Par Michael Sfard
La Cour Pénale Internationale s’est déclarée compétente pour enquêter sur d’éventuels crimes de guerre israéliens. Une décision importante, au point que le gouvernement israélien a récemment renoncé à déplacer de force des villages bédouins, explique l’avocat israélien et militant des droits humains Michael Sfard, qui confie son analyse à Mondoweiss.
Le britannique Karim Khan, qui va succéder à Fatou Bensouda au poste de procureur général de la Cour Pénale Internationale, pourrait choisir de ne pas poursuivre Israël pour les crimes de guerre commis à Gaza par exemple, et ce au motif que l’occupant est doté des instances juridiques adéquates pour enquêter lui-même sur ces faits, ce qu’il prétend d’ailleurs faire. Cependant, il n’en va pas de même concernant les colonies.
Illégales au regard du droit international, elles font partie de la politique officielle israélienne, qui n’a donc pas les outils juridiques pour sanctionner ce crime, qui n’est pas considéré comme tel dans le droit israélien. Ainsi, la CPI ne peut se défausser de la responsabilité de l’enquête.
Si elle le faisait tout de même, cela risquerait d’achever de détruire sa crédibilité. En effet, nombre de pays africains dénoncent l’usage qui est fait de cette cour. Celle-ci n’a jusqu’à présent poursuivi et condamné que des chefs d’état africains, faisant apparaître la CPI comme « une entité impérialiste et colonialiste où les blancs font la leçon aux autres ». Si bien que les pays dits en développement pourraient in fine quitter la CPI, la vidant ainsi de toute sa substance, poursuit Michael Sfard.
Notons que l’administration Biden a d’ores et déjà dénoncé cette démarche contre Israël comme une épine dans le pied du processus de paix. Cependant, n’étant pas membre de la CPI, leur poids est ici limité.
Une fois les enquêtes en cours, le secret de l’instruction se fait épais. Les dirigeants et dignitaires israéliens ne pourraient en théorie pas savoir si un mandat d’arrêt a été émis à leur encontre, rendant leurs déplacements et la vie diplomatique du pays bien plus laborieux. Les pays européens notamment, membres de la CPI, se verraient officiellement obligés d’arrêter quiconque faisant l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI et se trouvant sur leur sol. Une situation délicate entre intérêts divergents que beaucoup aimeraient éviter. La Cour Pénale Internationale, en entrant dans le jeu, a rebattu les cartes.
La présence de ce nouvel acteur va obliger Israël a plus de prudence. C’est déjà le cas, comme l’illustre le village bédouin de Khan Al Ahmar dont Israël avait planifié la destruction, ainsi que le déplacement forcé de ses deux cent habitants. Netanyahu s’y était engagé personnellement. Cette promesse, chère au coeur de son électorat droitier,est pourtant restée lettre morte, y compris en période électorale. Et ce car le procureur de la Cour Pénale Internationale avait rappelé que le transfert forcé de populations est un crime de guerre.
D’autant que pour faire face à la Cour, Israël a besoin de l’appui de ses alliés européens. Or nombre de ces pays ont maintes fois condamné la destruction de villages palestiniens et la construction de colonies. Israël ne pourra désormais plus se contenter de balayer ces accusations d’un revers de la main comme par le passé. Quant à l’annexion de la Vallée du Jourdain souhaitée il y a quelques mois à peine par Netanyahou, il n’en est plus question…
Bien sûr, l’intervention de la CPI ne va pas mettre fin à l’occupation des territoires palestiniens mais cela pourrait changer politiquement la donne et produire des effets concrets importants, conclut Michael Sfard.
(Traduit par Sarah V. pour CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine
Source : EuroPalestine
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