paupérisation du prolétariat
25 novembre 2021
Salaire – retraite – pouvoir d’achat en baisse = paupérisation du prolétariatpar Robert Bibeau |
Par Annie Lacroix-Riz et Brigitte Bouzonnie
Madame Annie Lacroix-Riz a réalisé une vidéo Youtube de grande qualité intitulée : “la stratégie du choc en France” (27septembre 2021), où elle compare la situation de crise des années trente à celle d’aujourd’hui. Notamment, elle estime que la “stratégie du choc”, concept forcé par la chercheuse canadienne Naomi Klein, pour un pays de la périphérie comme le Chili de Pinochet, s’applique parfaitement à la société française de 2021.
L’objet de cet article est d’illustrer l’analyse de Madame Lacroix-Riz de l’existence d’une stratégie du chaos dans la France 2021, par des exemples précis et concrets : salaires jamais relevés depuis des années, notamment à cause du gel du point d’indice dans la Fonction Publique depuis 2009. Pauvreté de masse allant crescendo : 15 millions de pauvres, selon nos calculs. Et casse de l’hôpital avec la suppression de 100 000 lits ayant généré la suppression de 450 000 soignants.
1°)-L’existence d’une stratégie du choc dans les années 30 et aujourd’hui, selon Madame Annie Lacroix-Riz:
Que nous dit en substance l’historienne dans cette vidéo ?
La crise qui affecte la France depuis 40 ans, soit depuis les années quatre-vingts, est sur longue durée. Elle peut être comparée à la crise systémique de 1873, à l’origine de la guerre de 1914-1918. Elle peut aussi être rapprochée de celle des années trente, puisque dans les deux cas, il s’agit d’une crise de suraccumulation du capital. Ce qui a fait vaciller le capitalisme sur lui-même dans les années trente, c’est la crise de la dette allemande en 1931. Une plaisanterie au regard de l’ampleur de la dette actuelle.
Le capitalisme pratique la guerre contre les salaires. Cela fait vingt ans que les organisations syndicales de défense de la Classe ouvrière sont en position défensive, ce qui ne leur permet pas d’éviter le pire. Pour que les profits soient élevés, il faut que les salaires soient bas. Depuis 1981, 10% du PIB est passé de la poche du travail au Capital.
Mais le développement des profits est bloqué par la baisse tendancielle du taux de profit. Et j’ajouterai à titre personnel : la concurrence chinoise. Dans un cadre de marchés rétrécis, si on se place du côté du Capital, il faut diminuer de façon drastique les salaires. Il en résulte une guerre violente initiée par la Classe dominante, afin de diminuer les salaires nominaux et indirects : par exemple, un système de santé de qualité fait incontestablement partie du salaire de chaque français. Or, Jean-François Kessler, ancien maoïste, responsable du MEDEF, déclare dans la revue “Challenges” de 2016 : “il convient de raser tout ce qui a été fait depuis 1952” (sic) : en gros, tout le programme du CNR doit être mis à bas. Le salaire soit être désossé.
Il y a une guerre frontale contre les salaires : ce que la chercheuse canadienne Naomi Klein appelle “la stratégie du choc”. Quand vous voulez casser les salaires de toute une population, vous ne pouvez pas y aller au plumeau. Il faut donc y aller au char d’assaut. Naomi Klein analyse la stratégie du choc dans les pays de la périphérie comme le Chili d’Allende. Mais aujourd’hui, c’est chez nous que cela se passe dans des conditions d’extraordinaire brutalité. Nous sommes entrés dans une phase très brutale, et qui sera de plus en plus brutale. Pour que les salariés l’acceptent, il faut qu’ils n’y comprennent rien. C’est la stratégie des “stukas” nazis, ces avions de la guerre éclair de 1940, bombardiers en piqué, ayant des sirènes hurlantes, qui paniquaient les français sur les routes encombrées à cause de l’exode. Rien que l’effroi les conduisait à faire des choses inconsidérées. Sarkosy/Hollande/Macron nous administrent des réformes auxquelles nous ne comprenons rien. Mais en réalité, c’est le niveau du salaire nominal ou indirect, qui est visé.
2°)-Trois exemples concrets de cette stratégie du choc dans la France de 2021 : partie rédigée par Brigitte Bouzonnie:
L’Etat redistributeur a été raclé jusqu’à l’os. Toutes les enveloppes sociales ont toutes été siphonnées au profit des employeurs. Pourtant, personne ne moufte devant la paupérisation croissante de la société française. Tandis qu’une poignée d’ultra riches s’enrichit encore et encore. Voilà ce qu’il faut dire aux gens ordinaires qui ne le savent pas…..
Trois exemples de cette diminution des salaires nominaux et indirects :
2-1°)-Des salaires nominaux inchangés, mais en baisse à cause de l‘inflation :
Officiellement, il n’y a pas de baisse sur les salaires nominaux. Officiellement toujours, rien ne bouge sur la fiche de paye du salarié. Pourtant, si on conjugue le gel du point d’indice du traitement des fonctionnaires depuis 2009, et l’absence de hausse généralisée des salaires dans le secteur privé, au profit d’une prime tête du client, des millions de salariés ont perdu du pouvoir d’achat au cours de ces dix dernières années, par la seule cause de l’inflation. On peut évaluer cette baisse à 10% minimum.
Tout le monde reconnait implicitement le caractère scandaleux de cette situation. Ce n’est pas un hasard si, à six mois des élections présidentielles, le débat public ne porte pas sur l’opportunité ou non de relever les salaires. Mais sur les moyens de donner un coup de pouce aux salariés, électoralisme oblige !
Ainsi, dans le débat qui a opposé les candidats LR à la primaire la semaine dernière sur la haine BFM-TV, Valérie Pécresse a proposé une hausse des salaires de +10% pour tous les salariés gagnant 2,2 fois le SMIC. Tandis que Xavier Bertrand a préconisé une prime à l’emploi pour les salariés les plus modestes.
Mais le débat sur la stagnation officielle/diminution réelle des salaires/traitements des fonctionnaires observées au cours de ces dix dernières années, n’a pas eu lieu. Car ces baisses réelles de salaires ont été rendues possibles tant par des gouvernements de gauche (Hollande Macron) que de droite (Sarkosy). Donc ce débat a été volontairement escamoté par les candidats de droite que de “gôche”, tellement le sujet est explosif pour toute la classe politique française complice de ce triste état de fait. Droite et “gauche” qui ne veulent pas rendre de comptes sur leur gestion passée, lorsque l’une d’entre elles était aux affaires !
On peut développer la même analyse avec le niveau des retraites qui ne suit pas le coût de la vie. Les retraités ont donc aussi perdu du pouvoir d’achat : mais cela, personne n’en parle sur les plateaux télé… !
2-2°)-Une pauvreté de masse allant crescendo :
On le sait : le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté continûment depuis la fin des années 70 : 1 million de chômeurs en 1980. 2 millions en 1988. 3 millions en 1997. 6 millions aujourd’hui selon les chiffres de la DARES. 9 millions selon mes calculs.
Or, le fait de faire basculer un salarié dans le chômage puis le RSA, permet au capital de faire des économies forcenées sur le coût global des salaires, avec une grande brutalité. Le fameux “coût du travail” dont doit s’acquitter l’employeur est beaucoup moins élevé.
Le chômage de masse est donc aussi une forme de guerre frontale contre les salaires : mais de cela, personne ne cause dans le champ politique, mise au rancart de la question sociale depuis les années quatre-vingts oblige !
2-3°)-l’hôpital français, devenu un système de santé de basse qualité, afin d’économiser le niveau du salaire indirect :
Stéphane Velut est chef du service de neurochirurgie au CHU de Tours. Auteur de plusieurs tracts, dont deux sur l’hôpital. Celui-ci est devenu une industrie soumis à la seule rentabilité et donc aux économies forcenées. L’objectif est donc de diminuer le niveau du salaire indirect.
Interrogé par un journaliste du site ELUCID le 21 octobre 2021, Stéphane Vellut dit : “La transformation de l’hôpital en industrie est liée au besoin imposé de rentabilité. D’un système conventionnel où l’on soignait sans contrainte de vitesse, nous sommes passés à un fonctionnement guidé par la seule rentabilité, imposant le «flux » de patients le plus important possible, nécessitant de réduire leur durée de séjour.
La tarification à l’acte (T2A), financement unique de l’ensemble des hôpitaux, a été initiée en 2004 dans le plan hôpital 2007. Est apparue une « direction des soins » plaçant l’organisation des soins sous la mainmise de l’administration qui a acquis les pleins pouvoirs en 2009 avec la loi HPST. La productivité devint le maître-mot. Puis fut mis en place fin 2012 le plan Copermo, « comité interministériel de performance et de modernisation de l’offre de soin ».
Ce projet consiste en une restructuration architecturale et technique d’un grand nombre d’hôpitaux incluant une suppression importante de lits (15 à 20 %), afin de réduire le temps de séjour des patients et le personnel hospitalier. Résultat : 450 000 soignants ont été supprimés.
Toutes les directions hospitalières sont en réalité inféodées à Bercy, mais elles sont tenues au devoir de réserve. Elles sont donc silencieuses.
Mais avec la pandémie, l’afflux soudain d’un grand nombre de malades a embouteillé le système et révélé notre désarmement sanitaire. La réduction du nombre de lits (100 000 en 20 ans) est apparue au grand jour ; les patients les moins urgents ont dû attendre. Alors les gestionnaires et le gouvernement ont paniqué.
(1)-Stuka est l’abréviation du mot allemand «