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24 avril 2024

Qui sont les nouveaux dirigeants de la Libye ?


Qui sont les nouveaux dirigeants de la Libye ?

Un premier accord a permis de surmonter les divisions qui affectent la Libye depuis des années. De nouveaux dirigeants ont été nommés. Qui sont-ils ? Auront-ils les moyens d’engager le pays sur la voie de la reconstruction ?
Tripoli, 17 février 2021. Le nouveau premier ministre Abdoul Hamid Dbeibah arrive sur la place des Martyrs, pour célébrer le 10e anniversaire de la révolution de 2011
Mahmud Turkia/AFP

Le 5 février 2021 à Genève, 74 délégués sélectionnés par l’ONU dans le cadre de son Forum de dialogue politique libyen (Libyan Political Dialogue Forum, LPDF), ont élu quatre personnalités chargées de diriger un nouveau gouvernement intérimaire. Le premier ministre désigné est Abdel Hamid Dbeibah, 62 ans, personnage polémique, mais dont la candidature ne paraissait pas suffisamment solide pour gagner. Le magnat de Misrata, ville portuaire de l’ouest, a maintenant jusqu’au 26 février pour former un cabinet qui, s’il est confirmé, devra prendre ses fonctions en mars et rester en place jusqu’aux élections générales qui se tiendront le 24 décembre ou, selon toute vraisemblance, à une date ultérieure.

Le mécanisme pour désigner le premier ministre ainsi qu’un triumvirat — le « conseil présidentiel » comprenant un représentant de chacune des trois provinces — avait été proposé par l’ONU comme moyen d’aider la Libye à sortir d’une guerre civile internationalisée. Il s’agit de démontrer qu’un gouvernement unifié pourrait tenir malgré la division qui persiste sur le terrain.

Durant des mois, jusqu’au printemps 2020, l’offensive militaire du maréchal Khalifa Haftar, âgé de 77 ans, basé à l’est, a fait rage contre les milices alignées sur le gouvernement tripolitain reconnu par l’ONU, avec l’aide active de mercenaires russes et autres ainsi que de frappes aériennes des Émirats arabes unis. En juin, Tripoli est parvenue à expulser du nord-ouest du pays les principales brigades de Haftar et leurs alliés avec l’assistance militaire de l’État turc et de ses mercenaires syriens.

Aujourd’hui, aussi bien la mission militaire turque dans le nord-ouest que le contingent russe au centre échappent au contrôle des Libyens, mais ces présences permettent un équilibre des forces. Le calme relatif en résultant a permis aux Nations unies d’encourager l’annonce de plusieurs cessez-le-feu et de lancer le LPDF à l’automne dernier.

Beaucoup s’attendaient à ce que le premier ministre soit Fathi Bashagha, 58 ans, également originaire de Misrata, et ministre de l’intérieur dans l’actuel gouvernement de Tripoli. En 2020, lorsqu’il est apparu que l’intervention militaire de la Turquie allait bouleverser la donne, Bashagha, optimiste, a adopté une idée des Frères musulmans : tendre la main à une personnalité visible et reconnaissable du camp opposé, dont le fief principal est la Cyrénaïque, la moitié orientale de la Libye. C’est ainsi qu’il s’est associé à Aguila Saleh Issa, président du Parlement situé à l’est. Bien que Saleh, appuyé par l’Égypte, ne se soit jamais fondamentalement démarqué de Haftar, il a souvent été un interlocuteur un peu moins belliqueux que le maréchal soutenu par les Émirats.

La recherche d’une entente avec Saleh remonte au printemps 2018, lorsque le Frère musulman Khaled Al-Meshri nouait un dialogue avec le président du Parlement peu après avoir accédé à la tête du Haut Conseil d’État à Tripoli. Le pari relancé dès après la défaite de Haftar en 2020 était qu’une posture conciliante donnerait à Bashagha, l’allié tactique de Meshri, la possibilité d’accéder à un poste plus élevé par le truchement du processus onusien. Le plan n’a pas fonctionné. La liste comportant Bashagha comme premier ministre et Saleh comme président a été battue par celle de Dbeibah. Au lieu du ministre de l’intérieur connu pour sa rhétorique anticorruption, un quatuor relativement obscur a prévalu. Examiner brièvement l’itinéraire passé de ces individus permet d’éviter les simplifications excessives.

Une période prospère

Parmi les 74 délégués ayant voté au début du mois de février à Genève au nom du peuple libyen figurait Ali Ibrahim Dbeibah, âgé de 75 ans, l’un des Libyens les plus riches, mais aussi cousin germain et beau-frère d’Abdelhamid Dbeibah. En raison du soutien stratégique qu’il fournit au nouveau premier ministre, Ali a de l’importance.

Des Libyens qui fréquentaient Ali à l’époque disent qu’il a acquis son immense fortune durant la dernière décennie de l’ère Mouammar Kadhafi par le biais de ses privilèges de haut fonctionnaire du régime. Simple professeur de géographie, il devient maire de Misrata dans les années 1970. Au fil des années, son efficacité en tant qu’administrateur lui a valu une proximité particulière avec l’autocrate, qui l’a placé en 1989 à la tête de l’Organisation pour le développement des centres administratifs (ODAC), une institution publique supervisant la construction des infrastructures à travers le pays. La normalisation des relations de la Libye avec les États-Unis et le Royaume-Uni à partir de 2003 a permis une suppression progressive des sanctions internationales, ce qui a coïncidé avec une montée des prix du pétrole. La conjonction a donné lieu à une période exceptionnellement prospère.

Un confident de Kadhafi

Le gouvernement de Kadhafi a dépensé des dizaines de milliards dans des projets de construction, dont l’immense majorité fut confiée à des entreprises chinoises et turques. Le Guide a laissé Ali Dbeibah jouer un rôle central dans la distribution et la gestion de ces contrats par l’intermédiaire d’ODAC. Ses responsabilités ont sans doute consisté à superviser les pots-de-vin et les diverses combines clandestines qui y étaient attachés.

En 2006, le statut de confident de Kadhafi dont jouissait Ali a permis à son cousin et proche associé Abdelhamid d’accéder à la direction de la holding libyenne d’investissement et de développement (LIDC), un organisme par lequel transitaient des milliards de dollars en fonds publics.

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