Les 17 et 18 février 2022, le Président Brahim Ghali a remisé son treillis militaire de secrétaire général du Front Polisario pour une derâa, la tenue traditionnelle du Sahara occidental, afin de prendre part au 6e sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine et de l’Union européenne qui s’est tenu à Bruxelles.
Ce n’est pas la première fois qu’un dirigeant de la RASD assiste à un Sommet Afrique-Europe, mais la présence d’un Président sahraoui au siège de l’Union européenne à Bruxelles est un fait inédit. Une participation qui a donné lieu à une polémique avant même le début de cette rencontre. Au Parlement marocain, des députés membres de la commission mixte Maroc-Union européenne ont adressé une lettre à leurs confrères européens pour leur demander d’intervenir pour l’empêcher d’entrer sur le territoire belge. Lors d’une conférence de presse animée mercredi 16 février 2022, Peter Stano, le porte-parole principal du Service européen pour l’action extérieure a dû justifier la présence du Président Brahim Ghali:
« L’Union européenne est coorganisateur avec l’Union africaine. Chaque organisation invite ses membres, donc c’est l’UA qui a été chargée d’inviter ses membres. L’Union européenne ne pourrait pas interférer dans cette sélection et dans le processus d’invitation. Cela ne change pas la position de l’Union européenne sur le Sahara occidental et sur la République arabe sahraouie démocratique. Aucun de nos États membres n’a reconnu cette république. C’est tout ce que je peux dire. Nous appuyons le processus pour trouver une solution au Sahara occidental dans le cadre des efforts des Nations unies », a-t-il indiqué.
En clair, même si elle ne la reconnait pas, l’Union européenne était tenue d’accueillir la RASD puisqu’elle est membre à part entière de l’Union africaine. Au-delà du caractère inédit, la participation du Président sahraoui à ce sommet est-elle juste symbolique? Carlos Ruiz Miguel, professeur de droit constitutionnel à l’université de Saint-Jacques-de-Compostelle, explique à Sputnik que sa présence a une « grande portée politique à plusieurs niveaux ».
« C’est la première fois que le Président de la RASD se rend en Europe, avec cette qualité, pour participer à un événement officiel. Il ne faut pas oublier non plus que ce sommet se déroule sous la présidence française de l’Union européenne. Étant donné la proximité entre la France et le Maroc, l’importance historique de cette participation est indiscutable », relève le professeur Carlos Ruiz Miguel.
Victoire espagnole
Le professeur estime également que la présence du Président Brahim Ghali sur le sol européen vient conforter la décision du gouvernement espagnol de l’avoir accueilli, en avril 2021, pour des raisons médicales. Une hospitalisation qui avait provoqué la colère de Rabat. En réaction, les autorités marocaines avaient décidé de relâcher la surveillance des flux migratoires sur l’enclave de Ceuta. Une mesure qui a donné lieu à une crise entre les deux pays suite à l’arrivée massive de milliers de migrants marocains dans l’enclave espagnole. Le fait que le Maroc n’ait pas réagi lors de l’épisode bruxellois est donc une victoire pour l’Espagne, selon l’universitaire.
« Puisque le Maroc n’a pas déclenché de crise similaire envers l’Union européenne et la France, il s’agit là d’un aveu de la part du Maroc qui prouve que son offensive contre l’Espagne était inacceptable. Finalement, cette participation est un échec politique de plus de la diplomatie marocaine qui avait essayé de faire pression pour éviter la présence du Président de la RASD », ajoute le professeur Carlos Ruiz Miguel.
27 Septembre 2021, 21:31
Le « relâchement » sécuritaire de Rabat avait été perçu par les États membres de l’Union européenne comme « »moyen de pression politique ». Le 10 juin 2021, le Parlement européen a voté une résolution rejetant ce qu’il considérait comme « l’instrumentalisation par le Maroc du dossier des mineurs (non accompagnés) dans la crise migratoire vers la ville de Ceuta », approuvée par 397 voix pour, 85 contre et 196 abstentions.