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20 avril 2024

La Turquie déterminée à renforcer sa position en Méditerranée orientale


Publié par Gilles Munier sur 22 Avril 2021, 09:36am

Catégories : #Turquie

Alors que la Grèce cherche à créer un « bloc anti-turc » afin d’imposer ses revendications maximalistes en Méditerranée orientale, la Turquie développe une nouvelle stratégie diplomatique tout en renforçant ses capacités maritimes et militaires.

Par Öznur Küçüker Sirene (revue de presse : TRT en français – 21/4/21)*

Malgré les tentatives incessantes de la Grèce de faire de la mer Egée « un lac grec » en militarisant illégalement ses îles dans la région, la Turquie est décidée à ne pas se laisser faire. Elle défendra coûte que coûte ses intérêts et droits en Méditerranée orientale.

La Grèce continue à prétendre une zone économique exclusive en se basant sur ses îles situées au large des côtes turques. Or cette approche ne ferait qu’« emprisonner la Turquie à l’intérieur de ses rivages ».

Le cœur du conflit turco-grec concerne la petite île grecque de Kastellorizo (« l’île Meis » en turc), située à seulement deux kilomètres au large d’Antalya. Selon Athènes, les eaux entourant cette île sont sous souveraineté grecque, ce qui est inacceptable pour Ankara puisque cela priverait la Turquie de dizaines de milliers de km2 de mer riche en gaz.

La Turquie a ainsi développé la doctrine de la « Patrie Bleue » (« Mavi Vatan » en turc) qui consiste à imposer sa souveraineté sur une zone de 462.000 km2 en mer Noire, Egée et Méditerranée, ce qui est nécessaire pour « sa prospérité, sa sécurité et, même, son bonheur ».

Alors que la Grèce semble ne pas vouloir faire de concessions dans sa stratégie « maximaliste » visant à exclure la Turquie des tables de négociations, Ankara a décidé de combiner sa défense militaire avec la carte diplomatique.

Elle a repris des pourparlers bilatéraux avec la Grèce afin de résoudre le conflit en Méditerranée orientale. D’autres pourparlers se tiendront aussi prochainement concernant la question chypriote sous les auspices des Nations unies.

De l’autre côté, la Turquie veut déjouer les plans de la Grèce d’isoler la Turquie par le biais d’alliances avec d’autres pays méditerranéens. Le processus de normalisation des relations avec la France -le plus grand allié de la Grèce dans l’escalade des tensions en Méditerranée orientale- était un pas important dans ce sens.

La consolidation du partenariat turco-libyen est un sujet qui inquiète particulièrement Athènes. En 2019, la Turquie et le gouvernement d’union nationale de Libye soutenu par l’ONU ont signé un accord de démarcation maritime et un accord de coopération militaire. Le nouveau Premier ministre du gouvernement d’union nationale libyen, Abdul Hamid Dbeibah, s’est rendu le 12 avril avec une importante délégation de ministres à Ankara pour confirmer la poursuite de l’accord de démarcation maritime. Les deux pays ont signé plusieurs autres accords.

La Turquie a marqué un autre point important en faisant un pas vers l’Egypte. Le 12 mars, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu a déclaré que la Turquie et l’Égypte avaient repris des « contacts diplomatiques » pour la première fois depuis la rupture de leurs relations en 2013 après la destitution du président égyptien Mohamed Morsi. La proposition récente du groupe parlementaire du parti au pouvoir (AK Parti) de la création d’un « groupe d’amitié » turco-égyptien illustre également cette volonté d’ouverture envers le Caire.

Enfin, il est possible qu’il y ait un échange d’ambassadeurs entre Tel Aviv et Ankara. En décembre 2020, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a quand même soumis une condition pour une amélioration des relations avec Israël : « Il n’est pas possible pour nous d’accepter l’attitude d’Israël envers les territoires palestiniens. C’est sur ce point que nous différons d’Israël – sinon, notre cœur désire également améliorer nos relations avec lui ».

La Grèce : « enfant gâté » de l’Union européenne

Devant la supériorité militaire de la Turquie et son attaque diplomatique, la seule consolation de la Grèce est de pouvoir compter sur le soutien de l’Union européenne dont notamment la France de Macron qui rêve d’obtenir le leadership de l’UE en alimentant les tensions dans cette région.

Mais la Grèce pourra-t-elle longtemps ignorer les capacités militaires et diplomatiques de son voisin ? Selon une étude effectuée par le Centre de recherches politiques et stratégiques de l’université Haïfa en Israël, la flotte turque est la plus puissante de la Méditerranée orientale. En dehors de sa puissance maritime et militaire, la Turquie use également habilement de ses capacités diplomatiques. Aujourd’hui elle est devenue une puissance incontournable pour tous les pays qui misent sur une stabilité régionale et le dialogue. Elle a changé le cours des événements en Libye, en Syrie et dans le Haut-Karabakh.

Au lieu de bien s’entendre avec Ankara en prenant en compte ses droits et préoccupations les plus légitimes, les autorités grecques passent leur temps à essayer de monter les pays -avec lesquels Ankara a vécu des tensions- contre la Turquie en multipliant les déplacements pour rencontrer les responsables chypriote, émirati, israélien, égyptien et saoudien. C’est ainsi que la Grèce et Israël ont signé un accord de défense de 1,65 milliard de dollars et ont décidé de la création d’un centre international de formation de pilotage pour la Force aérienne grecque sur une période de 20 ans.

Le bloc anti-turc que la Grèce crée, semble encourager les responsables grecs à tenir des discours agressifs vis-à-vis de la Turquie. Le dernier exemple en date est le discours du ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Dendias, en visite officielle à Ankara, devant les journalistes : « La position de la Grèce est claire et ce n’est pas la première fois que vous l’entendez : la Turquie a violé en mer Egée et à la Méditerranée orientale le droit international et la convention (internationale) de la mer et les droits même souverains de la Grèce, la Turquie a effectué 400 vols au-dessus du sol grec ».

Ce à quoi le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu a réagi dans les termes les plus fermes : « Nous avons nos divergences sur ces sujets mais si vous venez ici pour accuser la Turquie alors que nous avions convenu de discuter de ces dossiers, je suis obligé de répondre ».

En conclusion, les discussions « exploratoires » entre la Turquie et la Grèce ne semblent pas donner de résultat pour l’instant en raison du fait que la Grèce préfère s’appuyer sur le soutien de ses alliés plutôt que de chercher à régler ses différends directement avec la Turquie. Or plus la Turquie se rendra indispensable sur la scène internationale, plus il y a des chances que la Grèce se retrouve finalement toute seule dans ce conflit. Tant qu’Athènes s’obstine à ignorer les intérêts et droits de la Turquie et de la République turque de Chypre du Nord, la Grèce est condamnée à rester dépendante des décisions et volontés des pays européens sans aucune autre possible marge de manœuvre. La meilleure option pour elle est de tendre enfin une oreille attentive à son voisin turc.

*Source : TRT en français

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