Des manifestants palestiniens chassés par les gaz lacrymogènes des soldats israéliens, à Hébron, le 16 février 2018. (Photo d’illustration) REUTERS/Mussa Qawasma
Par Sami Boukhelifa (revue de presse : RFI – 8/6/21)*
Depuis le début de l’année, deux ONG, B’Tselem et Human Rights Watch, ont épinglé Israël. Leurs rapports publiés en janvier et en avril dernier, dénoncent le régime « d’apartheid » mis en place par Israël dans les territoires palestiniens occupés. À travers une politique de répression et de persécution, les autorités israéliennes maintiennent la domination des juifs sur les Palestiniens. La ville d’Hébron, est sans doute l’endroit qui cristallise le plus ces inégalités.
« Vous me demandez où est-ce que je vois la violence à Hébron ? Elle est à chaque coin de rue. Ces rues où les gens sont séparés en fonction de leur origine ethnique ou de leur nationalité […] C’est une forme d’apartheid. Notre mission ici n’est pas de maintenir l’ordre, notre mission ici est d’asseoir la suprématie juive à Hébron. Nous, soldats, nous ne sommes pas entre le marteau et l’enclume. Nous sommes le marteau tenu par les colons pour écraser les Palestiniens. »
Ce témoignage anonyme est celui d’un lieutenant de l’armée israélienne ayant servi à Hébron en 2014. Il est lu par Rebecca Strober, elle-même ancienne militaire et aujourd’hui membre de Breaking The Silence, une ONG créée par des vétérans pour dénoncer l’occupation israélienne.
Il faut traverser des portiques de sécurité tenus par l’armée israélienne, pour passer d’un secteur à l’autre d’Hébron. Cette ville de Cisjordanie occupée, est divisée en deux parties. Hébron 1 ou H1 est sous administration palestinienne. H2, le centre historique, est occupé par des colons israéliens.
« Si vous posez la question à la plupart des Israéliens dans le reste du pays, ils ignorent l’existence de ces rues du centre-ville d’Hébron, interdites aux Palestiniens. Leurs commerces ont été fermés par ordre militaire. Petit à petit, les Palestiniens sont partis et c’est devenu une ville fantôme… À l’armée, on appelle ça la stérilisation des rues, raconte Rebecca Strober. C’est-à-dire éradiquer la présence palestinienne. Notre doctrine : que les Palestiniens sentent notre présence en permanence, qu’ils sentent notre souffle sur leur nuque, constamment. On a fait en sorte que cela devienne invivable pour eux. »
Car si une maison palestinienne donne sur une rue interdite aux arabes, sa porte est scellée, le propriétaire ne peut plus quitter son domicile ou alors en passant de toit en toit jusqu’à atteindre une autre rue où sa présence est autorisée.
Abed Al Mouhtassib, ouvre les portes de son magasin. Il est l’un des rares Palestiniens du centre-ville, où l’armée a fermé près de 1 900 commerces. Sa boutique est tolérée, car elle se trouve dans un secteur touristique et Israël veut faire bonne figure auprès des étrangers qui visitent la ville. « On est harcelés en permanence par les colons. Parfois ils nous frappent, parfois ils nous provoquent, et si vous osez riposter, vous finissez devant la justice, mais eux ne risquent rien », dénonce-t-il.
Palestiniens et colons israéliens ne sont pas soumis aux mêmes lois. Les premiers sont sous un régime militaire, les seconds sont soumis au droit commun. L’armée israélienne a interdiction d’arrêter les colons.
« Si deux personnes, des enfants par exemple, un Palestinien et un Israélien, se jettent des pierres et qu’ils se blessent de la même façon et qu’ils se retrouvent devant la justice. L’Israélien s’il a moins de 16 ans, sera automatiquement relaxé. Mais ce n’est pas le cas pour le Palestinien », pointe Rebecca Strober, de Breaking The Silence.
Le centre-ville d’Hébron abrite la mosquée d’Abraham, également appelée Tombeau des patriarches. Ce lieu saint, commun aux religions monothéistes, est aussi coupé en deux. Musulmans d’un côté, juifs de l’autre.
*Source : RFI