’affaire Yves Rocher et l’a condamné à 2 ans et 8 mois dans une colonie de régime général. Cet après-midi, plus de 300 personnes ont été arrêtées près du tribunal, selon des militants des droits de l’homme.

Qu’y a-t-il réellement derrière “l’affaire Navalny”?

– Le 2 février est une date importante – c’est le jour de la défaite des troupes nazies par l’Armée soviétique lors de la bataille de Stalingrad en 1943, – déclare le chef du Parti communiste de la Fédération de Russie Guennadi Ziouganov.  Dans cette bataille, plus de 91 000 soldats et officiers des troupes d’élite de la Wehrmacht, dirigées par le maréchal Paulus,ont été faits prisonniers. Et environ 140 000 nazis ont été tués. Aucune armée n’avait jamais connu une telle défaite. L’Armée rouge, dirigée par Staline et Joukov, a montré ce que sont la véritable compétence militaire, l’endurance et le courage.

La bataille de Stalingrad dura plusieurs mois – à partir du 17 juillet 1942 – et l’attention du monde entier était fixée sur elle. Des millions de personnes se hâtaient le matin d’allumer la radio pour écouter ce qui se passait sur la Volga. 80% des moteurs des chars, des véhicules et des avions de l’Armée rouge étaient alimentés en pétrole de Bakou. Le blocage de la Volga par les nazis signifiait que la position de notre armée deviendrait tragique.

Mais nous avons gagné à Stalingrad. Il semblerait qu’aujourd’hui il conviendrait plutôt de mettre au premier plan cette date légendaire. De raconter cette bataille à la jeune génération que les comparses du traître Navalny font descendre dans les rues pour attiser un Maidan et détruire le pays. De raconter comment en 1943 des jeunes comme eux se sont battus pour la grande patrie soviétique, comment ils ont écrasé les nazis. De plus, l’anniversaire de la bataille Orel-Koursk est à venir, au cours duquel le dos de la bête fasciste a finalement été brisé.

J’ai regardé beaucoup d’actualités militaires sur la bataille dans la région d’Orel. Et quand, l’autre jour, j’ai accompagné mon ami et camarade, Vassili Lanovoï (1), dans son dernier voyage, j’ai repensé à tout cela. Il incarnait comme personne le lyrisme et le courage de ces jeunes militaires – soldats et officiers élevés par le gouvernement soviétique.

Il me semblait que c’était de cela que toutes les stations de radio et de télévision de Russie auraient dû parler le 2 février. Mais sur toutes les chaînes, ils ne parlaient que du procès Navalny.

Non, c’est vrai, ils ont parlé aussi de ce que Poutine avait chargé la Cour suprême de réfléchir à un équivalent russe du CEDH. Une directive en ce sens a été donnée à la suite d’une réunion entre Poutine et des membres du Conseil présidentiel des droits de l’homme en décembre 2020.

Mais pour une raison ou une autre, ni les navalnistes, ni le gouvernement actuel ne se souviennent des droits de l’homme dans la “Ferme d’État de Lénine”, que la justice continue de harceler. Ils ne se souviennent pas non plus des droits du chef de la faction du Parti communiste au parlement régional d’Irkoutsk, Andrei Levtchenko, le fils de l’ancien gouverneur communiste Sergei Levtchenko, qui est détenu à Matrosskaya Tichina (2) depuis septembre.

Ces doubles-triples standards poussent les jeunes d’aujourd’hui à de violentes manifestations. Tout d’abord – contre l’injustice, contre les escrocs et l’oligarchie, contre la bureaucratie voleuse, contre l’humiliation des enfants de la guerre, contre l’éducation payante et la médecine détruite.

“SP”: – Ce n’est donc pas la personnalité de Navalny?

– Le véritable coupable des manifestations est la ligne socio-économique actuelle. Une politique qui ruine le pays et humilie des générations entières.

Lundi soir, j’ai participé à l’émission télévisée “Laissez-les dire”, consacrée à Lanovoï. Il y avait une atmosphère merveilleuse et sincère – tout le monde, indépendamment de l’âge et des opinions politiques, était d’accord pour dire que Vassili Semionovitch était un grand combattant pour la vérité, la justice et le vrai patriotisme. Il a fait de gens ordinaires – Pavel Kortchaguine, Ivan Varavva (3) des héros épiques. L’un avec sa Boudionovka (4) et avec son sabre au clair sur un cheval noir, l’autre avec l’allure ferme d’un colonel général –ils marchent avec nous dans le «Régiment Immortel», défendant tout ce qu’il y a de mieux dans notre histoire. Tout ce contre quoi les ennemis de la Russie se sont ligués, y compris en utilisant la «cinquième colonne».

La duplicité du gouvernement actuel est évidente. Car si le Kremlin veut renforcer efficacement le pays et la souveraineté, il doit s’appuyer sur ce que nous avons de meilleur, sur les exploits aux portes de Moscou et à Stalingrad, sur le saillant Orel-Koursk, sur le travail unique de Vassili Lanovoï. Je suis fier d’avoir organisé, en coopération avec Lanovoï, la soirée au palais du Kremlin à la veille du jour de la victoire – avec ElinaBystritskaya, Mikhaïl Nojkine, Youri Solomine, Alexandre Mikhaïlov.

C’est sur cela, sur les meilleurs représentants de l’esprit russe et de la culture russe, que les autorités doivent aujourd’hui s’appuyer. Et pas sur les matraques de la police ni sur les rapports des forces de l’ordre racontant la façon dont ils matraquent leurs compatriotes, désorientés par les provocateurs.

“SP”: – Pourquoi pensez-vous qu’il s’agit de provocateurs?

– Vous devez prêter attention au côté politique de la question. En effet, les Américains ne cachent pas le fait que la Russie est leur ennemi numéro un. Ils comprennent que nous avons un arsenal soviétique d’armes nucléaires et que nous pouvons détruire n’importe quel ennemi. Les États-Unis n’ont pas besoin de tels concurrents. Par conséquent, les Américains n’aimaient ni la Russie tsariste ni l’État soviétique. Ils ne sont pas non plus satisfaits du régime actuel.

Par conséquent, les États-Unis forment et soutiennent chez nous une “cinquième colonne”. Si notre gouvernement montrait honnêtement la vénalité d’Eltsine, de Gaïdar, de Tchoubaïs – toute la meute qui a pillé et détruit le pays – je pense que la situation serait beaucoup plus saine.

S’il dénonçait le fait que Navalny, Iouchtchenko et Saakashvili ont été formés dans le cadre du programme Yale World Fellows de l’Université américaine de Yale, dans le cadre duquel le département d’État américain forme les dirigeants de révolutions «de couleur», nous ne serions pas surpris aujourd’hui de ce qui se passe avec Navalny.

Nous savons ce que Saakashvili a fait en Géorgie, ce que Iouchtchenko a fait en Ukraine – laissez-moi vous rappeler, on l’a même gratifié d’une épouse agent de la CIA. Nous voyons comment ils essaient maintenant d’organiser une révolution «de couleur» en Biélorussie.

La principale raison de l’aggravation de la situation dans notre pays réside dans le cours socio-économique actuel. Et nos adversaires extérieurs jouent là-dessus, en utilisant les échecs du gouvernement russe. Permettez-moi de noter que les stratèges politiques américains ont brillamment appris à créer une situation de confrontation. En URSS, au début, il y a eu une confrontation entre Eltsine et Ligatchev afin de faire monter au sommet une équipe libérale. Puis vint la confrontation Gorbatchev-Eltsine. Cependant, Gorbatchev et Eltsine se sont mis d’accord pour couler le Parti communiste et ils ont tous deux reçu une reconnaissance occidentale. L’un est devenu citoyen d’honneur de l’Allemagne, le second, s’exprimant au Congrès américain, a été ovationné quinze fois. Et tout s’est terminé par l’exécution – à la fois notre parlement et le gouvernement soviétique.

Récemment, nous avons de nouveau vu les stratèges politiques américains en action – sur l’exemple de Tikhanovskaya en Biélorussie. Ils ont fait la promotion de ce pantin, l’ont montré dans tous les parlements – et ils ont essayé d’en faire un chef de file de la contestation. Dieu merci, le peuple biélorusse a résisté à l’épreuve avec dignité : le Batka était soutenu par des collectifs de travail, des responsables de la sécurité et tous ceux qui se soucient d’une république intelligente et stable. Les 11 et 12 février se tiendra l’Assemblée du peuple de toute la Biélorussie, au cours de laquelle Loukachenko fera un rapport et présentera un nouveau programme. Et je voudrais que nous suivions de près ces événements: la Biélorussie a toujours montré un exemple de soutien très constructif des travailleurs.

“SP”: – Le scénario “de couleur” se joue-t-il aussi en Russie?

– Nous voyons qu’une confrontation se joue: tantôt Poutine est contre les communistes, tantôt Poutine est contre Navalny. La vérité est que la voie suivie par notre bloc socio-économique libéral a conduit le pays à une impasse et à une crise systémique. Mais nos autorités ont encore plus peur non pas de la crise ou de Navalny, mais d’un virage à gauche.

Navalny est un nouveau pope Gapon, conçu pour allumer un Maïdan en Russie, donner l’apparence d’une lutte entre deux clans et laisser au pouvoir ceux qui continueront à poursuivre une voie libérale destructrice pour le pays.

Le « Comité régional » de Washington et la télévision berlinoise participent désormais à cette opération. Il est révélateur qu’environ 20 représentants des ambassades de pays étrangers, tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Bulgarie, la Pologne, la Lettonie, la Lituanie, l’Autriche, étaient présents au procès de Navalny, une affaire sans précédent pour des diplomates étrangers que de comparaître dans un pays étranger devant le tribunal et faire pression sur lui! C’est une ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Fédération de Russie!

Et que font les autorités et nos forces de l’ordre dans une telle situation? Ils arrêtent des citoyens sans raison! Un de nos amis, étudiant à l’Université d’État de Moscou, Alexeï Fedine, a été arrêté uniquement parce que près du métro, il distribuait des tracts du Parti communiste de la Fédération de Russie invitant à venir à la fête du 23 février –l’anniversaire de l’invincible Armée rouge. Il a été condamné à 15 jours de prison, prétendument pour avoir participé à une action en faveur de Navalny. N’est-ce pas scandaleux?!

Un autre moment important est le puissant soutien financier de Navalny. Selon les médias, plus de 1,5 milliard de roubles ont transité par le portefeuille Bitcoin du siège de l’opposition. D’où vient cet argent fou? Et que fait le comité d’enquête? Après tout, c’est de l’argent qui sert à détruire le pays – à corrompre, à menacer.

Navalny a dès le début joué un rôle de provocateur. Les autorités en avaient besoin afin d’attirer les gens de gauche à la Place Bolotnaya et les envoyer en prison – c’est ainsi qu’Oudaltsov (5) et Razvozzhaev ont fini en prison. Navalny a été libéré pour les élections à la mairie de Moscou en 2013 pour détourner l’attention du programme communiste «De la ville des problèmes à la ville du succès», présenté par notre candidat Melnikov.

Aujourd’hui Navalny est une opération toute spéciale conçue pour les personnes déçues par le cours actuel et la politique actuelle. Et derrière chaque épisode de cette opération spéciale, les oreilles des marionnettistes ressortent, qui ont auparavant enfoncé les fenêtres et les portes de l’URSS avec les coquins d’Eltsine et la privatisation de Tchoubaïs. Les technologies avec lesquelles ils ont coulé l’Ukraine, mis le feu au Caucase et à l’Asie centrale sont bien reconnaissables.

Aujourd’hui, ce bâtard met le feu à notre pays. La toile de fond est Russie unie, qui révulse les gens, et la réforme cannibale des retraites. Le Kremlin espère nouer des relations avec Biden et la nouvelle administration américaine – mais rien n’en sortira.

Ce qu’il faut c’est renouer avec notre histoire millénaire et prendre exemple sur la Chine, qui sort avec succès de la crise, luttant contre la pauvreté et maîtrisant les dernières technologies. Alors tout ira bien en Russie.

(1) Un célébrissime acteur soviétique, mort le 28.01/21.

(2)  Matrosskaya Tichina, « le silence des marins », est un centre de détention russe situé au nord-est de Moscou.

(3) Pavel Kortchaguine : héros du roman et du film « Et l’acier fut trempé » ; Ivan Varavva : héros du film « Les officiers ».

(4) Boudionovka : un type de chapeau qui était un élément essentiel de l’uniforme communiste de la guerre civile russe.

(5) Dirigeant du “Front de gauche”.

*Source : Histoire et société

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