les cachotteries nucleaires
15 novembre 2021
Les cachotteries nucléairespar Olivier Cabanel |
Au delà des propos rassurants, voire lénifiants des autorités nucléaires, de nouvelles analyses mettent en évidence que le plutonium de Fukushima s’est invité non seulement sur les côtes canadiennes, mais aussi en Europe, ce qui ne semble pas inquiéter grand monde…
On sait aujourd’hui assez précisément ou se déposent les particules radioactives depuis la catastrophe nucléaire japonaise, découvrant que la pollution nucléaire à largement dépassé Tokyo, (Photo) d’autant que récemment 200 000 millions de becquerels/kg on été mesurés près de Tokyo dans des micro-débris projetés lors de l’accident. lien
Ajoutons qu’on apprenait le 9 aout 2014, dans les colonnes du Fukushima Diary, que des particules radioactives ont été trouvées à 130 km de la centrale nucléaire.
Elles proviennent manifestement des barres de combustibles qui avaient été dispersées lors la catastrophe, puisqu’on y a retrouvé du césium radioactif, du zirconium issu des barres combustibles, de l’uranium et du fer. lien
Des particules radioactives avaient aussi été décelées à Tsukuba, à 172 km de la centrale dévastée.
Le 21 avril 2014 d’autres éléments radioactifs avaient été trouvés sous forme de plutonium dans des micros débris dispersés lors de l’accident à 120 km du site nucléaire. lien
Le pompon a été décroché par un échantillon prélevé à 460 km du site accidenté, dont 80% est composé de matériaux de cœur du réacteur purs comportant du tellure, du radium 226, du césium 134 et 137, du cobalt 60, le taux de radioactivité se mesurant en peta-becquerels au kilo (1PBq/g) lien
Le 16 aout 2014, France 5 a proposé un documentaire sur le sujet, (Fukushima, des particules et des hommes) et Gil Rabier, l’un des co-auteurs, témoigne : « l’omniprésence d’une radioactivité invisible atomise les communautés qui ne savent plus que manger ? où habiter ? « , constatant que le gouvernement a tendance à retarder la diffusion de l’information et à minimiser les taux de radiation. lien
Récemment, le docteur Shigeru Mita, surpris du peu de réaction à sa demande de stocker de l’iode médical, préoccupé qu’il était de la possibilité d’une contamination de Tokyo, a pris la décision de fermer sa clinique dans la banlieue de Tokyo, afin d’en ouvrir une autre à Okayama beaucoup plus à l’ouest.
Pour lui, il est évident que l’Est du Japon et Tokyo ont été contaminés, affirmant que dans les 23 districts de la métropole de Tokyo le taux de radioactivité varie de 300 à 4000 Bq/kg en césium 137.
Il affirme que Tokyo ne devrait plus être habité, et que ceux qui insistent pour y vivre quand même devraient faire des pauses régulières dans des régions moins contaminées. lien
C’est le moment de découvrir l’interview de Naoto Kan, premier ministre japonais au moment de la catastrophe, entretien réalisé par Hervé Kempf, qui démontre la large désinformation dont le ministre avait été l’objet.
Tepco ne transmettait pas les informations lorsqu’elles la mettaient en cause, affirmant qu’il n’y avait pas de problèmes, alors que la fusion du cœur du 1er réacteur avait commencé, racontant comment il avait envisagé l’évacuation dans un rayon de 250 km autour du site dévasté, Tokyo y compris, soit 50 millions de personnes, et l’ex-premier ministre de conclure : « auparavant, je pensais que si on respectait les normes de sécurité, l’énergie nucléaire était bénéfique (…) et j’ai changé à 180°, je pense qu’il faut arrêter le nucléaire le plus tôt possible ». lien
Des mesures de la radioactivité de l’eau de consommation réalisées au début du mois de juillet dans la préfecture de Miyagi, et à Tokyo lui donnent hélas raison (lien) et pourtant le riz de Fukushima va être vendu à Singapour. lien
Mais on savait moins dans quelle mesure d’autres parties du globe ont été touchées.
En effet, alors qu’à Tchernobyl, tout a été fait pour réduire au maximum les rejets radioactifs, d’abord en bloquant la progression du corium, puis en installant sur le site un sarcophage, sarcophage d’ailleurs en reconstruction, l’ancien donnant des signes de faiblesse, (lien) à Fukushima, les rejets dans l’air et dans l’eau n’ont pas cessé depuis le 11 mars 2011. carte
Pourtant malgré ces mesures, on sait aujourd’hui que Tchernobyl a largement pollué les alentours, couvrant une surface de 10 000 km², et que le nuage radioactif avait fait un large tour de l’Europe, alors qu’un seul réacteur avait été accidenté. lien
La zone contaminée avait touché la quasi-totalité du sol français, une partie de l’Italie, l’Allemagne, et beaucoup de pays de l’ex union soviétique. carte
Or à Fukushima, il y a 3 réacteurs en cause, et il n’a pas été possible à ce jour de construire de sarcophage, ou de bloquer les 3 coriums, et les fuites s’ajoutent aux fuites.
En avril 2014, 4 pompes ont répandu par erreur 203 mètres cube d’eau très radioactive dans plusieurs bâtiments de la centrale. lien
Au mois de mai 2014, un des robots envoyé dans le réacteur n°1 a révélé une fuite d’eau hautement radioactive, estimée entre 0,75 et 1,5 tonnes d’eau par heure, dont Tepco a tenté de récupérer une partie afin de la stocker dans le millier de réservoirs présents sur le site, ce qui représentait à ce moment 430 000 tonnes, prévoyant d’atteindre les 800 000 tonnes en 2015. lien
Quant au traitement partiel de l’eau radioactive, il semble qu’Areva peine à tenir ses promesses, puisque la quantité traitée se limite à 76 000 / 85 000 tonnes, dont le coût se chiffre en milliards de yens (lien) et suite aux problèmes rencontrés, Tepco a décidé d’abandonner le système de décontamination mis en place par l’entreprise française, d’autant qu’après avoir mesuré le niveau de contamination, il a été constaté que ce procédé mettait en danger les travailleurs pendant le fonctionnement et lors de la maintenance du système.
L’entreprise nucléaire japonaise a donc pris l’option de construire un nouveau système, attendant la décision de la NRA et pour l’instant, elle ne peut que constater qu’une énorme quantité d’eau souterraine contaminée se déverse directement dans l’Océan, au grand dam des pécheurs qui ont accepté, en vain, mois après mois, des concessions. lien
Alors jour après jour, le césium, le plutonium, et d’autres éléments radioactifs envahissent toujours un peu plus de nombreuses parties de la planète.
Lors de l’arrivée du nuage radioactif émanant de la centrale japonaise en France, comme dans d’autres pays européens, le 22 mars 2011, 2 jours avant la date annoncée, on sait que le niveau de pollution était supérieur à celui qui avait été mesuré par l’IRSN (institut de radioprotection et de sureté nucléaire), la Criirad affirmant que le taux de concentration d’iode 131 était 20 fois plus élevé qu’annoncé, et même si elle confirme que la dangerosité du nuage était négligeable, la norme n’empêche pas le danger.
De plus, l’IRSN avait affirmé que les taux français seraient moins élevés qu’en Suède, Finlande, Allemagne et Pays Bas, alors qu’en réalité ils étaient de même importance. lien
Quant aux côtes canadiennes, elles ont bel et bien été impactées par les rejets radioactifs japonais. lien
Mais revenons au Japon : Tepco et le gouvernement japonais sont en passe de devenirs champions en matière de dissimulation.
On s’était beaucoup interrogé sur la volonté évidente de Tepco, et du gouvernement Japonais, de ne pas laisser approcher facilement la communauté internationale du site nucléaire dévasté.
On commence aujourd’hui à imaginer l’éventuelle raison de cette volonté de discrétion…
Chacun sait qu’il faut du plutonium pour faire la bombe nucléaire, et on sait aussi que, depuis la fin de la dernière guerre, cette arme nucléaire est interdite au Japon, sous contrôle de la communauté internationale.
On sait aussi que le Japon rêve depuis longtemps d’être en possession de l’arme nucléaire, et fait valoir le danger que représentent ses voisins chinois, qui eux, possèdent l’arme atomique. lien
Or, 640 kilos de plutonium viennent d’être découverts dans la centrale nucléaire de Genkai, stockés illégalement sur le site et appartenant à KEPC (Kyushu Electric Power Company) ; il y a là de quoi faire 80 bombes atomiques, et ce plutonium aurait été « oublié » par le gouvernement japonais. Lien
Auparavant, Washington avait été obligé d’insister lourdement pour que Tokyo accepte de retourner plus de 300 kg de plutonium de qualité militaire, et on sait que Shinzo Abe, et la droite japonaise caressent depuis longtemps l’espoir que leur pays redevienne une puissance nucléaire, ne ménageant aucun effort pour s’éloigner du modèle décidé lors de la Conférence de Yalta, essayant par tous les moyens de créer une dissuasion nucléaire spéciale. lien
Grâce à ses matières nucléaires purifiées, capables d’être détournées pour fabriquer 5000 bombes atomiques, le Japon pourrait devenir la 3ème plus grande puissance nucléaire juste derrière Washington et Moscou.
On le constate, le tragique feuilleton nucléaire japonais n’a pas dit son dernier mot, et comme dit mon vieil ami africain : « ça ne sert à rien d’être fort comme un chêne si c’est pour être con comme un gland ».