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23 avril 2024

Trois raisons de la nécessaire démission de Frédérique Vidal


 

Le problème n’est plus de savoir si, mais quand Frédérique Vidal va démissionner de ses fonctions de ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Il y a au moins trois raisons pour qu’elle le fasse au plus vite.

           

La première d’entre elles peut sembler anecdotique. Néanmoins elle est révélatrice du mépris de la ministre pour les institutions dont elle exerce la tutelle. Le 5 juin 2019 deux chercheurs français ont été arrêtés en Iran de manière arbitraire et réduits au statut de monnaie d’échange. Roland Marchal a été troqué contre un membre des Gardiens de la Révolution, le 20 mars 2020. Fariba Adelkhah, elle, est toujours retenue contre son gré en Iran, assignée à résidence et sous contrôle d’un bracelet électronique. Alors que le comité de soutien à ces deux prisonniers scientifiques a été reçu à l’Elysée et au ministère des Affaires étrangères, il n’a jamais enregistré le moindre signe d’empathie de la part de la ministre ou de son cabinet. Interrogée par des parlementaires ou des journalistes, celle-ci a toujours botté en touche, comme si le problème ne la concernait pas. Elle n’a pas non plus rencontré Roland Marchal à son retour en France. Voilà qui en dit long.

La seconde raison du nécessaire départ de Frédérique Vidal est l’incapacité de l’Université française à surmonter le crash test de la pandémie. Bien avant le déclenchement de cette dernière les enseignants et les étudiants tiraient la sonnette d’alarme sur la déshérence matérielle de leur institution. Le virus l’a balayée comme un fétu de paille. Les étudiants, privés de cours en « présenciel », n’ont pas pour autant bénéficié d’un enseignement à distance digne de ce nom, faute de moyens et de préparation. Rien n’a été fait de tout l’été alors que la « seconde vague » de contamination était pour ainsi dire programmée. Dans bien des facultés l’enseignement a été de facto suspendu ou est devenu larvaire. C’est non seulement une génération d’étudiants qui se voit sacrifiée, mais aussi la réputation universitaire internationale de la France qui a été détruite dans la mesure où, parmi ceux-ci, nombre d’étrangers ont été abandonnés à leur sort après avoir investi temps et argent pour poursuivre leur formation dans notre pays et l’avoir payée au prix fort compte tenu de l’augmentation extravagante de leurs frais d’inscription. On ne les y reprendra plus.

Au lieu d’oeuvrer Frédérique Vidal a utilisé l’état d’urgence sanitaire pour faire passer en force sa loi de « programmation de la recherche » que rejette la quasi-unanimité de la profession parce qu’elle radicalise la politique néolibérale à l’origine de cet effondrement de l’Université française, non sans l’agrémenter de mesures liberticides. On ne dira jamais suffisamment que la défaite de Sanofi et de l’Institut Pasteur dans la course au vaccin contre la Covid-19 est le fruit du New Public Managementet de la privatisation de la science à grand renfort de crédits d’impôt recherche (CIR), lesquels ont engraissé le capital plutôt que la connaissance depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

La troisième raison qui rend impossible le maintien en fonction de Frédérique Vidal est bien sûr l’indignation qu’ont soulevée ses propos invraisemblables sur l’ « islamo-gauchisme » et sa tentative d’intrumentalisation idéologique du CNRS. Elle se voit publiquement désavouée par celui-ci, par l’alliance Athéna (l’instance de concertation des sciences sociales), par la Conférence des présidents d’Université et par l’ensemble de la communauté scientifique. Bien sûr les donneurs d’ordre ont été le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Education nationale. Depuis le début de l’été 2020, ils instillent cette version franchouillarde du maccarthysme dénonçant l’influence des « campus nord-américains » et incitant certains parlementaires, dont le député LR Julien Aubert, à attaquer nominativement, sur les réseaux sociaux, des universitaires au risque de les exposer à la vindicte de militants d’extrême-droite dont l’activisme inquiète les services de police eux-mêmes. Les démocraties occidentales constatent avec stupeur que la France s’aligne sur la Pologne, la Hongrie, la Grèce, la Turquie en matière de contrôle politique de l’Enseignement supérieur. De par le monde les protestations s’élèvent. Mais hier, dans le Journal du Dimanche, la ministre persiste et signe.

L’entretien indigne avec Jean-Pierre Elkabbach auquel s’est prêtée Frédérique Vidal, sur l’équivalent français de Fox News, et dans lequel elle s’enferme, la discrédite de manière irréversible. Elle n’a plus d’interlocuteur dans sa propre administration. Elle salit l’image de la science au service de laquelle elle est censée être. Elle doit faire ses cartons.

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