Rashida Tlaib, à droite, (représentante américaine du 13e district du Congrès du Michigan) prend la parole lors d’un rassemblement de soutien à la Palestine organisé par New Generation for Palestine à Dearborn le 16 mai 2021. Tlaib a parlé des injustices auxquelles les Palestiniens sont confrontés et a critiqué le président Biden pour son soutien aux forces israéliennes. Elle a également abordé les efforts qu’elle-même et The Squad (un groupe de six membres démocrates de la Chambre des représentants des États-Unis) déploient au Congrès pour faire avancer les droits humains des Palestiniens
Photo: Antranik Tavitian/Detroit Free Press

Par Ramzy Baroud

 

Il y a un changement indéniable dans la politique américaine en ce qui concerne la Palestine et Israël, un changement qui s’inspire de la façon dont de nombreux Américains, en particulier les jeunes, considèrent la lutte palestinienne et l’occupation israélienne.

Si cette évolution ne s’est pas encore traduite par une diminution tangible de l’emprise d’Israël sur le Congrès américain, elle promet d’être lourde de conséquences dans les années à venir.

Les événements récents à la Chambre des représentants des États-Unis illustrent clairement cette réalité sans précédent. Le 21 septembre, les représentants démocrates ont rejeté avec succès la proposition d’accorder à Israël un milliard de dollars de financement militaire dans le cadre d’un projet de loi de dépenses plus large, après les objections de plusieurs membres progressistes du Congrès.

L’argent était précisément destiné à financer l’achat de nouvelles batteries et d’intercepteurs pour le système de défense antimissile israélien Iron Dome.

Deux jours plus tard, le financement a été réintroduit et, cette fois, il a été adopté, et à une écrasante majorité, par un vote de 420 contre 9, malgré les plaidoyers passionnés de la représentante américano-palestinienne, Rashida Tlaib.

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Lors du second vote, seuls huit démocrates se sont opposés à la mesure. La neuvième voix d’opposition est venue un membre du parti républicain, Thomas Massie, du Kentucky.

Bien qu’elle ait été l’une des voix qui ont bloqué la mesure de financement le 21 septembre, la représentante démocrate, Alexandria Ocasio Cortez, a changé son vote à la toute dernière minute par la mention “présente”, créant une certaine confusion et soulevant la colère de ses partisans.

Quant à Massie, son refus du consensus républicain lui a valu le titre d’ “antisémite de la semaine” décerné par une organisation lobbyiste pro-israélienne notoire appelée “Stop Antisemitism”.

Malgré l’issue du bras de fer, le fait qu’un tel épisode ait même eu lieu au Congrès est un événement historique qui mérite d’y revenir. Cela signifie que dénoncer l’occupation israélienne de la Palestine n’est plus un tabou pour les élus américains.

Il fut un temps où s’exprimer contre Israël au Congrès générait une réaction massive et bien orchestrée du lobby pro-israélien, en particulier de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), qui, par le passé, mettait fin à des carrières politiques prometteuses, même celles de politiciens chevronnés.

Une combinaison de tactiques de dénigrement et diffamation dans les médias, de soutien à des rivaux et de menaces directes a souvent scellé le sort des quelques membres dissidents du Congrès.

Si l’AIPAC et ses organisations sœurs persistent dans leurs vieilles tactiques, la stratégie plus générale n’est plus aussi efficace qu’autrefois. Les membres du Squad – les jeunes représentants qui s’expriment souvent contre Israël et en faveur de la Palestine – ont pris leur fonction au Congrès en 2019. À quelques exceptions près, ils sont restés largement cohérents dans leur position en faveur des droits des Palestiniens et, malgré les efforts intenses du lobby israélien, ils ont tous été réélus en 2020.

La leçon historique ici est que le fait de critiquer Israël au Congrès américain ne garantit plus une défaite électorale. Au contraire, dans certains cas, c’est tout à fait le contraire qui se produit.

Le fait que 420 membres de la Chambre des représentants [une des deux instances du Congrès, l’autre étant le Sénat] aient voté en faveur de l’octroi de fonds supplémentaires à Israël – qui s’ajoutent aux 3,8 milliards de dollars de fonds annuels – reflète la même lamentable réalité que par le passé, à savoir que, grâce à la couverture médiatique mensongère et incessante des entreprises de presse, la plupart des électeurs américains continuent de soutenir Israël.

Cependant, le relâchement de l’emprise du lobby sur le Congrès américain offre des opportunités uniques aux électeurs pro-palestiniens d’exercer enfin une pression sur leurs représentants, en exigeant responsabilité et équilibre. Ces opportunités ne sont pas seulement créées par de nouvelles voix jeunes dans les institutions démocratiques américaines, mais aussi par l’évolution rapide de l’opinion publique.

Pendant des décennies, la grande majorité des Américains ont soutenu Israël. Les raisons de ce soutien variaient en fonction du contexte politique tel que défii par les responsables et les médias américains.

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Avant l’effondrement de l’Union soviétique, par exemple, Tel Aviv était considéré comme un fidèle allié de Washington contre le communisme. Par la suite, de nouveaux axes de propagande ont été mis au point pour maintenir l’image positive d’Israël aux yeux du public américains.

La ainsi-nommée “guerre contre le terrorisme“, déclarée par les États-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001, par exemple, a palcé Israël en position d’allié américain contre “l’extrémisme islamique”, qualifiant les Palestiniens résistants de “terroristes”, et donnant ainsi à l’occupation israélienne de la Palestine une façade morale.

Toutefois, de nouveaux facteurs ont déstabilisé cet angle de vue. L’un d’entre eux est le fait que le soutien à Israël est devenu un sujet de discorde dans la politique américaine de plus en plus agitée et conflictuelle, où la plupart des Républicains soutiennent Israël tandis que la plupart des Démocrates s’y refusent.

De plus, alors que la justice raciale est devenue l’un des sujets les plus marquants et les plus émotionnels de la politique américaine, de nombreux Américains ont commencé à considérer la lutte palestinienne contre l’occupation israélienne à travers le prisme de la lutte de millions d’Américains pour l’égalité raciale.

Le fait que le hashtag #PalestinianLivesMatter sur les médias sociaux continue de suivre la même tendance que le hashtag #BlackLivesMatter témoigne d’une réussite où la solidarité communautaire et l’intersectionnalité l’ont emporté sur les politiques profondément égoïstes où seul l’argent compte.

Des millions de jeunes Américains considèrent désormais que la lutte en Palestine fait partie intégrante de la lutte antiraciste en Amérique, et aucun lobbying pro-israélien au Congrès ne pourra modifier cette tendance incontestable.

Il existe de nombreux chiffres qui attestent de ces faits. L’un des nombreux exemples est le sondage d’opinion réalisé par l’Université du Maryland en juillet, qui a montré que plus de la moitié des Américains interrogés désapprouvaient la gestion par le président Joe Biden de la guerre israélienne contre Gaza en mai 2021, estimant qu’il aurait pu faire davantage pour arrêter l’agression israélienne.

Bien sûr, des personnalités politiques courageuses ont osé prendre position contre Israël par le passé, mais il y a une nette différence entre les générations qui précèdent et la génération actuelle. Dans la politique américaine d’aujourd’hui, certains élus le sont maintenant en raison de leur position affirmée en faveur de la Palestine, et s’ils s’écartent de leurs promesses électorales, ils risquent de s’attirer la colère de l’électorat pro-palestinien de plus en plus important à travers le pays.

Cette nouvelle réalité permet enfin de gagner et de maintenir une présence pro-palestinienne au Congrès américain.

En d’autres termes, s’exprimer en faveur de la Palestine aux États-Unis n’est plus un acte charitable et isolé. Comme l’avenir le révélera très certainement, cela devient le “politiquement correct” d’aujourd’hui.

Auteur : Ramzy Baroud

Ramzy Baroud

* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son dernier livre est «These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons» (Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine de l’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalea d’études mondiales et internationales, Université de Californie.
Visitez son site web: www.ramzybaroud.net et son compte Twitter.

6 octobre 2021 – RamzyBaroud.net – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah

Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…